dimanche 23 juillet 2017

14-18 : officiers supérieurs à moins de 35 ans

On a pu lire que durant la Première Guerre mondiale, le plus jeune chef de bataillon de l'armée française était le futur colonel François de La Rocque. En l'occurrence, il était chef d'escadron, et effectivement, il a été promu – à titre temporaire (TT), comme nombre d'officiers - en 1918 à l'aube de ses 33 ans. En réalité, il y eut plus jeune. Nous en avons identifié au moins quatre. 

D'abord le Parisien Louis-Fernand de Marolles, qui a obtenu sa quatrième "ficelle" à titre temporaire à 26 ans et demi ! Fils de vice-amiral, capitaine à 23 ans, il est tombé au combat dans l'Aisne en avril 1917 quelques jours après avoir été placé à la tête d'un bataillon du 150e RI. 
Citons également le Breton Henri Avril, prenant comme capitaine le commandement du 6e bataillon du 226e régiment d'infanterie, avant d'être promu – lui aussi à titre temporaire – chef de bataillon le 28 mai 1918, à 29 ans. 
Ou encore ce Haut-Marnais, dont la carrière a déjà été évoquée sur ce blog : Maurice Guillaume, chef de bataillon (TT) le 24 mai 1917, à 31 ans, et affecté à un régiment de zouaves. 
Ainsi que l'avocat Victor-Napoléon Jolibois, né en 1886, tué à la tête d'un bataillon du 321e RI le 28 août 1918 dans l'Aisne, à 32 ans. 

 Ouvrons ici une parenthèse : sans nul doute, le plus jeune officier français à avoir conduit au feu un bataillon était le capitaine Pierre Lahille, né à Toulouse en 1895, tué à Verdun en 1916, alors qu'il venait tout juste de fêter ses 21 ans. Hormis dans la Résistance, en 1944, jamais depuis un Français ne commandera aussi jeune un bataillon... 

 Revenons aux officiers supérieurs. Au moment de la déclaration de guerre, l'Aubois Détrié passait pour être le plus jeune colonel d'active. Il avait 47 ans lorsqu'il tomba en 1914. Du côté des chefs de bataillon, quelques uns étaient tout juste âgés d'une quarantaine d'années. C'était le cas du commandant Vachette, 41 ans, tué lui aussi en 1914, ou du Haut-Marnais André-Gaston Pettelat (dit Prételat), commandant du 2e bataillon du 69e RI à la veille de ses 40 ans – et promu lieutenant-colonel à 41. Au fur et à mesure du conflit (et des pertes), la moyenne d'âge des promotions va donc baisser. C'est ainsi qu'au moins dix Haut-Marnais passeront officiers supérieurs à moins de 40 ans. Dont quatre Chaumontais. 

 Intéressons-nous à l'un d'entre eux : le comte Henri de Bizemont. Ce Saint-Cyrien (promotion 1900-1902) a vu le jour à Chaumont le 5 novembre 1880. Il est lieutenant au 159e régiment d'infanterie – le fameux 15-9 de l'infanterie alpine – lorsque la guerre éclate. Puis rapidement capitaine, le 6 septembre 1914. A peine un mois plus tard, Bizemont est touché par un coup de feu dans le Pas-de-Calais. Revenu à la tête de sa compagnie, cet officier «remarquablement allant et énergique» prend, à 34 ans et demi, le commandement de son bataillon après la mort de son chef le 10 mai 1915. Pour l'avoir «maintenu sur la position atteinte sous un bombardement intense d'artillerie lourde», le Chaumontais sera mis à l'honneur dans le Journal officiel du 27 septembre 1915. Son comportement lui vaudra d'être fait chevalier de la Légion d'honneur pour prendre rang du 20 mai 1915. Et, surtout, d'être promu chef de bataillon à titre temporaire le 15 juillet 1915, au lendemain d'une attaque pour laquelle il méritera une nouvelle citation – à l'ordre du corps d'armée. A 34 ans et demi, Henri de Bizemont fait partie des jeunes chefs de bataillon de la division Barbot, à l'instar d'Eugène Dunoyer, commandant (TT) au 97e RI le 30 juillet 1915 à 32 ans et demi. Dans un ouvrage consacré à la division Barbot (77e division d'infanterie), dont le chef est tombé au combat en mai 1915, on évoque Bizemont comme un officier «très chic, très jeune ; petit béret, monocle à l'oeil ; rire franc et sonore, beaux yeux directs, physionomie resplendissante, moustache coupée...» Les honneurs, qui sanctionnent autant d'actes de bravoure, continuent à pleuvoir sur celui dont le frère est tombé en 1914 : le 25 octobre 1915, il est cité à l'ordre de l'armée pour avoir fait «preuve d'un sens tactique développé et d'une bravoure remarquables» ; le 17 avril 1916, à l'ordre du régiment, comme commandant de sous-secteur devant Verdun... Puis, en janvier 1917, Bizemont passe au 155e régiment d'infanterie de la division Caron, dont il commandera le 1er bataillon. L'occasion de nouveaux faits d'armes. En avril 1917, est mis à l'honneur celui qui a déjà été «trois fois cité». Puis, surtout, en août 1917. Lisons sa citation publiée le 24 décembre par le Journal officiel : «Magnifique soldat, d'un entrain et d'un courage absolument hors de pair. Le 25 août 1917, est parti avec un élan magnifique avec son premier bataillon, auquel il avait su communiquer sa flamme ardente et généreuse. A conquis le village de Beaumont, a dépassé ses objectifs et lutté désesperément contre une série de contre-attaques allemandes jusqu'au moment où, submergé, il a été écrasé sous le nombre.» Ce jour-là, dans le secteur de Verdun, le Chaumontais est fait prisonnier. La guerre s'achève pour ce futur colonel, qui s'illustrera ensuite au Maroc.