vendredi 24 juillet 2020

Le maquis Duguesclin, un bataillon FFI (1)






Par ses effectifs revendiqués à la date du 13 septembre 1944, le maquis Duguesclin (ou maquis Jérôme, ou encore bataillon Schreiber) est la plus importante unité FFI haut-marnaise. Un document officiel précise qu'il rassemble 27 officiers, 71 sous-officiers et 425 hommes de troupe, soit 523 FFI, plus un sous-officier et 42 hommes en réserve. Soit l'effectif d'un petit bataillon, organisé en quatre compagnies. La présence, au sein de ce maquis, de nombreux officiers d'active ou de réserve ne manquera d'ailleurs pas, plus tard, de susciter l'étonnement d'autres résistants du département... C'est l'histoire de cette unité que nous vous proposons ici dans ce récit inédit.



L'origine du maquis

Selon le journal de marche de l'unité, rattachée au mouvement OCM (Organisation civile et militaire), l'origine du maquis provient d'une rencontre organisée, à Chaumont, les 18 et 19 juillet 1944. Elle associe le commandant Jacques Davout d'Auerstaedt, alias «Ovale», délégué militaire régional adjoint pour la Région D, les membres du groupe de Chaumont (capitaine René Schreiber, lieutenant André Parcollet, lieutenant Maurice Blanchot, Me Robert Bocquillon) et Robert Vauthier, président chaumontais du CDL. Cette réunion sera suivie d'une prise de contact entre Parcollet, le colonel «Michel» (Emmanuel de Grouchy, chef départemental FFI) et son adjoint «Charles» (capitaine Thierry Cruse). Prise de contact que l'historique situe le 27 juillet 1944, à Chaumont.


Quelques-uns de ces cadres étaient rattachés au service des Eaux et forêts et du Génie rural : c'est le cas de Schreiber et de Parcollet, employés dans la 31e conservation des Eaux et forêts. Le premier est né en 1909 à Besançon. Marié, père de famille, ce lieutenant d'active installé à Chaumont s'était battu en 1940 avec le 21e RI au sein duquel il commandait le peloton motocycliste puis la 1ère compagnie. Avec Parcollet, un Langrois de 24 ans, Schreiber a permis «de faire échapper plus de 200 jeunes gens à la déportation», c'est-à-dire le STO.



Avant même la création du maquis, plusieurs groupes ont en effet été organisés dans le sud-ouest haut-marnais. Selon une communication d'anciens FFI adressée à la rédaction de La Haute-Marne Libérée, il s'agit de groupes constitués «pour la région comprise entre Arc et Latrecey inclus» qui «se mettaient en relation avec les maquis du Châtillonnais» et commandés par :

. l'adjudant-chef François Frey. Né dans les Vosges en 1897, le sous-officier, contremaître dans des exploitations forestières à Arc-en-Barrois et semble-t-il alors domicilié à Montrot (Arc-en-Barrois), a sous ses ordres 35 à 40 hommes, armés par les soins du maquis Blonde (Côte-d'Or), implanté dans la région de Recey-sur-Ource. «Le groupe est formé par un chantier forestier dépendant du lieutenant Parcollet depuis quatorze mois», précise l'historique du maquis Duguesclin.

. l'adjudant Constant Brochard, garde forestier à Aubepierre-sur-Aube, a réuni 50 hommes de Coupray où il habite, Cour-l'Evêque, Créancey, Latrecey.

. le caporal Tissut.

. l'adjudant Desmaret, groupe organisé début août 1944 et vraisemblablement incorporé dans le maquis Blonde.



Mais en réalité, le premier groupe avec lequel les créateurs du groupe de Chaumont entrent en contact est celui formé à Juzennecourt par l'adjudant Dufour. C'était le 11 août 1944. Né à Meures en 1908, Pierre Dufour était adjudant au 28e régiment d’artillerie de Chaumont. Prisonnier jusqu’en 1941, le sous-officier était revenu en Haute-Marne pour être employé au ravitaillement général à Juzennecourt. C'est là qu'il a réuni 50 hommes qui prendront le maquis le 20 août 1944.



Car les événements s'accélèrent. Le 19 août, Schreiber, Blanchot, Parcollet et le lieutenant Claude Chaize se rendent au PC du colonel «Michel» - de Grouchy - à la ferme de La Salle, près d'Auberive, «où ordre leur fut donné de constituer un maquis dans la région d'Arc-en-Barrois».

Quatre jours plus tard, les lieutenants Parcollet et Henri Bigorgne – celui-ci est né en 1915 à Saint-Dizier mais s'est marié à Chaumont - installent les premiers éléments du maquis à la ferme de Champlain-la-Forêt, distincte de la maison forestière du même nom (à 6 km au sud-est d'Aubepierre-sur-Aube).

Le 24, les âmes du groupe et 22 sous-officiers se retrouvent à Neuilly-sur-Suize, à la sortie de Chaumont en direction de Crenay. Ils seront les cadres du maquis dont René Schreiber prend le commandement. Figurent vraisemblablement, dans ce groupe, les sergents-chefs Jean Dubois, 30 ans, passé par les 21e et 109e RI, retiré en 1943 à Nogent, et Charles Noirot, 30 ans, ancien sous-officier au 28e RA, domicilié à Crenay, l'adjudant-chef d'artillerie Louis Tisserand, 36 ans (né à Crenay, domicilié à Neuilly-sur-Suize), l'adjudant René Douillot, 34 ans, de Chaumont...

Selon une liste des cadres du maquis (dossier GR 19 P 52-13, Service historique de la Défense), ont également rejoint le maquis, à la date du 24 août 1944, les sous-officiers suivants : aspirant Pierre Colin, adjudants-chefs Lucien Frequelin, François Sciaux, Jules Roux, René Karr, Gilbert Tissier, Jean Prodhon, adjudants Roger Bertrand, Sedon Desmet, André Dubosque, Roland Clément, sergent-chef Victor Lesieux, sergents Pierre Deblaize, Jean Roy, Fernand Bablon, Gay, Denis, Louis Pelletier, Bouchot...



Le noyau du maquis est donc formé le lendemain par l'incorporation du groupe Frey. Selon la communication des anciens FFI, Parcollet – qui rencontrera le 26 août le commandant Le Charpentier («Yves»), chef du secteur de Recey-sur-Ource – prend contact avec le sous-officier bourguignon en lui disant : «Nous sommes venus nous installer dans la région. Mais pour le moment nous n'avons pas d'armes et pas d'hommes. Venez avec nous.»



Grâce à ce groupe armé, les FFI pourront tendre, le 26 août, une première embuscade sur la route entre Arc-en-Barrois et Giey-sur-Aujon.


(A suivre).



Illustration : le lieutenant (capitaine FFI) René Schreiber (1909-1944), ancien officier au 21e RI. (Photo communiquée par la famille Schreiber).


Copyright club Mémoires 52, juillet 2020.

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