mardi 20 juin 2023

La répression en Haute-Marne : arrestations, exécutions, déportations (1941)


Henri Barth (1895-1949). Collection Club Mémoires 52.

Longtemps, et aujourd'hui encore, le chiffre de 516 Haut-Marnais déportés entre 1940 et 1944 a fait foi. Il a été établi voici 60 ans par Marcel Henriot, correspondant du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mais depuis, les recherches entreprises par le club Mémoires 52, qui ont fait l'objet de quatre ouvrages dont deux consacrés à l'extermination des juifs, la parution de travaux monumentaux (le livre-mémorial de la Fondation pour la mémoire de la déportation, le livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, pour ne citer qu'eux) a permis de corriger et enrichir ces statistiques. Corriger, car Marcel Henriot a inclus dans son travail des déportés installés en Haute-Marne au retour de la paix, des prisonniers de guerre internés dans des camps disciplinaires, ou des travailleurs forcés. Enrichir, car les historiens d'aujourd'hui disposent de davantage d'archives que leurs prédécesseurs.

A ce jour, nous sommes en mesure d'affiner ce chiffre et de le porter à 650, pour le moins. Il s'agit des hommes et des femmes nés, ou domiciliés en Haute-Marne durant l'Occupation, ou arrêtés dans le département. Nous évoquerons ici plus précisément ceux qui ont été emmenés Outre-Rhin durant les premières années d'occupation.

1941

Nombre de Haut-Marnais déportés en 1941 recensés par la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) : 5. Ils sont tous nés dans le département mais n'y résidaient pas au moment de leur arrestation.

Nombre de Haut-Marnais déportés en 1941 non recensés par la FMD : 6 ou 7. 

Total des déportés en 1941 : 11 ou 12.

Nombre de personnes arrêtées en Haute-Marne en 1941 : 158 ou 160.

Nombre de fusillés en 1941 : 2 (Edouard Aubertin et Jean-Albert Huot).

Notices biographiques 

MATUCHET (Marcel-Roger) (Aubepierre-sur-Aube 31 octobre 1907 - Rouen, Seine-Maritime, 5 janvier 1996). Il est le fils d'Emile Matuchet, garde-champêtre, et de Louise-Marie Menant. Il est nommé surveillant stagiaire des établissements pénitentiaires par arrêté du 19 mars 1932. En poste à la maison d'arrêt d'Evreux, domicilié rue de Paris, il se marie le 27 avril 1935, à Evreux, avec Lucienne Scribot. Marcel Matuchet est déporté le 27 mai 1941 vers les prisons de Sarrebrûck et Preuengesheim, Il est libéré le 13 décembre 1942 à Metz. De nouveau en poste à Evreux (son épouse est surveillante dans le même établissement), il est blessé d'un coup de poing le 24 août 1943, lors de l'évasion de sept détenus dont cinq seront repris. Sources : état civil d'Aubepierre ; livre-mémorial de la FMD ; Journal officiel ; presse régionale.

THIEBAUT (Lucien-Henri) (Chevillon 24 décembre 1901 - ?). Il est le fils de Charles-Victor Thiébaut, domestique, et de Marie-Julie-Antoinette Barbier. Ouvrier agricole dans la Meuse, il est condamné le 31 janvier 1941 à cinq (ou sept) années de réclusion par le tribunal de la Feldkommandantur 590 de Bar-le-Duc pour "détention d'une grenade et menace de mort". Incarcéré à Châlons-sur-Marne, puis à Bar-le-Duc du 12 au 18 juillet 1941, il est déporté le 20 juillet 1941 avec trois compatriotes vers les prisons de Sarrebrück, Rheinbach et Siegburg. Sources : état civil de Chevillon ; livre-mémorial de la FMD ; dossier 1251 W 1361, AD de la Meuse. 

PRIEUR (Christiane-Renée-Suzanne-Julia) (Doulaincourt 26 octobre 1916 - Chevreuse 10 mars 2002). Elle est la fille de Paul-Anselme Prieur, industriel, et de Fernande-Odile Giraud, domiciliés rue Pougny. Elle se marie à Boulogne-Billancourt le 27 décembre 1938 avec Gustave Nivou. Relieur dans la capitale, Gustave Nivou est arrêté avec six personnes dont son épouse, jugé le 19 mai 1941 par le tribunal de la Wehrmacht de Paris, et déporté le 25 août 1941 avec son épouse. Christiane Prieur est déportée vers les prisons de Karlsruhe, Anrath, Güterslohe, Schwelm, Hövelhof. Son mari décède en déportation le 18 avril 1945. Elle est libérée et se remarie à Paris le 27 septembre 1947 avec Alfred Lacour. Sources : état civil de Doulaincourt ; livre-mémorial de la FMD ; Auguste Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich, ministère de la Défense, 2014.

BOURGOIN (Paul-Augustin) (Chamouilley 8 juin 1889 - ). Forgeron, il est le fils de Louis-Auguste Bourgoin et de France-Joséphine-Eléonore. Dirigé le 1er octobre 1910 sur le 5e régiment de chasseurs d'Afrique, il sert au Maroc entre novembre 1911 et mars 1912 et reçoit la médaille du Maroc en mai 1914. Domicilié à Louvemont, rappelé au 4e régiment de chasseurs à cheval le 10 août 1914, il passe au 1er régiment de zouaves le 3 avril 1915. Il est blessé le 15 septembre 1915 au coude gauche par balle. Employé à la société meusienne à Ancerville (Meuse) le 6 décembre 1915, il est ajusteur au Réseau de l'Est à Châlons en 1919. Gardien de la paix  à Paris le 5 novembre 1920, il réside ensuite à Melun, puis à Dammarie-lès-Lys. Il est déporté le 8 décembre 1941 vers les prisons de Karlsruhe, Rheinbach, Siegburg. Il est libéré le 25 mai 1945. Source : feuille matricule, AD des Vosges ; livre-mémorial de la FMD.

NICOLAS (Jules-Henri) (Pierrefaite 10 septembre 1877 - Neuilly-sur-Seine 6 novembre 1952). Il est le fils de François Nicolas, cultivateur, et de Marie Debellemanière. Domicilié à Laferté-sur-Amance, il est étudiant à Paris au moment de son appel sous les drapeaux. Il s'engage à compter du 1er octobre 1896 à Paris au titre de l'Ecole centrale des arts et manufactures (arme de l'artillerie). Nommé sous-lieutenant de réserve au 17e bataillon d'artillerie à pied le 15 août 1899, il passe à la colonie du Tonkin le 22 mars 1902, au titre du régiment d'artillerie coloniale du Tonkin. Affecté au 4e RAC le 1er janvier 1904, il se marie à Paris le 7 décembre 1909 avec Lucie-Marie-Rose Levet. Promu lieutenant au groupe territorial du 8e régiment d'artillerie à pied le 14 juin 1913, mobilisé en août 1914, il est se distingue en septembre 1915 à la tête de sa batterie. Capitaine le 19 novembre 1916, Jules Nicolas poursuit sa carrière dans l'artillerie. Il est promu chef d'escadron honoraire de réserve le 12 janvier 1936. Il est arrêté dans le cadre de l'Opération Porto et déporté le 10 décembre 1941 vers les prisons de Dusseldorf, Anrath, Hinzert. Il est libéré le 15 août 1942. Jules Nicolas était ingénieur à son décès. Source : feuille matricule, AD de la Haute-Marne.

FIXEMER (Joseph) (Sarrebrück 27 février 1906). Il est le frère d'Henri Fixemer, le beau-frère d'Henri Barth. Militant anti-nazi dans la Sarre, il fuit l'Allemagne en 1935 et s'installe à Marnaval comme ouvrier. Naturalisé français, mobilisé en 1939, il échappe à la capture. Joseph Fixemer est arrêté à son domicile le 23 janvier 1941 par la police allemande. Jugé comme anti-nazi à Berlin, condamné à mort, il est déporté à Dachau. Rentré à Marnaval, il regagne la Sarre en 1945. Source : Déportés et internés de Haute-Marne, club Mémoires 52, 2005.

BARTH (Henri-Jean) (Sarrebrück 5 novembre 1895 - en Suisse 18 juin 1949). Il est le fils de Mathias Barth et de Katerine Menieur. Il est marié à Elise Fixemer. Le couple a un enfant, Henri, né à Sarrebrück en 1923. Ancien combattant 14-18 (il a été prisonnier de guerre des Russes), Henri Barth était militant syndicaliste, membre de l'Association anti-national-socialiste de la Sarre, conseiller municipal de Sarrebrück. Il se réfugie en France en février 1935 avec sa famille. Il est d'abord domicilié à Bagnières-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées), puis s'installe à Saint-Dizier le 16 juillet 1936. Il travaille à la Société métallurgique de Champagne à Marnaval, où il est domicilié au 9, quartier des Soeurs. Il exerce le métier de machiniste, tandis que son fils est électricien dans la même entreprise. Henri Barth est naturalisé français le 6 mai 1937. Il est arrêté à son domicile le 28 avril 1941 par deux feldgendarmes et deux membres de la police allemande. "Ayant fait quelque résistance, la Gestapo menaça d'employer la force, et il consentit librement à suivre les fonctionnaires allemands", écrit le sous-préfet de Saint-Dizier. Conduit à la Kreiskommandantur de Saint-Dizier, transféré à Paris, il est interné durant deux mois à la prison de la Santé. Puis il est incarcéré durant quatre semaines à Trêves, puis à Sarrebrück. Il est jugé le 20 mars 1942 par le tribunal du peuple de cette ville, qui le condamne à un an de prison. Il effectue sa peine à la prison de Sarrebrück, General-Schroth-Strasse. Puis il est déporté à Dachau le 17 juillet 1942, puis à Neuengamme. Henri Barth échappe à la mort en Suède. Rentré à Marnaval en mai ou juin 1945, il retourne en Sarre, où il est élu conseiller, député à l'Assemblée législative de la Sarre, puis maire de Sarrebrück. Il décède en Suisse à l'occasion d'une rencontre d'élus socialistes européens. Source : Déportés et internés de Haute-Marne, op. cit ; rapport du sous-préfet de Wassy au préfet de la Haute-Marne, 21 mai 1942, ADHM ; lettre d'Elise Barth au ministre des Affaires étrangères à Paris, 22 août 1942, ADHM.

CHEVALME (Fernand) (Saint-Dizier 27 janvier 1922 - Manheim 13 mai 1943). Célibataire, il est ouvrier à l'usine du Clos-Mortier à Saint-Dizier. Il est arrêté le 11 juillet 1941 avec onze collègues. Accusés d'avoir jeté des boulons en direction de soldats allemands, ils sont emprisonnés au Val-Barizien à Chaumont puis traduits le 12 août 1941 devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur 563. Fernand Chevalme est condamné à dix ans de travaux forcés et transféré à Bruchsal. Il meurt de maladie à Manheim. Source : Déportés et internés de Haute-Marne, op. cit.

MALGLAIVE (Raymond) (Saint-Dizier 19 avril 1920 - Vitry-le-François 5 août 2000). Ouvrier au Clos-Mortier, il est arrêté le 11 juillet 1941 avec Fernand Chevalme et neuf collègues. Il est condamné le 12 août 1941 à cinq de travaux forcés. Emprisonné à compter du 25 août 1941 à Ludwisburg, il rentre à Saint-Dizier le 14 avril 1945.

PARISSE (Marcel) (Saint-Dizier 15 juin 1921 - ?). Domicilié à Saint-Dizier, il est arrêté le 11 juillet 1941 dans le cadre de l'affaire du Clos-Mortier. Il est condamné à trois ans et demi de travaux forcés le 12 août 1941. Il exécute notamment cette peine à Preungesheim et rentre à Saint-Dizier le 14 avril 1945.

SCHWARTZ (Henri) (Saint-Dizier 22 juillet 1921 - ?). Célibataire, émailleur, il est arrêté le 14 juillet 1941 à la suite de l'affaire du Clos-Mortier. Il est condamné à deux ans de travaux forcés le 12 août 1941 par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 563. Il est transféré à la prison de Freiberg le 25 août 1941, puis à celle de Bruchsal le 25 septembre 1941. Il rentre à Saint-Dizier le 14 avril 1941.

THOUVENIN (Louis) (Bettaincourt-sur-Rognon 22 octobre 1910 - Wittlich 23 mai 1943). Il aurait été arrêté en 1941 à Bettaincourt où il s'était réfugié chez ses parents. Emprisonné la même année à Wittlich, il y décède le 23 mai 1943.


    Parmi les personnes arrêtées en 1941, citons :

- 65 communistes entre le 22 juin et le 7 juillet 1941,

- au moins un citoyen britannique, cinq Russes (dont un juif), trois Américains...

- Lucien Praom, de la gare de Laferté-sur-Amance (Montesson), incarcéré à Clairvaux,

- Jean Vantyghem, de Curel, évadé à Chaumont.

    Signalons également le départ pour les prisons allemandes (puis pour le camp de concentration de Mauthausen) de très nombreux prisonniers de guerre espagnols internés dans les frontstalags 122 (Chaumont) et 123 (Langres), dont au moins un arrêté en Haute-Marne en 1941 selon M. Henriot. 

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