mardi 27 septembre 2022

Les groupes FTP de la forêt de Trois-Fontaines, octobre - décembre 1943 (2)


 Camille Soudant, entre les mains de la police française. (Source 2101 W 18, AD 54).


Quelles ont été les activités des deux groupes ? En voici un résumé, sur la foi des procès-verbaux d'interrogatoires de leurs membres qui, rappelons-le, n'ont d'abord reconnu que les cambriolages.

    Courant octobre 1943, Camille Soudant, 21 ans, commis boulanger à Avize (Marne) et réfractaire au STO, prend le train à Reims et descend en gare de Pargny-sur-Saulx. Il y retrouve un homme nommé Paul ou Vincent, dont nous savons aujourd'hui qu'il s'agit de Marcel Mejecaze, responsable du Front national pour la Marne selon le résistant Pierre Servagnat, plutôt commissaire interrégional FTP pour la Marne et l'Aube selon l'intéressé, monte dans une voiture conduite par Armand Risse, garagiste à Sermaize-les-Bains, pour être déposé, "seul" dira-t-il, dans une baraque en forêt entre Villers-le-Sec et Charmont. Toutefois, Risse précise qu'il a d'abord amené Soudant au lieu-dit Brassar (en fait Brassa, entre Trois-Fontaines-l'Abbaye et Lisle-en-Rigault), avant effectivement de le transporter à Villers-le-Sec. Dans les jours qui suivent, le jeune réfractaire est rejoint par deux Marocains, Saïd (Chaieb ben Dahan, évadé en septembre 1943 de Romilly-sur-Seine) et Ali, puis par un Hollandais, Guillaume, enfin par un troisième Nord-Africain, Mohamed. Pas un mot sur la présence, avec lui, à Brassa, de Maurice Tournant, d'Epernay (qui sera ultérieurement déporté).

    Voilà pour le premier groupe dont Soudant a hérité du commandement.

    Le second est directement sous les ordres de Robert Baudry, 22 ans, de Saint-Martin-sur-le-Pré (Marne). Tous en sont d'accord : il est composé de Jean Gouttmann, 20 ans, de Montigny-les-Monts (Aube), de Georges Laîné, 20 ans également, de Broyes (Marne), et de Baudry. Sauf que pour le premier, ordinairement très précis sur la chronologie, ils sont arrivés dès le 14 octobre 1943 en gare de Sermaize, accompagnés de Vincent et d'un nommé Pierre, chef militaire de 25 ans (vraisemblablement Roland Moret, 26 ans, capitaine FTP et adjoint de Mejecaze selon les historiens Jocelyne et Jean-Pierre Husson). Pour Baudry et Laîné, c'est plutôt le 11 novembre 1943 qu'ils ont rejoint la région de Sermaize.

    Risse, à nouveau, est sollicité pour les conduire à Givry-en-Argonne, d'où ils s'installent en forêt en direction de Charmontois-le-Roi, dans une cabane en planches au bord d'un étang (celui de Belval, sans doute). Selon Jean Gouttmann, ce groupe appelé à être renforcé - il devait comprendre huit hommes, reconnaîtra Baudry - dispose de deux mitraillettes d'origine anglaise et de huit chargeurs. 

    Quelles furent les actions de tous ces hommes ? Jusqu'au 14 novembre 1943, nous n'en savons rien d'après l'enquête. Toutefois, dès le 8 novembre 1943, la police de sûreté de Nancy évoquait "l'existence éventuelle d'un groupe de réfractaires dans les bois de Nettancourt-Charmont". Le 14 novembre, Soudant, Guillaume et Ali réalisent une première "réquisition" armée de tabac, à Saint-Mard-sur-le-Mont (Marne). Une dizaine de jours plus tard, Baudry et Gouttmann font de même à Charmontois-l'Abbé. Georges Laîné n'était pas avec eux, "Robert (l'a) envoyé en mission à Sézannes (sic)" dira Goutmann. A la même période (Gouttmann donne, sans certitude, la date du 26 novembre), le responsable Pierre (présumé Roland Moret) revient dans le secteur et remet à Baudry des explosifs.

    Le 1er décembre 1943, nouveau cambriolage dans un tabac, à Foucaucourt (Meuse). Baudry, Laîné et Goutmann reconnaîtront les faits. Mais cette fois, la brigade de Nancy, informée, vient dès le lendemain enquêter sur place. 

    Le 2 décembre au matin, afin de "nous éloigner du lieu de notre cambriolage" (Georges Laîné), le groupe Baudry va rejoindre les hommes de Camille Soudant à Villers-le-Sec. Puis, sur ordre de Vincent, venu en gare de Sermaize remettre des tracts, Baudry, Soudant, Laîné, Gouttmann et Ali partent pour Saint-Dizier, au lieu-dit La Haie Renaut, pour faire sauter des pylônes électriques de la ligne à haute tension Revigny-sur-Ornain - Saint-Dizier. Ce sont les deux chefs de groupes, arrivés sur les lieux vers 19 h, qui disposent les explosifs. De retour dans leur refuge, ils entendent l'explosion : le coup a réussi, trois pylônes ont été détruits. 

    Deux jours plus tard, alors que Baudry était absent, et que Soudant était parti construire une autre cabane avec plusieurs camarades, les Allemands à la recherche de "terroristes" organisent une battue près de Villers-le-Sec. Un accrochage a lieu, et trois FTP auraient été tués : Guillaume, Ali et Mohamed (1). Leurs camarades parviennent à échapper à la capture ou à la mort. Laîné et Chaieb ben Dahan se réfugient par exemple chez Armand Risse à Sermaize. Ce dernier en informe le 5 décembre le garde forestier Albert Leclercq, du lieu-dit La Colotte en forêt de Trois-Fontaines, qui les accepte le lendemain. Tandis que Saïd reste à La Colotte, Laîné, Baudry et Soudant viennent trouver asile, vraisemblablement le 7 décembre, chez H. D..., jeune bûcheron qui loge dans une cabane. Ils y restent jusqu'au 10 décembre.

    Entre-temps, est survenue, le 8 décembre 1943, l'affaire du "cambriolage" du tabac de Nettancourt, qui amènera les policiers de Nancy à se rendre sur les lieux.

    Le 9 ou 10 décembre, Gouttmann se réfugie à son tour chez Leclercq. Le 11, Baudry, Soudant et Laîné se rendent chez Armand Risse. Là, en présence du garde forestier, le garagiste organise une rencontre avec un exploitant forestier, Gobillot, pour qu'il embauche ces clandestins recherchés par les soldats allemands. Le départ est prévu le lendemain. Ce même 11 décembre, les hommes du commissaire Gustave Lienemann découvrent, chez H. D...., des tracts "communistes". Le jeune homme "nous fournissait de bonne grâce les renseignements précis qui ont permis l'arrestation de ces individus", consignera dans son rapport le policier. D... avait en effet entendu ces hommes parler d'un garagiste, à Sermaize. Ce sont ces déclarations qui ont mis la brigade de Nancy sur la piste de Risse...

    Baudry, Soudant et Laîné ne se doutent de rien. Ils passent la nuit du 11 au 12 à Sermaize. Le 12 au matin, ils se préparent à partir pour le chantier de Gobillot lorsque la police surgit. Les trois hommes sont pris, sans opposer de résistance, ainsi que le garagiste. Puis l'équipe du commissaire Lienemann se rend à La Colotte où elle arrête Leclercq, Gouttmann et Chaieb ben Dahan. 

    La suite, on la connaîtra par le témoignage d'Armand Risse recueilli par Miguel Del Rey : les interrogatoires à Nancy, le transfert aux autorités allemandes, l'emprisonnement à Châlons, et l'exécution de quatre de ces hommes à La Folie. Au moins cinq de leurs camarades d'infortune seront déportés : Albert Leclercq et Eugène Destenay, qui mourront, Risse, Chaieb ben Dahan et H. D..., qui reviendront. 

    Avant son arrivée dans la région de Sermaize, Soudant a-t-il réalisé des sabotages dans les alentours d'Epernay, comme il sera déclaré lors de ses obsèques ? Avait-il envisagé de s'attaquer à la station allemande de Possesse au moment de son arrestation ? Le dossier d'enquête de la police française n'en souffle mot.

    Un mot sur l'acteur principal de leur arrestation, le commissaire Gustave Lienemann. Après la Libération, en août 1945, celui qui était devenu greffier à Marseille viendra, spontanément, apporter des précisions sur l'affaire. Il assurera que lui-même en contact avec la Résistance, il avait demandé, à l'automne 1943, à ses enquêteurs de ne pas faire de zèle lors de leurs investigations à Nettancourt. Se disant par ailleurs convaincu de ne pas avoir affaire à des résistants mais à des "malfaiteurs", Lienemann ajoutera qu'après la découverte de tracts chez H. D... et les confidences de la "concubine" de celui-ci, il n'a pu faire autrement que de poursuivre son enquête jusqu'à l'arrestation des FTP. Toutefois, Armand Risse gardera un autre souvenir du policier. Loin d'être un fonctionnaire presque bienveillant, l'homme se serait montré brutal et menaçant lors des interpellations. Par ailleurs, un de ses inspecteurs aurait giflé un des jeunes réfractaires. Ajoutons que Lienemann avait été impliqué, quelques mois plus tôt, en forêt de Haye, près de Nancy, dans la mort du responsable FTP Marcel Simon. Les résistants communistes avaient bien des raisons de le détester...

(1) L'opération a été réalisée par le Kommando des Sipo und SD de Châlons-sur-Marne et cinq militaires de la Feldgendarmerie-Truppe 602 de Vitry-le-François. Le rapport allemand parle de trois "terroristes" capturés dont un abattu en cherchant à fuir. Il s'agit vraisemblablement de Mohamed ben M'Hamed, Marocain mort des suites de ses blessures le 10 décembre 1943 à l'hôpital de Saint-Memmie. Aucune confirmation du décès d'Ali et de Guillaume - qui, selon la police française, serait un Hollandais évadé du frontstalag 122 de Compiègne - n'a pu être trouvée.

    

    

jeudi 22 septembre 2022

Les groupes FTP de la forêt de Trois-Fontaines (octobre - décembre 1943) (1)

    



 Lorsque nous nous sommes intéressé à la fin des années 90 à l'histoire des maquis FTP de la forêt de Trois-Fontaines, et particulièrement au "groupe Camille Soudant", les sources alors disponibles étaient peu nombreuses : les témoignages d'Armand Risse et d'Odette Leclercq, recueillis par Miguel Del Rey ("La Résistance dans la région de Pargny-sur-Saulx"), des informations et documents communiqués par la famille de Camille Soudant. Ils sont à la base d'une relation publiée sur ce blog

    Deux décennies plus tard, les archives se sont ouvertes. C'est ainsi que nous avons pu consulter, aux Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle, un important dossier d'enquête consacrée par la 15e brigade régionale de police de sûreté de Nancy aux crimes et délits commis dans la région de Nettancourt (Meuse), dossier coté 2101 W art. 18.

     La consultation de ces pièces ne modifie pas fondamentalement la présentation des faits que nous avions proposée alors. Pour autant, elle permet d'apporter des précisions, des corrections, voire des révélations sur l'histoire des premiers groupes FTP de cette région.

Deux groupes

    Première découverte : ce n'est pas un, mais deux groupes qui existaient alors dans les forêts des confins de la Meuse et de la Marne, ce que le garagiste Armand Risse laissait supposer dans un témoignage rédigé après-guerre. L'un entre Villers-le-Sec et Charmont, l'autre près de Givry-en-Argonne. Ce que nous avons également appris à Nancy, c'est la composition exacte de chacun des groupes, placés non pas sous la direction de Camille Soudant (il n'en commandait qu'un des deux), mais de Robert Baudry. 

    Deuxième information : leur présence dans la région est bien plus précoce que nous ne le pensions. Non pas à partir de fin novembre 1943, après un coup de filet dans la région d'Epernay, mais courant octobre 1943 en ce qui concerne le groupe Soudant, peut-être le 11 novembre pour le groupe Baudry.

    Autre précision importante, qui confirme le témoignage d'Armand Risse : il y a bien eu, le 4 décembre 1943, une opération allemande entre Villers-le-Sec et Charmont (Marne) qui a coûté la vie à trois maquisards, le Hollandais Guillaume, les Marocains Ali et Mohamed.  

    Ce qui apparaît ensuite à la lecture du dossier, c'est que l'enquête de la police française, diligentée après plusieurs cambriolages de bureaux de tabac, a connu un coup d'accélérateur après l'affaire de Nettancourt, "aggravée par une tentative de meurtre" sur la buraliste qui aurait eu lieu le 8 décembre 1943. A cette tentative de meurtre, le capitaine Prévost, de la gendarmerie de Bar-le-Duc, le commissaire de police Gustave Lienemann, de la brigade de Nancy, n'ont pas cru, soupçonnant plutôt une volonté de masquer un déficit de l'établissement. Mais le cours de l'enquête aura amené à l'interrogatoire, le 11 décembre 1943, de H. D., jeune bûcheron qui ne semble faire aucune difficulté à indiquer que les résistants qu'il a hébergés sont partis chez un garagiste de Sermaize : Risse, forcément. C'est là que la plupart tomberont entre les mains de la police, le lendemain.

Des faits en partie reconnus

    Que nous apprend également ce dossier ? Que les procès-verbaux d'interrogatoires montrent qu'à l'exception d'un seul (nous y reviendrons), tous les prévenus en ont dit le moins possible sur leurs activités, tout en reconnaissant les faits qui leur sont reprochés. Ils ont pris soin par exemple de ne citer que les hommes qui ont été arrêtés ou qui ont été tués. Ainsi, Camille Soudant déclara qu'il a rejoint seul une baraque en forêt, alors que dans son témoignage ultérieur, Armand Risse écrira y avoir conduit également un nommé Maurice Tournant, qui n'apparaîtra à aucun moment dans la procédure. De même, tout, dans ces PV, semble indiquer que les activités clandestines de ces hommes n'ont commencé qu'à leur arrivée dans la région. Pas un mot sur des actions passées, du moins au moment de leurs premières déclarations. Pas un mot, initialement, sur des sabotages : ces hommes n'ont reconnu que les cambriolages de bureaux de tabac, exécutés sur ordre supérieur. Des faits qui, dans leur esprit, ne sauraient justifier une peine de mort. Enfin, tous ont affirmé ignorer qu'ils appartenaient à des groupes proches du Parti communiste. S'ils sont venus en forêt, c'est pour échapper au STO.

    Toutefois, il est un des maquisards qui s'est montré particulièrement prolixe devant les enquêteurs : c'est Jean Gouttmann. Son PV représente dix pages, là où celui de Soudant n'en fait que la moitié. Dans ces déclarations, le jeune homme cite des noms de FTP aubois qu'il a connus (et qui seront immédiatement arrêtés), donne une chronologie précise des activités de son groupe. Surtout, il dira que "Robert s'est vanté en ma présence d'avoir participé aux sabotages d'une locomotive d'un train de houille ainsi qu'au sabotage d'une écluse" dans la Marne, et que lui-même a participé à une destruction de pylônes à Saint-Dizier. C'est peut-être ces révélations qui, les 13 et 14 décembre, amènent les enquêteurs à obtenir des aveux lors d'interrogatoires poussés. Baudry "ajoutera" ainsi qu'il n'a pas dit "toute la vérité" et qu'en effet, avec Soudant (leurs deux versions sont d'ailleurs identiques), il est l'un des deux acteurs principaux du sabotage de Saint-Dizier. De même, il reconnaîtra ensuite les faits commis dans la région d'Epernay.

    Qu'il ait joué la carte de la franchise avec les policiers français n'empêchera pas Jean Gouttmann d'être fusillé le 19 février 1944 à Châlons-sur-Marne avec Robert Baudry, Camille Soudant et Georges Laîné. Car après leurs interrogatoires par les hommes de la brigade de Nancy - beaucoup plus rudes, selon le témoignage ultérieur d'Armand Risse, que ne le laissent penser les PV - ces hommes, emprisonnés dans la cité lorraine, sont passés aux mains des Allemands, ont été transférés à Châlons où, condamnés à mort, ils ont été exécutés à La Folie. (A suivre). 

vendredi 2 septembre 2022

17 novembre 1942, à Consigny, un bombardier de la RAF est abattu

 Les 9 et 10 mai 1992, il y a 30 ans, la municipalité de Consigny (Haute-Marne), le club Mémoires 52 et le Souvenir français organisaient une manifestation du souvenir en hommage à sept aviateurs alliés. Une exposition et l'inauguration d'un monument ont marqué cet événement. A cette occasion, notre association éditait une plaquette du souvenir aujourd'hui épuisée et dont voici le texte.



Guy Grandjean, de Daillecourt, alors enfant, parmi les débris de l'avion. Jusqu'à son décès, il participait chaque 17 novembre à la cérémonie du souvenir.

Mardi 17 novembre 1942. Quinze appareils de la RAF prennent part au raid n°387 (mission de nuit). Ils appartiennent à divers squadrons des groupes 4 et 91, du Bomber Command. Deux Halifax MK II du N°158 Squadron (basé à Rufforth, Yorkshire), groupe 4, participent à la mission : le Halifax commandé par le sous-lieutenant A. Woolnough et le Halifax W 7863, code NP V, du commandant Paul Seymour. Woolnough doit faire un lancer de tracts sur Vichy et Clermont-Ferrand, Seymour sur Nancy et Strasbourg. Il s'agit d'un discours - traduit en français - de Winston Churchill, prononcé le 12 octobre 1942.

Les deux avions décollent de Rufforth vers Linton-on-Ouse, quartier général du groupe 4, de bonne heure, pour être chargés de paquets de tracts et redécoller de Linton, à 17 h 17 pour Woolnough, et 17 h 18 pour Seymour. Les quinze avions transportent, au total, plus de deux millions de ces tracts destinés à être lancés sur diverses régions de France. Les prévisions de la météo, pour la nuit à venir, indiquent une légère couverture nuageuse sur la France et une visibilité modérée.

Le Halifax W 7863 est relativement neuf. Il a été livré au squadron, le 24 septembre 1942. C'est sa septième sortie opérationnelle. Ses précédentes sorties comportent des bombardements sur Kiel, le 13 octobre, et sur Gênes, le 23 octobre.

Pour le raid sur Kiel, les archives du squadron mentionnent que l'appareil avait eu une panne de la commande de profondeur. Quant au raid sur Gênes, il s'est normalement déroulé.

La mission du 17 novembre est prévue avec l'équipage ci-après :

- pilote, commandant Paul de Grey Horatio Seymour,

- navigateur, lieutenant Leonard John Fairbairn (néo-zélandais), 30 ans.

- bombardier, capitaine Robert Tudor-Jones, 31 ans,

- radio, sous-lieutenant Gilbert Vincent Slide.

- mitrailleur dorsal, sergent Jack de la Warr Anstruther, 30 ans.

- mitrailleur arrière, sergent Cecil John Murray, 26 ans.

- mécanicien navigateur, sergent Richard Barton Greensmith, 35 ans. 

Cet équipage est composé d'hommes ayant une grande expérience : Seymour, commandant le Flight B du squadron, vole, comme officier de la RAF depuis plus de dix ans ; Tudor-Jones est le chef bombardier du squadron ; Fairbairn est l'un des chefs signalisateurs du squadron ; le sergent Greensmith vient d'être, depuis peu, proposé pour le grade d'officier ; Murray et Anstruther ont participé à de nombreux raids en territoire ennemi au cours des précédents mois.

D'après les archives du squadron, il ne semble pas que ces hommes aient volé ensemble avant la mission du 17 novembre 1942. Il est probable que cette dernière, considérée comme peu dangereuse  (...) par rapport aux raides de bombardement sur l'Allemagne, soit l'occasion pour entraîner ces hommes à voler ensemble au-dessus des territoires occupés. En plus de l'équipage normal de sept membres, le sergent George Johnson y est adjoint en qualité de co-pilote. Son nom n'apparaît pas dans les archives du squadron à ce moment-là. C'est sans doute une nouvelle recrue récemment arrivée, après son entraînement, accompagnant un équipage aguerri, pour lui permettre d'effectuer son premier vol en territoire occupé.

La disparition du W 7863

Des quinze appareils prenant part à l'opération de lancer de tracts dans la nuit du 17 au 18 novembre, tous, sauf le W 7863, accomplissent leur mission sans incident sérieux. Le rapport du Bomber Command, daté du 12 janvier 1943, confirme que le W 7863 a été abattu par un chasseur ennemi, à l'ouest de Nancy. (Selon des précisions apportées en 2003 par M. Frédéric Henoff, cette victoire est à mettre au crédit du hauptmann Heinrich Wohlers, de l'état-major de l'escadron de chasse n°4 ou NJG 4).

Le sort de l'appareil et de son équipage est confirmé par un télégramme du Comité de la Croix-Rouge internationale reçu par le Squadron 158 le 19 décembre 1942. Les autorités allemandes ont communiqué les renseignements suivants à la Croix-Rouge : "Slide, blessé et prisonnier ; Murray, Greensmith, Seymour et Anstruther tués". Il n'est pas fait mention de Fairbairn, Tudor-Jones et Johnson, mais les registres de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth indiquent que ces trois aviateurs sont inhumés dans une tombe commune. Ce fait suppose que les corps des trois victimes n'étaient pas identifiables. Ces renseignements sont tirés de documents adressés par Richard Doyle, Eric Barnard, H. N. Mottershead et Roy Bradley. La traduction a été faite par Claude Ambrazé.

Le Halifax W 7863 tombe sur le territoire de la commune de Consigny (canton d'Andelot), à 23 km de Chaumont. La chute des débris et des corps des victimes s'effectue au lieu-dit Combe la bosse, près du Kollot, ce mardi 17 novembre 1942, vers 21 h 30. Seul des huit membres de l'équipage, G. V. Slide parvient à sauter en parachute. Blessé et fait prisonnier, il est dirigé sur l'hôpital de Chaumont pour y être soigné avant de partir en Allemagne, interné au stalag Luft 3, à Sagan et Belaria. G. V. Slide est libéré par les troupes alliées et rejoint l'Angleterre en mai 1945. Le Halifax abattu à Consigny constitue la seule perte de la nuit pour la RAF. 

Le résumé des faits établi par le maire de Consigny, Robert J anny, en 1988 est le suivant, d'après les témoignages recueillis près de quelques habitants : "Vers 21 h/21 h 30, le 17 novembre 1942, les habitants du village entendent un bruit sourd venant de la direction du sud-ouest (Ageville). Sortant de leur demeure, ils aperçoivent une lueur rouge, entendent le crépitement d'une mitrailleuse, et voient une grande traînée de feu. C'est un avion en flammes qui s'écrase au lieu-dit Combe la bosse, près du Kollot. Le lendemain, des gens du village se rendent sur les lieux de la catastrophe et découvrent les corps éparpillés, mutilés et calcinés des aviateurs parmi les débris de l'avion et de lambeaux de parachute. Plusieurs agriculteurs de la commune, Paul Demongeot, Auguste Boucheseiche, Georges Petit, Auguste Petit, Louis Raclot, et l'instituteur Roger, à l'aide d'un tombereau, transportent les corps, placent ceux-ci dans des cercueils de bois blanc à l'intérieur de la chapelle (encore existante). La cérémonie d'enterrement se déroule dans la simplicité et le recueillement, puis l'inhumation a lieu dans le cimetière communal. Un poste de garde est établi par les Allemands autour des débris de l'avion jusqu'à ce que ces débris soient évacués sur la route de Clinchamp par les habitants de Consigny. Deux ans plus tard, un service religieux est célébré en l'église de Consigny par l'abbé Vieilhomme, curé de Bourdons, en présence d'un détachement de militaires, à la mémoire des sept aviateurs morts sur le territoire de la commune."

La gendarmerie française informe la préfecture de la Haute-Marne de l'événement dès le 17 novembre 1942 à 22 h 30. Elle le confirme par messages téléphonés le 18 novembre à 9 h 05, le 19 novembre à 14 h 30, le 20 novembre à 10 h 15, précisant ce jour-là : "Hier soir, trois autres cadavres ont été découverts sous les débris de l'avion anglais. Les quatre premiers corps ont été inhumés hier, par ordre des autorités allemandes, à Consigny. Les trois autres le seront ce jour à 15 h, également à Consigny. Des tracts dont été porteur cet avion ont été retrouvés épars dans la campagne. Ce sont les mêmes que ceux trouvés à Montier-en-Der". 

Le sergent C. J. Murray, un des sept aviateurs tués à Consigny. Photo adressée par Victor Murray, frère de la victime.



Le N°158 squadron

Le N°158 squadron avait été formé à Upper Heyford, le 4 septembre 1918, mais n'a pas été opérationnelle avant l'armistice. Elle fut dissoute au cours du mois de novembre 1918. Le 4 février 1942, cette unité fut reformée à partir du N°104 squadron, équipé de Wellington, à Driffield. De février à juin 1942, elle participe à des raids nocturnes. Elle est ensuite équipée d'avions Halifax pour le reste de la guerre. Elle est dissoute le 31 décembre 1945.

Le souvenir

Le seul survivant de l'équipage, Gilbert Vincent Slide, a été fait citoyen d'honneur de Consigny le 9 mai 1992. Il n'a pu être présent à la cérémonie du souvenir qui a connu un important succès d'audience et a reçu ce diplôme à son domicile.

Chaque 17 novembre, le Souvenir français et le club Mémoires 52 participent à un hommage solennel, devant la stèle inaugurée en 1992 puis dans le cimetière où reposent, depuis 80 ans, les sept aviateurs alliés.

Copyright club Mémoires 52 - mai 1992.