lundi 27 septembre 2021

L'héroïque résistance du groupement Beaupuis (14-18 juin 1940).


Relation extraite de "10 jours de juin", club Mémoires 52, 2020.



Vendredi 14 juin 1940

Des réservistes pour défendre Chaumont

Chaumont, à 80 km au sud de Saint-Dizier, est donc le prochain grand objectif de la 1. Panzer-Division. Ici encore, le dispositif de défense est léger : des éléments du 74e régiment régional, essentiellement.

Son chef de corps, le lieutenant-colonel Raoul, a laissé un rapport assez détaillé sur les événements de la journée. Il se rend d'abord à 9 h sur les postes installés aux entrées de la ville, et notamment à Buxereuilles (direction de Condes), «qui est à mon avis le point sensible du secteur». Ce sont des éléments de la 2e compagnie du capitaine Theurez (repliée de Villiers-sur-Marne par Bologne) qui sont positionnés aux accès nord de la cité. Les sections ont été réparties entre les ponts et le faubourg de Buxereuilles (lieutenant Victor Heck), le faubourg de La Maladière, le pont de Choignes et le pont du Moulin-Neuf (adjudant Gillet), les abords du restaurant «Ma campagne» (lieutenant Vosgien, replié de Bologne).

L'aviation allemande, déjà passée au-dessus de Chaumont à 11 h, n'est pas inactive. Autour de la gare, un bâtiment brûle. «A 13 h, des avions ennemis bombardent au moyen de torpilles sirènes (sic) par chapelets de quatre ou cinq bombes...», note le journal de marche du 74e RR. Plusieurs victimes dans la population civile. Sont tués, au 12, rue de Châteauvillain, «à proximité des réservoirs d'essence» (rapport du lieutenant-colonel Raoul), Firmin Garnier, employé SNCF de 56 ans né à Braux-le-Chatel, Juliette Roy, née Himmelspack, 33 ans, épouse d'un cheminot, et son fils Hubert, 3 ans, dont les corps, ensevelis sous les ruines de la maison, ne seront retrouvés que le 22 juin1. La panique s’empare de la population qui se sauve et la ville se vide rapidement. L’abbé Louis Desprez décide de rester et de s’occuper de ceux qui n’ont pas fui ! Côté place militaire de Chaumont (le général Bret, commandant l'arrondissement d'étapes de Chaumont, qui avant de partir pour Toulouse confie au lieutenant-colonel Raoul la mission de défendre la cité, le commandant Vial, de l'état-major de cet arrondissement), on promet aux réservistes du renfort : une division. En fait de division, sera acheminé le régiment du lieutenant-colonel René Beaupuis, qui ce même 14 juin a reçu, comme les unités défendant la Ligne Maginot, l'ordre d'abandonner ses positions, de se replier vers le sud et, pour son cas personnel, de «tenir de Chaumont à Rimaucourt par Andelot et Bologne».


Beaupuis commande le 149e régiment d'infanterie de forteresse (RIF), qui défendait le secteur fortifié de la Crusnes et a donc été dépêché de la frontière pour tenir une bretelle Chaumont – Commercy. Essentiellement composés de soldats du Nord-Pas-de-Calais, de la Meurthe-et-Moselle et de la Marne, ses trois bataillons doivent débarquer respectivement à Andelot, Bologne et Chaumont. L'officier est un Marnais de 53 ans (il a vu le jour en 1887 à Epernay), chevalier de la Légion d'honneur depuis 1917 comme capitaine du 403e régiment d'infanterie. Durant la Première Guerre mondiale, il a découvert auprès des Américains le basket-ball, sport dont il est le premier à avoir traduit les règles en français, et dont il sera l'un des créateurs de la fédération française. Entre les deux-guerres, il était officier à l'Ecole supérieure d'éducation physique à Joinville-le-Pont.


Futur académicien, le lieutenant Georges Izard, un avocat parisien, officier de renseignements et de liaison du lieutenant-colonel Beaupuis, témoigne des conditions dans lesquelles son régiment se retrouve dans le Bassigny : «14 juin. 13 h : déjeuner à Toul. Le colonel nous révèle que nous allons à Chaumont... 19 h 30... Voici Chaumont. Nous obliquons vers le nord, sur la route de Joinville, en direction de Bologne où doit arriver le 2e bataillon. A la sortie de la ville, une vingtaine de pionniers – toute la garnison – coupent la chaussée d'un ridicule petit barrage de machines agricoles légères, mal assemblées...» Des pionniers qui correspondent plutôt à des éléments du 74e RR. Lieutenant Izard : «Nous stoppons et nous apercevons, auprès de sa voiture, le colonel M.2 qui nous appelle... Il nous apprend qu'il constitue une position en bretelle de Chaumont au nord de Neufchâteau ; notre régiment forme son aile gauche... «Avez-vous une carte de la région ?», nous demande M. Mais notre dotation en plans directeurs et en cartes au I/50 000 laissait Toul très au sud. Quel officier d'état-major aurait prévu des cartes de la Haute-Marne pour un régiment de forteresse enfoncé mi dans le béton, mi dans la terre, le long des frontières belges et luxembourgeoises ?...»


En attendant l'arrivée de son régiment, Beaupuis se trouve donc commander à «deux sections de territoriaux et deux chars» qui «doivent tenir (…) les routes et chemins aboutissant à Chaumont par le nord3». Il s'agit, selon le rapport du lieutenant-colonel Raoul, de deux Renault FT «d'instruction» que cet officier trouve après 17 h et à qui il donne l'ordre de rejoindre la barricade de Buxereuilles pour être à disposition du lieutenant Heck. Un troisième blindé était signalé à Chaumont. Mais, écrit le chef de corps du 74e RR, «je cherche en vain le char B. Il a disparu (j'ai appris plus tard qu'il s'était dirigé sur Dijon)». Ce blindé, c'est le B1 bis «Beaune» du lieutenant Adelmans, celui-là même qui a défendu Saint-Dizier. Mais, victime d'ennuis mécaniques, il sera en fait, après sabotage de son armement, abandonné dans le bois de La Vendue...


A 19 h 30, poursuit Raoul, «je rentre au PC (…) et je vois arriver M. le préfet de Chaumont et le commandant Vial4. Le préfet m'apprend que le directeur de l'hospice mixte et le personnel médical de cet établissement sont partis et laissent sur place 200 blessés». Encore une tâche à assumer. Mais l'ennemi, déjà, fait son apparition.


A partir de cet instant, les sources divergent. Que dit le lieutenant-colonel Raoul ? Qu'à 21 h, «des coups de feu se font entendre avec persistance du côté de Buxereuilles». Des auto-mitrailleuses allemandes se sont présentées en effet dans la direction de Saint-Dizier. Le sergent Petit, chef de groupe dans la 5e section (Heck) de la compagnie Theurez, précise dans une lettre adressée au sergent-chef Martin : «Devant ces engins et à 100 m environ, les civils refluaient sur la route en grand nombre, et allaient chercher abri, en particulier dans la ferme à droite de la route... Le feu est ouvert par le groupe du sergent Millot, bientôt suivi de celui des autres groupes...» Puis les hommes du lieutenant Heck se replient – Petit se souvient, parmi ses compagnons, du caporal Lolliot, des soldats Driesbach, Michet, Bach...


Est-ce après ce repli, ou un peu avant, que se situe le témoignage du lieutenant-colonel Beaupuis ? Celui-ci écrit qu'à 21 h 25, inspectant les barricades de La Maladière (direction d'Andelot) et de Buxereuilles, il éprouve à cet endroit une surprise : «La barricade est ouverte. Il la referme avec l'aide de son chauffeur, le soldat Leroux. Un garde mobile se présente, demandant à rejoindre Joinville. Le colonel réquisitionne aussi deux tirailleurs annamites qui errent dans la campagne, l'un malade, l'autre porteur d'un fusil avec six cartouches.»


C'est, ajoute-t-il, à 22 h 30 que deux blindés allemands se présentent devant Buxereuilles. Le garde mobile tire ses six cartouches puis se replie. Les Allemands ne poursuivent pas leur effort. Grâce à sa voiture personnelle, Beaupuis prélève du poste de La Maladière un sergent-chef, trois hommes et un FM pour renforcer Buxereuilles. Peu suspect de vouloir ménager les susceptibilités, le lieutenant Izard donne une vision moins «académique» de la soirée : «Peu après notre départ, dans le crépuscule, le capot d'une auto-mitrailleuse ennemie est apparu au tournant de la route, devant la barricade-joujou des pionniers (sic)... Le colonel a pu rattraper trois pionniers moins inutilisables que les autres, et envoyer lui-même quelques rafales de FM pour donner l'illusion que la ville était défendue. Réplique allemande par mitrailleuse tirant à une vitesse fantastique, puis par grenades. Enfin le silence. L'entrée sera pour l'aube.» A minuit, l'ennemi se présente avec des forces plus nombreuses. «Durant 20 minutes, le FM riposte. Puis il se tait, c'est fini. Chaumont est perdu et le 149e n'est toujours pas arrivé.» (L'Illustration). Beaupuis se porte alors sur Darmannes.


Région de Bologne

Le 57e bataillon de mitrailleurs motorisés (BMM) du commandant Claude Marec5, composé de soldats du Loiret et du Loir-et-Cher, arrive en Haute-Marne, où il doit constituer un groupement avec un régiment d'infanterie de forteresse (le 149e) et le 53e bataillon de mitrailleurs6. Ses hommes, écrit le capitaine André Français, commandant en second, «s'installent au cours de l'après-midi du 14 juin au sud de la route Andelot-Bologne, à la lisière Nord du bois des Merottes et au sud-ouest de Chantraines... Le PC du bataillon7 s'établit à la ferme Chevecheix8. La section de transport et la CHR9 s'installent le long de la route Mareilles-Bourdons, près de la maison forestière... Le colonel Beaupuis (…) arrive dans la soirée et installe son PC à Mareilles. Le commandant Marec prend contact avec lui. Il s'avère qu'il n'existe dans le secteur aucune autorité supérieure agissante, les deux chefs conviennent donc que le 57e BMM se mettra aux ordres du colonel...

Modifiant les ordres initiaux qui prévoyaient la constitution d'une ligne de résistance (ouest-est) Bologne-Andelot, la défense va s'organiser sur trois faces : vers le nord, sur la ligne Bologne-Andelot ; vers l'ouest, sur la ligne Bologne-Chaumont ; vers le sud, sur la ligne Chaumont-Biesles.»

Aussi, dans la nuit du 14 au 15 juin, «la CM 1 s'installe aux lisières Est de Bologne de chaque côté de cette localité ; en profondeur, des fusiliers-voltigeurs de la CE occupent la Fenderie10. Plus au sud une section de la CM 3 va tenir Riaucourt... Le reste du bataillon (CM 2 et CM 3) s'étire depuis Blancheville jusqu'aux lisières Ouest du bois des Merottes...»



Samedi 15 juin 1940


Défilé «ininterrompu» dans Chaumont

Chaumont, où sera retrouvé, dans la journée, avenue de la République, le corps du sergent André Sakkas, du 21e régiment de marche de volontaires étrangers, est tombée. L'historique de la 1. Panzer-Division note : «A 0 h 30, Chaumont est pris par le II/SR11 1 du Hauptmann Dr Eckinger». Le détachement commandé par Balck, qui poursuit sa progression en direction de Langres, se compose de ce bataillon, du 1/Panzer-Regiment 2, du III/SR 1 et de la batterie 659. Au 149e RIF, l'interrogatoire de trois «affectés spéciaux» français se dirigeant sur Neufchâteau apporte des précisions sur la situation : «Les trois hommes interrogés sont restés entre 8 h et 9 h du matin à la sortie de Chaumont sur la route de Langres. Dans Chaumont, ils ont compté la présence d'environ 200 hommes à la sortie de Chaumont sur la route de Langres et ont vu rangées sous les arbres une vingtaine d'auto-mitrailleuses sur la route de Langres, passant en défilé, qu'ils ont déclaré ininterrompu pendant leur heure de présence, de camions (français pour la plupart), d'engins blindés (dont ils n'ont pu préciser le nombre) et de canons lourds... Il ne restait dans Chaumont que quelques civils, des vieillards pour la plupart...»


Une compagnie de pionniers

Cantonnée dans les Ardennes, la 1ère compagnie du 412e régiment de pionniers se trouvait à Sommelonne (Meuse), le 13 juin 1940, au moment de la percée de la 1. Panzer-Division12. Son repli passa par Morley et Mareilles. Son commandant d'unité, le capitaine Jean Bernard, écrit13 : «14 juin (…) Après m'être mis en rapport à Chaumont avec le chef de la subdivision, je reçois à
11 h l'ordre de défendre la tête de pont d'Andelot. Ordre exécuté après formation de barricades à 14 h 30. Effectif en fin de soirée : trois officiers, 139 hommes». Le lendemain, «la compagnie quitte Mareilles et Andelot à 1 h du matin et se replie sur Chaumont, Biesles, Montigny-le-Roi, Langres, Dijon, Saulieu. A Chaumont et Biesles, entre 4 h et 5 h du matin, nous avons réussi, en dépit d'une fusillade nourrie, à nous frayer un passage entre les unités motorisées et les tancks (sic) ennemis. Les premiers éléments de la compagnie arrivent dans Langres à 7 h et, harcelés par l'ennemi, nous nous sommes vus dans l'obligation d'établir un barrage avec sept camions pour retarder la marche de l'ennemi et protéger la retraite de tous les isolés qui se repliaient... Des éléments ennemis (qui) étaient venus parlementer en exhibant un drapeau blanc ont été désarmés par nos soins. Les derniers éléments de la compagnie quittent Langres vers 9 h 30. A la suite de cet engagement, l'effectif se compose de trois officiers, 114 hommes...» Puis les pionniers poursuivent leur repli. Quatre jours plus tard, ils seront à Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme)...


Groupement Beaupuis

Au lendemain de la chute de Chaumont, le lieutenant-colonel Beaupuis, qui était arrivé dans la région en échelon précurseur et qui a pour chef d'état-major le commandant Albert Vrinat14, voit arriver ses troupes. Elles vont tenir une ligne Chaumont-Andelot.

Le 149e RIF, dont une partie des troupes continue à défendre la Ligne Maginot, notamment l'ouvrage du Fermont, a quitté Bettelainville (Moselle) en camions, passant par Mercey-le-Bas, Domremy-la-Pucelle. L'aspirant Paul Mathey15 (10e compagnie) raconte son arrivée en Haute-Marne, le 15 juin 1940 : «Vers 6 h enfin, nous arrivons à Saint-Blin et débarquons alors que nous devions aller jusqu'à Andelot. Nos voiturettes ne sont pas là. Nous sommes les premiers à descendre. Nous faisons mouvement sur Andelot où se regroupe le bataillon. La 10e compagnie s'installe au sud-est de la ferme Fragneix. Nous n'avons pas de carte de la région. Heureusement je dispose d'une carte de fortune obtenue en décalquant la partie de Darmannes à Chaumont auprès d'un camarade artilleur à Andelot...»


Le I/149 du capitaine Julien Viardet, premier débarqué en Haute-Marne, va s'installer dans le secteur d'Andelot-Rimaucourt. La 1ère compagnie de mitrailleurs (capitaine André Lesieur), la 3e (capitaine Jacques Belloc), et la 1ère compagnie d'engins et de fusiliers-voltigeurs (lieutenant Jean Vacher) tiennent Andelot, la 2e compagnie de mitrailleurs du capitaine René Malaterre est à Darmannes, Mareilles et Cirey-lès-Mareilles16.


Le II/149 du commandant Pierre Biers prend position entre la RN 67 et la route Chaumont-Andelot :

. le village de Darmannes accueille le PC de bataillon, la 7e compagnie (capitaine Dupuy), des éléments de la 2e compagnie d'engins, de la 2e compagnie de mitrailleurs (du 1er bataillon) et de la compagnie de commandement du régiment.

. le bois des Moines est défendu par la section du sous-lieutenant François Geulot (5e compagnie) et celle du sous-lieutenant André Lombard (6e compagnie), avec deux FM.

. vers 21 h, la 6e compagnie (capitaine Paul Grandclerc) s'installe à la ferme des Epreuves, à gauche de la route entre le faubourg de Reclancourt de Chaumont et Treix (près du pylône), avec un effectif de 81 hommes. Ses sections sont aux ordres du lieutenant Etienne Malgras (né à Nancy en 1914), à la ferme et dans la carrière située au nord-est, et de l'aspirant Bricher, à la lisière Sud-Est du bois de la ferme.

. enfin, la 5e compagnie (capitaine Paul Faby) défend le centre de résistance de Treix. Une section, confiée au lieutenant Marcel Fraire, est aux avant-postes à la scierie de Brethenay (côté Marne).


Le 3e bataillon du 149e RIF est aux ordres du chef de bataillon – à titre temporaire - Marcel-Marie Valentin. Il n'a que 36 ans. Fils d'un officier d'infanterie tombé en 1914, ce Saint-Cyrien (promotion 1922-1924) avait été promu lieutenant en 1927 au sein du 106e régiment d'infanterie de Châlons-sur-Marne, et il a servi notamment au Maroc avec la Légion étrangère.

Ses compagnies de mitrailleurs sont aux ordres respectifs du capitaine Gaston Vitoux (9e), un compatriote de Beaupuis – il est né à Epernay en 1897 -, du lieutenant Jacques Aman (10e), du lieutenant Charles Bail puis du sous-lieutenant Haulin (11e). Le bataillon, qui comprend également la 3e CEFV du capitaine André Voirin, prend position dans un triangle formé par la route nationale Chaumont-Andelot et les routes reliant cet axe au Puits-des-Mèzes, soit à la sortie de Chaumont, soit le long de la ferme de Fragneix (commune de Treix). Ce secteur inclut le Bois Perron et la forêt dite d'Ageville. Un mot sur le capitaine Voirin : âgé de 38 ans, natif de l'Oise, il sera cité à l'ordre du régiment en 1942. On dira de lui : «A organisé la défense anti-chars de la forêt de Chaumont, contribuant largement à la résistance acharnée opposée à l'ennemi par son bataillon au cours des combats du 16 au 18 juin 1940. A assuré deux reconnaissances périlleuses sur la ligne de résistance.»

Comment est organisé le bataillon Valentin ?

. A l'extrémité du dispositif, une section armée de trois FM de la 9e compagnie est détachée en position avancée au sud de la départementale 417 reliant Chaumont à Biesles. Elle se repliera, le 17 juin 1940, sur la ferme de La Peine, de l'autre côté de la route.

. La ferme de La Peine. Elle était, rapportera le lieutenant Léon Caillet, Drômois de 33 ans, chef de section dans la 9e compagnie de mitrailleurs, «abandonnée depuis peu. Le bétail y était encore...» La ferme de La Peine est toujours visible, à quelques dizaines de mètres sur la gauche de la D 417. Précisément, Léon Caillet a reçu pour mission de surveiller cet axe. Ses hommes ont été placés aux abords de la route, la ferme étant à l'origine l'endroit où se restauraient les fantassins. C'est ainsi que dans la nuit même du 15 au 16 juin, à leur arrivée dans le secteur, ils se délecteront de lapin, assorti du vin rouge récupéré dans la cave de la ferme.

. Au nord de cette position, le lieutenant Vissac dispose, à la ferme des Rieppes, exploitée par Marcel Buré, d'une section de la 3e CEFV (trois FM), d'une section de mitrailleuses (quatre pièces), de deux FM de la 11e compagnie (sous-lieutenant Marcel Merlo, 31 ans, natif de Béthune dans le Pas-de-Calais) et d'un groupe de mortiers.

. A droite de la route de Chaumont à Andelot (à l'ouest des Rieppes), un point d'appui est constitué par une section de mitrailleuses (trois pièces et deux FM), aux ordres de l'aspirant Paul Mathey (de la 10e compagnie de mitrailleurs), une section de fusiliers-voltigeurs (avec trois FM), commandée par l'adjudant-chef Schmitz, de la 10e compagnie, et un canon de 25.

. Le point d'appui dit de la Forêt est commandé par le capitaine Vitoux, installé derrière le PC du commandant Valentin. Il comprend six mitrailleuses, aux ordres des sous-lieutenants Alfred Heitz et André Darret, un canon de 25 et deux FM. Un groupe de la section Heitz a été détaché au Puits-des-Mèzes. Le lieutenant Alfred Heitz, chef de la 3e section de la compagnie Vitoux, apporte des précisions sur son PA : le 15 juin 1940, il est installé «en lisière de la forêt d'Ageville, à cheval sur la route Puits-des-Mèzes – Treix, lisière Ouest, face à la ferme. Terrain plat. Ma section est installée en lisière de forêt avec ses mitrailleuses...»

. Un autre point d'appui de la 10e compagnie est localisé au nord-ouest du Bois Perron.

. Enfin, il y a la ferme de Fragneix, territoire de Treix, bien que située de l'autre côté de la route Chaumont – Andelot. Là, sont positionnées deux sections de la 10e compagnie aux ordres de l'aspirant Raymond Schaffer et du sergent-chef Arys, ainsi qu'environ 70 hommes de la compagnie de commandement avec deux FM. Le lieutenant-colonel Beaupuis y établira son dernier PC.

. D'autres éléments du bataillon sont situés de l'autre côté de la route, vers Treix, face à Darmannes (la 11e compagnie désormais confiée au sous-lieutenant Haulin)...


Un document signé du lieutenant-colonel Beaupuis17

«Ordre d'occupation de la position (15 juin 1940, 11 h).


  1. La partie Sud de la ligne (Riaucourt – Darmannes – Mareilles) sera portée en avant et sera jalonnée par les hauteurs Sud de Riaucourt, hauteurs Est de Condes et de Reclancourt, cote 368, cote 402. L'ancienne ligne Riaucourt-Darmannes-Mareilles deviendra ligne d'arrêt du sud face à Chaumont.

  2. Aucun changement pour le I/149 et le 57e BM. Le II/149 : de Riaucourt exclus à éperon Nord-Est de Reclancourt (chemin Treix-Reclancourt inclus). Le III/149 : jusqu'à la limite du sous-secteur (cote 402 et (illisible) de la forêt du Perron). Ligne d'arrêt des quartiers : bois des Merottes, lisière Ouest bois des Brûlés, lisière Ouest bois Nord de Treix – Treix - Fragneix (l'élément de surveillance de la g. vers 340 surveillant les débouchés de Le Puits-des-Mèzes).

  3. Exécution des mouvements : quatre groupes de voltigeurs et éventuellement un groupe de mitrailleuses du III/149 portés en camions automobiles à 11 h 45 à la sortie des bois sur route et cote 368 (un renseignement de reconnaissance motocycliste à 10 h 30 signale que l'ennemi n'occupe pas le terrain à l'est de la Marne) ; mouvement des éléments débarqués des II et III/149 à 14 h.

  4. Liaison : établie par le I/149 avec les éléments de droite. Il n'y a pas de liaison possible actuellement à gauche du sous-secteur où un bataillon d'infanterie amie serait signalé au nord-est de Biesles.

  5. Artillerie. Une batterie de 75 récupérée d'une division coupée sera installée au nord-est du bois de Mareilles. Mission : tir d'arrêt au nord de la route nationale Chaumont-Biesles ; tir d'interdiction sur nationale Chaumont-Langres très visible du Val Barisien, du Val des Ecoliers.

  6. Renseignements. La ou les divisions ennemies ont atteint Foulain. De nombreux mouvements d'engins blindés et de fantassins isolés ou par petits groupes sont visibles sur la route Joinville-Foulain (N°67).

  7. PC avancé du régiment sera porté à 17 h à Mareilles sous la réserve que l'occupation soit réalisée sans fortes réactions réactions. PC normal : sans changement. PC I/149 et 57e BM : sans changement. II/149 : choisir entre Darmannes, Treix ou bois Nord de Treix. III/149 : ferme Fragneix. PC régimentaire : La Crête.

  8. DCA : habituelle. DCB : barrage principal : voie ferrée Andelot-Bologne - la Marne - ravin Est Reclancourt - lisière Sud bois des Barres. Bouchon au coude route nationale lisières Sud-ouest et Sud des grands bois du Perron. Barrage (illisible) : face au nord-ouest bois des Mérottes, bois de Sirgent, face au sud-ouest bois de Sirgent, Darmannes, thalweg Est (les Maisonnettes) et Sud-ouest Mareilles, Mareilles, Cirey, forêt de l'Essart.»


Riaucourt

Le 14 juin 1940 au soir, les mitrailleurs du 57e bataillon ont vu les blindés allemands rouler en direction de Chaumont. N'ayant pu empêcher l'ennemi d'occuper la ville, ils ne peuvent, désormais, qu'«espérer exercer sur la rive droite (de la Marne) une action retardatrice et permettre aux armées qui se replient de la ligne Maginot d'échapper à l'étreinte ennemie...»

Au sein du groupement Beaupuis, les hommes du commandant Marec seront les premiers à affronter l'ennemi. Le capitaine Français témoigne : «Le 15 au petit jour, la CM 1 est donc installée dans la partie Est du village de Bologne, de chaque côté de la route et de la voie ferrée qui mènent à Neufchâteau. Un élément a pris position sur le tender d'une locomotive pour avoir des vues plus étendues... Nos hommes attaquent avec leurs mitrailleuses les engins qui défilent sur la route nationale. L'Allemand, gêné dans ses mouvements, réagit, et peu après nos éléments devront, sous sa pression, se replier sur les lisières Sud du village. Des chars ennemis poussent jusqu'au pont (mais) ils ne poursuivent pas plus avant leur progression18.

Plus au sud, à Riaucourt, la section de la CM 3 se trouve dans une situation délicate en raison de la disposition du terrain, la vallée de la Marne étant à cet endroit très encaissée. Accrochée aux pentes du village, cette petite troupe s'est installée et retranchée pour battre les débouchés du pont. Dans la soirée, l'ennemi renouvelle sur ce point la pression...» Le lieutenant Roulleau annonce qu'il «fera tout son devoir. Il devait tomber, au cours du combat, ainsi que plusieurs de ses soldats. Le bataillon perdait en lui un de ses plus vaillants officiers. Fils d'un grand mutilé de la guerre 1914-1918, il avait cultivé dans son âme les plus belles vertus civiques et militaires. Ecrasée par le nombre, la poignée d'hommes qui occupait Riaucourt se regroupe sur la croupe Est du village... Leur bravoure fait l'admiration des quelques habitants demeurés dans la localité.»


Maurice Roulleau, né en 1911 à Paris, sera distingué à titre posthume en 1941 : «Lieutenant de réserve plein d'allant, ayant donné à tous un bel exemple de bravoure et de sang-froid. Le 15 juin 1940, désigné pour prendre position, avec sa section de mitrailleuses, au-delà du pont de Riaucourt, est tombé face à l'ennemi. A été cité19».

A ses côtés, sont tombés20 :

. Raymond Deletang, mitrailleur, cité en 1942,

. Olivier Louzon (CM 3),

. Aristide Réau21 (CM 3), 27 ans,

. Henri Vallot (CM 3).


La pression ennemie est trop forte. Le lieutenant-colonel Beaupuis «prescrit au commandant du 57e de faire replier la CM 1 sur la croupe Nord-ouest du bois des Brûlés et sur la Fenderie, et d'envoyer le reste de la CM 3 (moins un groupe) renforcer les défenseurs de Riaucourt. Le PC du bataillon, quittant la ferme Chevecheix, trop exposée à un coup de main, s'installe dans la soirée à la lisière Sud-est du bois des Brûlés.»


Un compte-rendu du lieutenant-colonel Beaupuis22

«Etant donné que l'occupation de Bologne faite ce matin au jour n'avait pour but que de permettre la réoccupation de Chaumont ; que la compagnie occupant Bologne est, dans le dispositif actuel, dans une situation isolée et critique (elle a, d'ailleurs, été attaquée vers 15 h) : la compagnie se repliera à la tombée de la nuit.»


Dimanche 16 juin 1940


Deux divisions du 41. Panzer-Korps traversent à leur tour la Haute-Marne : la 6. Panzer-Division (général Kempf) en direction de Jussey (Haute-Saône), via Chaumont, la 8. Panzer-Division (général Kuntzen) par Brouthières et Germisay vers Bourbonne. Sur leur route, des troupes françaises opposent une résistance parfois furieuse...


Groupement Beaupuis

Historique du 57e BMM : «La CM 3 se trouve installée face à la Marne, sa droite à la corne Sud-Ouest du bois des Brûlés, le reste de la compagnie à cheval sur la route Riaucourt-Darmannes... Une forte reconnaissance envoyée à Riaucourt le 16 au matin trouvera le village évacué par l'ennemi. Cette reconnaissance identifie les corps du lieutenant Roulleau et des soldats tombés la veille et ramène dans nos lignes un blessé que l'ennemi avait laissé.»



Le groupement Beaupuis reçoit un renfort appréciable. Le lieutenant Izard, officier adjoint du lieutenant-colonel Beaupuis, raconte : «Rencontré par hasard, un capitaine d'artillerie qui a perdu son unité. Il a quatre canons sur wagons et 200 obus. «Voulez-vous vous battre ?» lui demande le colonel. «Je crois bien, je suis là pour ça. Et comme il n'est plus question maintenant que je retrouve mon commandant.» Il est disponible parce que nous sommes encerclés...» Ce capitaine de réserve s'appelle Jean-Auguste Chaurey, commandant la 6e batterie du 26e régiment d'artillerie divisionnaire (RAD), de la 56e DI également. Il a 38 ans, et comme Beaupuis et Vitoux, c'est un Sparnacien23. Débarqué par moyen ferroviaire le 15 juin au matin en gare d'Andelot, en provenance de Maizières-lès-Metz, avec sous ses ordres un effectif de 104 sous-officiers et hommes de troupe, il est assisté des lieutenants Durand et Jean Ameye (qui sera blessé lors d'une chute de cheval en exécutant une reconnaissance et évacué sur Neufchâteau24). Par ailleurs, la batterie Chaurey est accompagnée d'éléments de l'état-major du IIe groupe (capitaine Gauthier) : 76 hommes avec le lieutenant Pierre Thévenet et le sous-lieutenant Lamoitié25.

Beaupuis, nous dit le capitaine Français dans son historique du 57e BMM, décide «de concentrer la défense dans les villages mêmes ; dans la soirée du 16, la CM 2 et les éléments de la CE et de la CM 3 qui y sont rattachés occupent donc chacun des villages de Briaucourt, Chantraines et Blancheville...»


Ferme des Epreuves, entre Chaumont et Treix

Une auto-mitrailleuse de la 6. Panzer-Division se présente dans le secteur, en fin d'après-midi. «Arrivée au croisement du chemin reliant la ferme des Epreuves à la route de Treix, rapporte le capitaine Paul Grandclerc, commandant la 6e compagnie de mitrailleurs du II/149e RIF, cette voiture est prise sous le feu d'un FM de groupe réduit qui est installé dans le fossé à droite de la route et la tire à balles P d'une distance de 10 m, un des occupants qui avait essayé de sauter à terre est tué et reste sur le terrain. L'auto-mitrailleuse fait demi-tour et s'éloigne en direction de Chaumont...» Ce ne serait pas le seul engagement de la journée. Le capitaine Grandclerc revendique également la mort de neuf soldats allemands devant la section Lombard.


Rimaucourt

Des éléments de la 8. Panzer-Division (celle qui se battra au même moment à Germisay) ayant remonté la vallée du Rognon se présentent devant Rimaucourt vers 14 h. La commune tombe rapidement26. Le détachement du 149e RIF qui la défendait se replie sur Andelot.

D'autres éléments français ont été engagés lors de ces opérations : les artilleurs du 26e RAD. Un de ses officiers, le lieutenant Thévenet, a été tué. Rapport du capitaine Chaurey27 : «Le 16, reçu (en) fin de matinée (l')ordre (de) mise en batterie pour constituer (des) bouchons anti-char. Exécution complète rendue impossible par (l')irruption (de) motorisés ennemis surprenant vers 13 h (la) batterie en cours de déploiement. (Le) lieutenant Thévenet Pierre tué au cours (de la) reconnaissance (de la) région (de) Rimaucourt, (le) sous-lieutenant Lamoitié prisonnier, (la) presque totalité (de la) section (d')état-major capturée...»


Thévenet (Pierre-Gabriel), lieutenant (Magenta, Seine, 16 juin 1913 – Rimaucourt 16 juin 1940). Fils de Lucien Thévenet, entrepreneur de travaux publics, et de Suzanne Giroud. Entré à l'école d'application d'artillerie (1936) ; sous-lieutenant de réserve le 20 octobre 1936 ; passé au 67e RA (1937) ; congédié le 1er octobre 1937 ; employé chez Forclum ; lieutenant de réserve le 25 décembre 1939.


Andelot

La progression ennemie reprend sur Andelot, où une barricade a notamment été aménagée près de la gare. Le I/SR 8 de la 8. Panzer-Division est engagé. Félicien Faillet (L'Illustration) raconte : «Le 1er bataillon se défend énergiquement28. Des blindés sont abattus, des mitrailleuses prises, des prisonniers faits. Le village est en flammes. Soudain, au plus fort de l'assaut, une auto allemande fonce sur la barricade... Accueillie par les feux conjugués d'un canon de 25 et d'un FM, la voiture est immobilisée29. Le chauffeur est tué ainsi qu'un officier. Un second officier, un colonel, a reçu neuf blessures et est fait prisonnier... A son poste de commandement, déplacé et installé à Mareilles, (Beaupuis) reçoit le colonel allemand blessé et prisonnier. Un beau soldat que cet officier supérieur ennemi, le colonel A... du GQG allemand attaché au général Litz...»

En fait, l'oberst Wilhelm Arnold30, pris dans l'après-midi, est chef du régiment de transmissions attaché à la XIIe armée du général List (et non Litz). Tandis que l'ennemi délaisse Andelot et poursuit son mouvement par Consigny vers le sud-est du département, le lieutenant Izard est présent à l'arrivée du captif au PC français : «18 h. Parti à l'aube pour une liaison avec les généraux, le capitaine B. n'est plus rentré. Il faut le considérer comme disparu. Ces généraux nous auront coûté cher. On nous amène un prisonnier de marque, un colonel d'état-major blessé au pied. Soit qu'il ait commis une erreur de trajet, soit qu'il n'ait pas été prévenu de la formation de notre îlot de résistance, il a jeté à grande vitesse sa voiture blindée sur un de nos barrages et le capitaine d'artillerie l'a tiré à vue. Pendant que le médecin-chef lui fait un pansement, nous examinons ses documents militaires. Il possède tout ce qu'il nous manque : de magnifiques cartes de la région... Il a demandé à être ramené dans ses lignes et promet la restitution d'un colonel ou de deux officiers français. Le «patron» qui voudrait connaître le sort du capitaine B. accepte et déclare qu'il reconduira lui-même son prisonnier... «Bravo pour votre canon, dit l'Allemand, il a été très bien tiré !» Je me sens de plus en plus dans un autre siècle...»

La suite – extraordinaire – a été racontée par Félicien Faillet. Jean-Marie Chirol résume les événements : «La trêve est décidée. Au matin (du 17 juin), une voiture allemande franchit les lignes sous la protection d'un drapeau blanc, avec à son bord : Beaupuis, Arnold, le capitaine Garrach (officier adjoint) et un caporal interprète. Croyant le général List, commandant la 12e armée allemande au Châtelet, près de Bayard, c'est là que se rend la délégation. En réalité, List est encore au château de Braux-Sainte-Cohière, près de Sainte-Menehould. Le chef d'état-major, recevant Beaupuis, prend de très haut les exigences du colonel français virtuellement battu, comme l'est toute l'armée française. Mais Beaupuis, qui a l'âme chevillée au corps, confirme ses exigences : échange de prisonniers et retour à son PC de Mareilles pour reprendre le combat. Finalement, satisfaction lui est donnée. Deux capitaines français prisonniers lui sont remis. Beaupuis exige alors qu'un avion le ramène, avec ses deux capitaines, à proximité de son unité... Satisfaction lui est donnée. Ils rentrent tous trois à bord d'un Fieseler-Storch.» L'appareil se pose à Bayard-sur-Marne, le lieutenant-colonel repart en direction de Rimaucourt avec les deux capitaines libérés (ils appartiennent au 33e RIC et au 314e RA, et ils étaient internés à Saint-Dizier).


Lundi 17 juin 1940


Les troupes allemandes poursuivent la réduction des poches de résistance françaises, de part et d'autre de la route Chaumont-Neufchâteau. Les combats sont particulièrement meurtriers à Semilly, entre Aillianville et Trampot, ainsi qu'à la ferme des Epreuves, près de Chaumont.


Briaucourt

Alors que le lieutenant-colonel Beaupuis est parti négocier un échange de prisonniers, les combats reprennent. C'est le cas dans le secteur du 57e BMM. Son historique raconte : «Vers 8 h 30 les premiers groupes allemands qui descendent de Rochefort vers Briaucourt sont faits prisonniers par les nôtres, mais des unités plus importantes surviendront aussitôt après, elles encerclent le village dont la garnison, réduite à une section, est faite prisonnière à son tour. Seuls quelques hommes réussissent à s'échapper et gagnent Chantraines.»


Lieutenant Georges Izard : «Midi. Le colonel n'est pas rentré. Après un temps d'arrêt, la bataille a repris. Andelot tient magnifiquement mais la pression s'accentue et les munitions diminuent... 18 h : toujours pas de colonel. Le bombardement s'intensifie d'heure en heure sur Andelot qui tire ses derniers coups de mortier et n'a plus d'obus...» Une action d'éclat ayant pour cadre Andelot vaudra à son auteur une citation en 1943 : le lieutenant Edmond Lefranc, du 149e RIF, se distingue «en montant un coup de main pour récupérer deux canons tombés aux mains de l'ennemi près du village d'Andelot31. A réussi brillamment, malgré la vive réaction de l'adversaire, à ramener les pièces dans nos lignes».


Crime de guerre aux Epreuves

De nouveaux éléments allemands – des fantassins, des canons anti-chars et des canons – prennent position aux lisières Nord-Est du bois de Condes pour réduire la position des Epreuves. «Vers 14 h, une compagnie ennemie débouche du bois et attaque en direction du PA II, elle est clouée au sol par le tir des sections Bricher et Malgras. Jusque vers 17 h, cette compagnie qui subit de fortes pertes progresse par bonds, homme par homme ou en rampant...» Malgré l'abnégation dont elle fait preuve, la compagnie Grandclerc doit se replier sur Treix. Elle a perdu, en tués et blessés, «quatorze hommes et gradés dont treize qu'elle avait dû abandonner dans le bois». Une tragédie s'est en effet déroulée aux abords. Après avoir perdu au combat Angelo Ercolani (mort sur le territoire de Darmannes), la compagnie a vu plusieurs de ses hommes exécutés par l'ennemi. C'est ce que rapporte le capitaine Grandclerc. Ce qui s'est passé, il l'a appris par deux de ses hommes hospitalisés à Chaumont, lc caporal René Boehm et le soldat Marcel Lepreux. Ils «déclarèrent qu'ils s'étaient réfugiés dans un élément de tranchée avec trois autres camarades blessés, que les Allemands les firent sortir de leur abri et qu'ils dirent qu'ils n'avaient pas de pitié à avoir, la compagnie leur ayant tué un officier, un adjudant ainsi que 60 hommes dans le bois ; ils se mirent à tirer sur les blessés à coups de revolver, le caporal Boehm et le soldat Lepreux qui venaient d'être blessés pour la deuxième fois firent les morts, les autres soldats furent tués». Il s'agit du caporal Léon Dupont, des soldats André Wargnier (un brancardier-musicien) et Julien Rousselet, «achevés à la grenade et au pistolet».

Les onze victimes de la compagnie Grandclerc, ce jour-là, à la ferme des Epreuves, sont les suivantes :

. Emile Bafcop (Pas-de-Calais 1907) ;

. caporal Léon Dupont (Longwy, Meurthe-et-Moselle, 1911) ;

. Raymond Josse (Auschy-les-Hesdin, Pas-de-Calais, 1912), «grièvement blessé au ventre par quatre balles (…). Abandonné sur le terrain lors du repli sur Treix. Vu mort sur le terrain par Guillory, resté plusieurs jours dans le bois» ;

. Martin (selon le témoignage du caporal Boehm et la préfecture) ;

. Jean-Baptiste Mekil (Thumeries, Nord, 1915) ;

. caporal Jean Minn, coiffeur à Briey (non recensé par le ministère des Armées) ;

. Charles Neuman (Longwy, Meurthe-et-Moselle, 1908) ;

. Roger Poussiere (Gy, Haute-Saône, 1913) ;

. Julien Rousselet (Somsois, Marne, 1910) ;

. Xavier Ruhlmann (Stotzheim, Bas-Rhin, 1917), «vu mort sur le terrain par Guillory. Enterré sur place le 30» ;

. André Wargnier (Pas-de-Calais 1916).

A cette liste, s'ajoute le nom d'Adolphe Fritz, décédé le 17 juin à l'hôpital mixte de Chaumont, inhumé dans le cimetière de Saint-Aignan.


Darmannes

Défendue par la compagnie Dupuy, la position de Darmannes, PC du commandant Biers, chef du II/149e RIF, subit d'abord un mitraillage par Dornier 17 (vers midi : «un blessé à la cuisse»), puis un assaut d'infanterie. «Le soir, attaque : coup de main allemand sur Darmannes. Deux groupes attaquent... En tout l'effectif d'une compagnie environ ; appui de minenwerfer. Le groupe du nord est fixé par les tirs des mitrailleuses à 400 m environ du village. A l'ouest, une section ennemie atteint presque les lisières du village. Un chef de section allemand est habillé en officier français et fait de grands gestes avec un panneau blanc, assure le capitaine Léon Bayle, officier adjoint. Moment d'hésitation et de doute : on croit avoir à faire à des éléments du 57e bataillon de mitrailleurs. Identification. Ouverture du feu. L'ennemi est bloqué ; entre autres, le chef de section est tué.»


Historique du 57e BMM : «L'ennemi continue à pousser vers le sud le long de la route de Briaucourt à Darmannes. Pour essayer de le contenir, le chef de bataillon va engager ses dernières et bien modestes réserves : un groupe de pionniers et une section de la CE vont s'avancer de chaque côté de la route. La section de la CE s'établissant le long de la lisière Est du bois des Brûlés devra faire la liaison avec la CM 1», qui a résisté et s'est repliée sur les lisières Nord et Ouest du bois, tandis que la CM 3 contient l'ennemi.

Les combattants sont totalement isolés depuis le 15. «Les blessés ne peuvent plus être évacués sur un hôpital, mais sont soignés dans une cave avec les modestes moyens de secours de première ligne», écrit le capitaine Français.

«L'ennemi en progressant menace le PC du bataillon auprès duquel se trouvent maintenant les éléments de la CHR et de la section de transport qui ont dû quitter la maison forestière... Le commandant décide dans l'après-midi de transporter son PC à Darmannes.

Mais, avant que le transfert ait pu être achevé, les Allemands atteignent vers 17 h 30 la lisière Sud-Est du bois des Brûlés et la ferme Chevecheix. Ils font prisonniers les éléments qui s'y trouvent. Le chef de bataillon, un officier de l'état-major et la SC réussissent à s'échapper...

A la fin de la journée du 17 juin (…), à droite, la CM 2 continue à résister dans les villages de Chantraines et de Blancheville où elle est encerclée ; à gauche, la CM 1 et la CM 3 occupent les lisières Nord et Ouest du bois des Brûlés dont l'ennemi occupe les faces opposées...»

Un sous-officier du bataillon se distingue ce jour-là : le sergent Jean Coat. Il sera cité en 1942 : «Sous-officier courageux, énergique et d'un grand sang froid. Le 17 juin 1940, au combat des Bois-Brûlés, a, par l'efficacité du tir de son FM, permis le décrochage d'une section de mitrailleuses pressée par un ennemi mordant et supérieur en nombre. A été grièvement blessé au cours de l'action».


Brethenay

La section du sous-lieutenant Marcel Fraire (5e compagnie) défend l'avant-poste de la Scierie depuis la veille. Vers 18 h 05, rapporte le carnet de notes du commandant Biers, «deux groupes se replient sans ordre. Le groupe restant tire vers le pont et vers le point d'appui des Quartiers. Il se replie et se perd. Au total, deux groupes rejoignent Treix avec Dumarteau32. Le 3e est perdu avec le sergent Combe. Un blessé par balle. Arrivée à Treix vers 20 h». Dans cette section, le soldat Prévoteau a été blessé, le soldat Joseph Goudal tué.


Ferme de La Peine

Pendant deux jours, les 16 et 17 juin, les hommes du lieutenant Caillet, renforcé par les mitrailleurs de la 9e compagnie de l'adjudant Romain Lebleu (celui-ci a rejoint la position par un layon forestier menant à la ferme de La Peine), surveillent la RN 417 où circulent convois ou deux-roues allemands. Un avion de reconnaissance ennemi survole constamment le secteur. Le 16, «l'annonce faite aux hommes au cours du repas de la capture par le I/149 d'un colonel allemand est accueillie avec enthousiasme. Le moral est excellent. Grande cohésion». Les Allemands sont proches, tout proches : Caillet sait qu'une soixantaine d'hommes se sont camouflés dans un champ «situé à hauteur du village de Choignes».

Le 17, le lieutenant décide de fortifier la ferme de La Peine. Il dispose le groupe du sergent Leprêtre au premier étage, dans une chambre donnant sur la RN 417, le demi-groupe du caporal Leninger dans un grenier. «Des sacs d'engrais empilés forment un créneau à la fenêtre», précise Caillet, qui ne dispose que d'une caisse de 1 872 cartouches ainsi que des caissettes. Dans l'après-midi, tandis que de nouvelles troupes allemandes prennent position dans le champ situé de l'autre côté de la route, l'avant-poste reçoit la visite du commandant Valentin et du lieutenant Bernard Poullain. Le chef de bataillon rappelle les ordres : «Tenir jusqu'au bout...» La grande bagarre est proche...


Ferme des Rieppes

Lieutenant Caillet : «Vers 20 h, des obus fusants tombèrent à proximité de la ferme des Rieppes... La ferme n'est pas tombée. Les Allemands règlent leur tir. Le tir d'efficacité tombe à quelques mètres de la ferme. Il va se poursuivre jusqu'à la nuit. Peu après le commencement du bombardement, les mitrailleuses de la section du sous-lieutenant Merlo se mirent à tirer...»

Devant la progression des troupes ennemies, le groupe Deblir, qui se trouvait en mission de surveillance au sud de l'axe Chaumont – Biesles, décroche et rejoint la ferme de La Peine. Le feu cesse peu après 22 h.



Mardi 18 juin 1940

Le XIIIe corps d'armée allemand est engagé dans la réduction du groupement Beaupuis accroché de part et d'autre de la route Chaumont-Andelot ; de son côté, la 10. Infanterie-Division se lance à la conquête de Bourmont. Des combats ont lieu également, sur la Meuse, à Harréville-les-Chanteurs.



L'assaut final contre les positions du groupement Beaupuis est donné le 18 juin. Ce sont les 17., 21. et 23. ID (Infanterie-Division) qui lancent l'offensive, en fin de nuit. Menées simultanément au nord et au sud de la poche de résistance, ces attaques ont été notamment rapportées, demi-heure par demi-heure, position par position, dans le carnet de notes du commandant Biers, en ce qui concerne les 2e et 3e bataillons. Une source essentielle complétée par les rapports d'officiers...


Ferme de La Peine (Choignes)

La journée commence à 4 h, à la ferme de La Peine, où les mitrailleuses des caporaux Jadule et Jules Lecouffe (qui s'était blessé la veille en chutant du grenier), confiées à l'adjudant Romain Lebleu, sont positionnées au nord. Le lieutenant Caillet se poste en observation au premier étage, aux côtés des sergents Leprêtre et Derelle. L'officier rappelle les consignes : «Personne ne devait tirer sur un objectif situé à plus de 40 m. Les hausses furent toutes vérifiées par le lieutenant. Il recommande aux tireurs de tirer bas... Tous les hommes paraissent calmes et décidés...»

4 h 30 : «Le soldat Cousin, en observation sur le mur Sud, voit progresser un groupe de sept hommes sur la RN. Il vise et tire avec la hausse 400. Un homme tombe, les six autres (éclaireurs sans doute) firent aussitôt demi-tour en utilisant les fossés de la route. Dès lors notre présence était signalée. Quelques instants plus tard, un minenwerfer éclata à 35 m de la ferme à la corne Sud-Ouest du mur de clôture. Un deuxième tombe à égale distance de la corne Nord-Est. Quelques minutes après commençait le tir d'efficacité. Il était (hélas !) splendidement réglé. Très dense, très précis, le tir s'intensifie...»

Vers 5 h. C'est aux fantassins allemands d'entrer en action. «Un groupe franchit les fossés de la route et se dirige vers le nord, colonne par un à travers un champ de trèfles face au sud de la ferme. Le lieutenant s'empare du FM du groupe Leprêtre, et de la fenêtre du premier étage lâcha quelques rafales très courtes sur ces voltigeurs. La colonne ennemie fixée au sol essaya pendant près d'une heure de progresser. Chaque tentative restait vaine : quelques rafales très courtes enrayaient la progression. L'ennemi chercha alors à s'infiltrer plus à l'est. Le FM de Leclaud en fit autant. Le bombardement qui avait cessé reprit de plus belle. Un obus vint éclater contre le groupe Grenaut. De sa fenêtre, le lieutenant donna à Grenaut et à Leclaud l'ordre de rentrer dans la ferme et de s'installer dans l'écurie pour intensifier les feux... Trois fenêtres, très petites, pouvaient servir de créneaux. Au cours de ce resserrement, le sergent Grenaut fut blessé à un doigt. Le soldat Padot fut atteint d'un éclat d'obus à la tête. Un nouvel obus blessait aux jambes le caporal Fournier, Vital.

Le bombardement ayant cessé, la progression allemande tenta de se poursuivre. Le FM du 1er étage la stoppa. A ce moment le créneau constitué par le sac d'engrais fut arrosé de balles allemandes. Les hommes se couchèrent dans la pièce. Seul, le soldat Bernard continuait à passer des chargeurs au lieutenant qui servait le FM. Une rangée de sacs vola littéralement dans la pièce. Une dernière rafale fut tirée, mais les hommes durent quitter l'emplacement devenu intenable. Le groupe Leprêtre en redescendant dans la cuisine était tout blanc, recouvert d'engrais littéralement pulvérisés sur eux. Le sergent Grenaut dans la cuisine pansait le caporal Fournier et le soldat Padot. On fit respirer à ce dernier de l'éther trouvé dans la pharmacie des fermiers.

Le lieutenant sortit faire le tour des groupes, inventorier les munitions restantes. Le sergent-chef Laronde fit descendre les blessés à la cave. En revenant de cette dernière inspection, le lieutenant trouva tous les hommes porteurs du masque dans la ferme. L'adjudant Lebleu ayant senti l'odeur d'éther sans doute, avait fait mettre les masques...

Le bombardement reprit à nouveau – du 150 probablement. Un obus sur l'écurie. Puis un obus sur le caporal Jadoule. Là, l'adjudant Lebleu, qui avait repris son poste, fut atteint de plusieurs éclats d'obus. D'un pied et d'une jambe, il perdit beaucoup de sang. Le sergent Derelle et quelques soldats le ramenèrent dans la chambre. On fit un garrot33. Il était 8 h. La mitrailleuse de Jadoule était hors d'usage. L'écurie était pulvérisée.»

La fin est proche pour le point d'appui. «8 h 15. Nouveau bombardement : un obus, puis un deuxième éventrant la façade Sud de la ferme. A l'exception de la pièce du caporal Lecouffe et de celle du caporal-chef Payot, toutes les autres armes sont neutralisées ou privées de munitions, comme les FM. Le bombardement continue très violent, très dense, très précis.

A ce moment, dans la cuisine, tous les chefs de groupe sont réunis (sauf Payot à sa pièce) auprès du lieutenant. La situation est désespérée. Les blessés se plaignent. Les hommes sont atterrés et impuissants. Le sergent-chef Laronde et le sergent Derelle, très calmes, demandent au lieutenant jusqu'à quand il compte résister. Ils lui demandent de réfléchir à la situation et de se rendre. Soixante hommes sont encore indemnes et peuvent être sauvés. Le lieutenant accepte et un chiffon blanc est hissé par la fenêtre du groupe Ollinger. Le caporal-chef Payot revient alors à la ferme, avec un drapeau blanc il sort de la ferme, suivi du lieutenant qui va remettre son revolver à l'officier allemand qui s'avance. Ce dernier est dans une vive colère. Il dit en français : «Pourquoi tirez vous ? La guerre est finie».»

La fureur du lieutenant allemand s'explique par les pertes qu'il a consenties pour enlever cette position, au lendemain du message du maréchal Pétain appelant à cesser le combat. D'après un soldat allemand qui s'est confié à un prisonnier français, neuf de ses compatriotes auraient été tués devant la ferme de La Peine. Incrédule devant le faible nombre de défenseurs, l'officier dira encore que la mission était «intenable», que ce désir de résister était «bien français», dans une ferme sur laquelle 22 tubes étaient braqués...

Le point d'appui est tombé. Il déplore un mort (l'adjudant Lebleu) et quatre blessés (sergent Eugène Grenaut, caporal Fournier, caporal Vital et soldat Padot).


Ce qui s'est passé à La Peine va se répéter pour chaque position : des tirs de 105, 150 et minen (les pièces allemandes sont localisées au faubourg de Reclancourt à Chaumont, à Rochefort-sur-la-Côte), l'approche des troupes allemandes, des échanges de tirs d'armes automatiques, jusqu'à l'épuisement des munitions des soldats français.

Ferme des Rieppes

Ayant vue sur la route Chaumont-Andelot, la ferme avait recueilli, la veille au soir, les hommes de l'aspirant Mathey (mitrailleurs) et de l'adjudant-chef Schmitt (fusiliers-voltigeurs). Paul Mathey précise qu'une de ses pièces «est installée derrière une murette de la porcherie sur laquelle nous plaçons un matelas... Vers 1 h, bref engagement entre mes guetteurs et une patrouille ennemie, un de nos hommes, le 2e classe Bigot, atteint d'une rafale de mitraillette, décède dans la nuit...» Henri Bigot était natif du Pas-de-Calais, il avait 30 ans.

Comme son camarade Caillet, Mathey résiste mais doit se résigner : «A 9 h 30, nous sommes à bout de forces et de munitions. C'est la reddition. Je sors devant la ferme. Un sous-officier allemand se précipite sur moi, me pousse contre le mur en hurlant et me plaçant sa mitraillette sur le ventre. Heureusement je suis délivré de cette inconfortable position par un officier qui m'explique que ses hommes sont énervés par notre résistance.»


Chantraines, Darmannes : la fin du 57e BMM

La 17. ID se porte sur Chantraines et Darmannes. Trois compagnies du 57e BMM sont capturées dans le premier village. Le second est défendu par la 7e compagnie du II/149 et le reliquat du 57e BMM.

L'historique du bataillon Marec apporte des précisions sur ces ultimes combats : «Dès 5 h 30, l'ennemi effectue sur (Chantraines) une préparation d'artillerie intense. Donnant ensuite l'assaut avec des effectifs évalués à deux compagnies, il finira par capturer de proche en proche les éléments de la CM 2 qui luttent opiniâtrement. L'adversaire attaque ensuite dans les mêmes conditions Blancheville qui ne se rendra également qu'après une résistance méritoire34.

De leur côté, la CM 1 et la CM 3 (…) détruisent les armes automatiques... Les hommes (…) reçoivent pour mission d'essayer d'échapper individuellement à l'étreinte allemande... La situation générale ne permettra qu'à un très petit nombre d'atteindre ce résultat35.

L'ennemi s'attaque à Darmannes où se trouvent, avec le bataillon du 149e, le PC du 57e. Pendant deux heures l'artillerie allemande, installée à très courte distance, puisqu'elle ne craint pas la riposte, bombarde les organisations françaises et le village avec une précision et une violence telles que plus de la moitié des maisons sont détruites. Une première fois, l'ennemi essaie de donner l'assaut mais en vain. Il lui faudra continuer la préparation et donner l'assaut une deuxième fois pour enlever le village... Les derniers éléments du 57e groupés autour du chef de bataillon seront faits prisonniers en même temps.36» Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1920, le capitaine André Français, 45 ans, capturé, parviendra à s'évader, «grâce à un esprit de décision et à une volonté remarquables» (citation).


Sur cette défense de Darmannes, village que vient de rejoindre le lieutenant-colonel Beaupuis (il s'installe provisoirement à la ferme Esprit), le capitaine Léon Bayle, adjoint au chef du II/149e RIF, apporte un témoignage sans concession. Commencé à 7 h 55, «le tir est naturellement précis puisque les batteries sont à moins de 3 km, tirant à vue directe et ne sont gênées par aucune réaction. Le clocher incontestablement visé reçoit un coup direct au sommet, un coup dans un des créneaux de l'escalier ; l'église est touchée de sept obus (porche et façade Ouest et cimetière) ; la toiture est crevée en trois endroits, la voûte de la nef en deux endroits (plusieurs obus n'éclatent pas)». Mauvaise nouvelle : la compagnie de commandement du régiment, commandée par le capitaine Beurotte, évacue Darmannes qui commence à brûler. «Les défenseurs, tournés, sont rapidement submergés par des ennemis plusieurs fois supérieurs en nombre, rapporte le capitaine Bayle. Le dernier PA qui tiraille pendant quelques minutes encore est le PA Est (carrefour route Andelot-Chaumont)». Les notes de Pierre Biers mentionnent la mort, à Darmannes, village considéré comme tombé aux environs de 9 h 45, du caporal Angelo Ercolani, des soldats Maurice Lallemand, Joseph Goudal37 et Auguste Lachère. D'autres sources font également état du décès du soldat Alfred Decouvelaere (149e RIF) et du soldat Georges Doisne (57e BMM). La position déplore aussi 17 blessés. «La plupart des blessés l'ont été par obus. Au moment de la prise de Darmannes, six maisons sont en feu. Douze à quinze maisons complètement démolies. Le clocher a reçu un obus sur le toit et un de plein fouet sur la face Nord. L'église a dû recevoir huit à dix coups directs. La rue de l'Abreuvoir est celle qui a le plus souffert» (notes du commandant Biers).


Bois de Chenois, près de Darmannes

La 11e compagnie de mitrailleuses du III/149e RIF, dont le sous-lieutenant Haulin vient de prendre le commandement en remplacement du lieutenant Bail, est à effectifs réduits. Elle a perdu 57 personnels lors de son transport depuis la Lorraine, et ne compte plus que 125 hommes dont quatre officiers. Elle dispose toutefois de huit mitrailleuses, sept FM, un canon de 25 pour défendre la lisière Nord-Est du bois de Chenois, face à Darmannes. L'unité est engagée à 9 h 45 au moment de l'assaut final ennemi contre ce village. «Le sergent Ney, avec la première mitrailleuse en place, arrête un canon anti-char tracté auto tout terrain et accompagnée par un side-car. Voiture et side mis hors service, plusieurs servants tués (deux laissés sur le terrain ainsi que le matériel)», indique le commandant Biers.


Durant toute la matinée, Treix est soumis à des tirs de 105, 150 et minen, tandis que des camions ennemis débarquent des troupes à proximité du carrefour de Darmannes, afin de liquider la résistance du PA de la Forêt. Pendant ce temps, au nord de ce dispositif, le 1er bataillon s'apprête à cesser le combat...


Andelot, Blancheville

Appuyé par l'artillerie en position entre Montot-sur-Rognon et Signéville, l'IR (Infanterie-regiment) 24 de l'oberst Heinrichs fait tomber Andelot en fin de matinée. Le rapport du capitaine Chaurey précise : «Le 18 à l'aube, nouvel assaut. Artillerie tire 50 coups puis, sous bombardement par mortiers et tirs (d')armes automatiques, tient (la) région (du) cimetière avec armes automatiques et fusils. (Les) personnels (de la) batterie combattent dans (les) rangs (de l')infanterie jusqu'au «cessez-le-feu», après destruction (de l')armement collectif et individuel effectué après épuisement total des munitions.38» C'est à 11 h – selon le rapport du capitaine Malaterre – que la position cesse le combat. Un feldwebel allemand «indique qu'un drapeau blanc fut hissé sur l'église39».

Chef de section de voltigeurs dans la 3e CM, l'adjudant-chef Beau se souvient de ces dramatiques instants précédant la reddition : «Le capitaine Viardet m'invite (…) à demeurer (à son PC) et fait entrer tout le monde dans son bureau installé dans la gendarmerie. Là, il nous met au courant des faits. La plupart des canons de 25 et mortiers sont à bout de munitions. Il reste à peine de quoi tenir une heure ou deux...» Viardet, qui avait succédé au capitaine Louis Pelissier depuis quelques semaines, informe également ses cadres des pourparlers d'armistice. Alors il demande à chacun son opinion «par vote à main levée. Main levée voudra dire reddition. A la presque unanimité des présents, les mains sont levées. C'est la reddition ! Refoulant mes larmes, serrant les poings, je vais retrouver mes hommes. A ce moment la bataille fait rage, partout les obus tombent...» Deux hommes de la section Beau, les soldats Lamarche et Gaulier de Couvron, viennent encore d'être blessés, à Andelot où le sous-lieutenant Jean Piquard figure parmi les officiers capturés40.

Le même IR 24 occupe Blancheville à 11 h, avant d'attaquer, avec l'IR 3, la position de Cirey-lès-Mareilles.


Aux abords de la ferme de Fragneix

La perte de Darmannes menace le PA de la Forêt, défendu par le III/149e RIF, de l'autre côté de la route Chaumont-Andelot. Vers 10 h, de nombreux camions débarquent des troupes allemandes à proximité de la position. De même, des cavaliers «venant des maisonnettes s'avancent dans le talweg Nord-Sud à l'est de Fragneix, suivis de quelques fantassins en tirailleurs». Aussitôt, les mitrailleuses françaises ouvrent le feu. Il est environ 13 h 45 lorsque la ferme de Fragneix, d'où le colonel a décidé d'envoyer dans les bois «une centaine de vieillards, femmes et enfants» qui s'y étaient réfugiés (récit du lieutenant Izard), commence à être bombardée, les sections Darret et Heitz sont prises sous le feu de minen.

«L'historique de l'engagement du III/149e RIF sur la bretelle Chaumont-Bologne-Andelot41» apporte des précisions sur la réorganisation du dispositif du bataillon devant cette attaque : à 13 h, «le commandant Valentin et l'aspirant Carmeille se portent sur la ligne de défense de la 9e CM. Le capitaine Voirin rejoint la section Germain. Le lieutenant Pauchet avec la 1ère section de commandement de la 3e CEFV, la pièce Viale et les hommes du service de l'approvisionnement s'installent sur la route de Treix-Puits-des-Mèzes. Le capitaine Thiery et le lieutenant David avec une partie de la section de commandement du bataillon se portent sur la route Puits-des-Mèzes42-Chaumont. Le lieutenant Poullain et l'aspirant Morlot, avec une partie de la section de commandement du bataillon et quelques hommes du II/149, s'installent en tirailleurs dans le bois Le Perron à hauteur de la cote 356 en allant vers les lisières Nord du bois, en essayant de prendre la liaison avec la 10e CM ou avec la section Germain (3e CEFV)43».


Le carnet de notes Biers détaille la résistance des hommes de Valentin aux éléments de deux régiments de la 23. ID, les IR 67 et 68 : «Vers 14 h 05 ou 14 h 10, deuxième bombardement sur la ferme (de) Fragneix. Le tir est ensuite reporté sur les lisières. Continuation du tir de minen. Une voiture blindée apparaît à l'est vers les lisières du bois et s'arrête à la corne. Le groupe de l'adjudant Laval (le plus au nord) tire, puis est pris par débordement. Déclenchement du tir des mitrailleuses de Darret. Les chefs de groupe allemands signalent les emplacements d'armes automatiques au moyen de pistolets signaleurs ; aussitôt la blindée ennemie les prend à partie au canon. La section Darret est prise à revers par les bois, (vers) 14 h 25 ou 14 h 30.

Le commandant Valentin fait placer une pièce dans le layon Nord-Sud et la sert lui-même avec l'aspirant Carmeille44 comme chargeur. Il tire vers le nord pour arrêter l'infiltration de l'ennemi venant de l'est et du nord.»

Le lieutenant Heitz confirmera que son chef de bataillon, qui lui avait demandé d'aller chercher des munitions, s'est mis «à ma place sur la mitrailleuse en lisière... A 14 h, attaque de mon point d'appui. Le commandant Valentin et moi (dételons) les chevaux... Il se remet sur la pièce. L'attaque s'est faite de front, de flanc et par la forêt. Au moment où je revenais avec des caisses de munitions, j'ai vu un Allemand avec mitraillette au poing nous arroser par derrière. J'ai crié de toutes mes forces : «Attention, nous sommes pris par derrière» et je me suis plaqué par terre.»

Selon le commandant Biers, Marcel Valentin «est mortellement atteint par une rafale de mitraillette dans la position45 (14 h 30 ou 14 h 35). La même rafale blesse l'aspirant Carmeille... Le capitaine Vitoux, un peu arrière, est atteint au bras au moment où il cherchait à passer des munitions au commandant Valentin. Le sous-lieutenant Darret est blessé à l'oreille et au menton pendant qu'il conduit les tirs de sa section, ainsi que son sous-officier adjoint, le sergent-chef Loir.» Valentin a été tué «en Saint-Cyrien, témoigne le lieutenant Heitz. Le capitaine Vitoux avait le bras sectionné, le sergent-chef et plusieurs hommes blessés. Il n'y avait que moi dans le groupe qui sortait indemne.» Vitoux sera fait chevalier de la Légion d'honneur par arrêté du 27 mai 1942.

Cité par Léo Lamarre46, le lieutenant Georges Dollet, de la CHR, écrit encore, à propos de ce drame : «Le commandant Valentin tire dans le layon, fauche des arrivants mais est assailli par des tireurs à travers les arbres. Une rafale tirée presqu'à bout portant le crible de balles. Il tombe mort avec le lieutenant Carmeille, blessé lui-même et le protège d'une mort certaine. Le capitaine Vitoux a un bras cassé.»

Lieutenant Heitz : «Il était 16 h 15. Encerclés de toutes parts, nous avons été prisonniers, à 16 h 30...» Un officier allemand reprochera aux héroïques défenseurs «d'avoir tué son meilleur officier du régiment». Le lieutenant-colonel Beaupuis se souviendra en effet d'un «magnifique sous-lieutenant (ou aspirant) tout jeune» - peut-être l'aspirant Raymond Schaeffer – qui tira avec un fusil-mitrailleur et 350 cartouches jusqu'à 16 h 10, «heure où la dernière bande tirée tuait un officier allemand et deux hommes»...


Toujours dans ce secteur boisé, les hommes du lieutenant Germain (3e CEFV) reçoivent, à 14 h, «quelques minen le long de la route du Puits-des-Mèzes et en lisière du bois. La section ouvre le feu sur des cavaliers aperçus à l'est de la ferme (de) Fragneix et assez loin, et tire au profit du PA (de la Forêt)». Après la chute de celui-ci, le point d'appui «est enveloppé et tombe vers 14 h 30. Ses FM n'ont plus de munitions...»


Valentin (Marcel-Marie), chef de bataillon à titre temporaire (Saint-Denis, Seine, 5 mars 1904 – Treix 18 juin 1940). Fils de Henri-Marie-Léon Valentin, 33 ans, lieutenant au 128e RI à Saint-Denis (mort pour la France en 1914), et de Jeanne Vincent. Saint-Cyrien (promotion 1922-1924) ; lieutenant en 1927 au sein du 106e régiment d'infanterie de Châlons-sur-Marne. «Officier supérieur d'une bravoure admirable ; couvrant, avec son bataillon, les arrières du régiment encerclé, s'est battu quatre jours et quatre nuits, du 15 au 18 juin 1940, dans la région de Chaumont, contre des forces dix fois supérieures. Recevant l'ordre, le 18 juin, de porter tous ses éléments, non directement engagés, face en arrière, en soutien des autres bataillons débordés, a dirigé avec le plus grand sang-froid cette manœuvre d'une difficulté inouïe. Attaqué à son tour dans un ultime point d'appui, a tiré lui-même à la mitrailleuse, froidement, calmement, la dernière bande de cartouches. A été tué sur sa pièce. A été cité». Nommé chevalier de la Légion d'honneur à titre posthume le 24 décembre 1941.


Treix

La compagnie Grandclerc a, on l'a vu, retrouvé dans ce village la 5e. «Vers 15 h, quinze pièces de 150 tiraient ensemble, l'ennemi entourait le village, les munitions commençaient à manquer...», rapporte le capitaine Grandclerc. Son camarade Faby complète : en fin d'après-midi, «le village est encerclé par la valeur de deux bataillons d'infanterie». Grandclerc poursuit : «Il n'y avait plus de munitions, les deux compagnies furent faites prisonnières, la compagnie perdit un homme tué ; les pertes étaient d'une quinzaine de tués dont le lieutenant Coulbeau (sic). Les deux compagnies furent emmenées en captivité à Chaumont.» Le CR tombe vers 17 h 55 («vers 17 h», selon le lieutenant Marcel Fraire, de la 2e CEFV). Pertes ennemies estimées par le capitaine Faby : huit tués et douze blessés. Selon les notes du commandant Biers, la compagnie Grandclerc déplore douze tués ou treize tués, 17 blessés, deux mitrailleuses démolies, un FM, lors des combats de la ferme des Epreuves ou à Treix.

Parmi les nombreuses victimes, la plupart appartenant à sa section, le lieutenant Coulbaux a été «tué par un obus, près d'une pièce de mitrailleuse en fin de combat, les deux jambes coupées». Les soldats Alfred Jaspart (décédé à l'hôpital de Chaumont le 21 juin) et Henri Menus sont tombés à ses côtés. C'est le même obus qui a tué, près du pylône, le soldat Maximilien Lazar (un Roumain d'origine) et le sergent-chef André Parisot. Le sergent Marcel Michot a trouvé la mort au début du combat, à 5 h.


Coulbaux (Roger), lieutenant (Reims, Marne, 29 août 1913 – Treix 18 juin 1940). Orphelin de père (tombé en 14-18) ; ordonné sous-diacre le 29 juin 1937 ; vicaire à Saint-Jean-Baptiste de la Salle (1938). Chef de section dans la 5e compagnie47. Chevalier de la Légion d'honneur le 9 décembre 1942 : «Officier splendide au feu. A donné le plus bel exemple de sang-froid et de ténacité au cours des violents combats des 16, 17 et 18 juin 1940... A fait lui-même le coup de feu et a été blessé mortellement au milieu de ses soldats...»


Les autres victimes du combat de Treix (II/149e RIF)

Delamarre (Michel) caporal Somme 1905

Devenez (Pierre) Alpes-Maritimes 1916

Dubois (Marcel) sergent Pas-de-Calais 1905 décédé 26 juin Chaumont

Ducreuzet (Camille) Meurthe-et-Moselle 1912

Jaspart (Alfred) Belgique 1910 décédé 21 juin Chaumont

Lang (André) Toul 1913

Lazar (Maximilien) Roumanie 1909

Lecluse (Lucien) Longwy 1905

Mausse (Jules) Roubaix 1909

Menus (Henri) Marne 1911

Michot (Marcel) sergent Troyes 1912

Mille (Antoine) Pas-de-Calais 1907

Parisot (André) sergent Vosges 1912


Ferme de Fragneix, Cirey-lès-Mareilles

«Les éléments de la 10e compagnie à l'extérieur de la ferme sont neutralisés... Ils manquaient de munitions. Ils se replient à l'intérieur de la ferme, au fur et à mesure de l'épuisement des moyens. Le PA tombe à 15 h 45 environ. Pertes amies : un tué sûr, Autremont (10e compagnie). Blessés : sergent-chef Arys, blessé à la main, Brunet, plusieurs hommes de la 10e CM» (notes du commandant Biers). Le corps du soldat Raymond Pilet, du 57e BMM, sera également retrouvé dans le périmètre de la ferme.


De l'autre côté de la route d'Andelot, à la 11e compagnie, vers 15 h 30, les munitions de FM étant épuisées, cinq mitrailleuses et deux FM détruits au cours du bombardement, l'affaire est terminée (la compagnie a notamment perdu l'adjudant Dubos).


En fin de journée, le III/149e RIF avait cessé d'opposer toute résistance. Seuls des éléments, d'après Léo Lamarre, ont pu échapper à la capture par le bois Perron. Les victimes du bataillon :

. commandant Marcel Valentin.

. adjudant Romain-Jules Lebleu (9e compagnie), né en 1910 dans le Nord, décédé des suites de blessures le 20 juin 1940 à Chaumont,

. adjudant Robert-Joseph-Henri Dubos (11e compagnie), né en 1904 dans le Pas-de-Calais, mort pour la France le 18 juin à Chaumont, cité en 1943,

. soldat André Autremont (10e compagnie), tué le 18 juin à Treix,

. soldat Raoul-Gaston Vandewalle (11e compagnie), né dans le Nord, mort pour la France à Darmannes,

. soldat Alfred-Charles-Louis Decouvelaere (11e compagnie), né en 1909 dans le Pas-de-Calais, mort pour la France le 18 juin 1940 à Darmannes,

. Henri Bigot, le 17 juin, à la ferme des Rieppes


«A 18 h, les PA de Mareilles et Cirey-lès-Mareilles se rendent à leur tour», note le capitaine Malaterre. A Cirey, où une mitrailleuse était postée dans le clocher de l'église (endommagé au canon, après que deux soldats allemands ont été tués), sont tombés les soldats François Briche, 34 ans, et Camille Lina48, 27 ans, du 149e.

C'est à Fragneix que Beaupuis49 tombe aux mains de l'ennemi qui, sous la plume du général Loch, commandant la 17. ID, commente ainsi la résistance du groupement : «Les Français se sont défendus avec vaillance même lorsqu'il n'y avait plus aucune issue pour eux...»

De sources allemandes, les pertes françaises s'élèvent à 2 559 prisonniers50. Le groupement Beaupuis – fantassins, mitrailleurs, artilleurs - accuse la perte d'au moins 66 tués ou blessés mortellement (onze sont décédés à l'hôpital)51, une centaine de blessés. Il y aurait au moins 25 tués et 60 blessés côté allemand. Dans le secteur des combats du groupement Beaupuis, 47 tombes allemandes seront identifiées, dont douze à Treix, treize à Andelot, sept à Rimaucourt, cinq à Darmannes, deux à Cirey-lès-Mareilles (Heinz Trosfeld et Dietrich Hedden, appartenant à l'IR 24)... Le 18 juin 1940, la 5e batterie Flak 59 (5/Flak 59) du II/Flak-regiment a perdu cinq tués dont un officier, le leutnant Werner Scharfschmidt52, quatorze blessés dont trois officiers, entre Andelot et Cirey. L'étude du général Arnould mentionne, à la date du 17 juin, à la 21. ID, la mort du leutenant Weyer et de l'oberleutnant Kinvandt, de l'IR 3, la blessure de l'oberleutnant von Kiersel (IR 3) et du leutnant Otting (Panzerjäger-Abteilung 21) ; le 18 juin, la blessure du leutnant Artmann (IR 24) et de 43 hommes, la mort de huit sous-officiers ou soldats...


Nombreux blessés

Le carnet de notes du commandant Biers et les citations accordées aux combattants donnent de nombreux noms de blessés parmi les hommes des II et III/149e RIF. Citons, parmi eux : Georges Amaury, caporal Boehm, Joseph Caron, sergent-chef Deblir, Emile Désenclos, Henri Eche, Georges Fillioux, Jean Hardy, Félix Hiblot (un ancien légionnaire), Cyril Herlevelde, Paul Huguenin («un bras coupé, deux mains déchiquetées, jambe atteinte à deux endroits»), Alfred Lacaille, sergent Guy Le Bailly, caporal René Le Calvé, Leparmentier, sergent-chef Paul Lepolard, sergent-chef Lucien Opfermann, caporal Eugène Ouselin (amputé de la cuisse droite), Prévoteau, Gaston Sayersché («grièvement blessé à Darmannes en allant voir si un guetteur était à son poste»), René Schramm, Louis Touret, Paul Vivien, Jean Wattier... Dans son rapport, le commandant Biers évalue les pertes de son bataillon à 35 tués, douze disparus et 40 blessés.















































1Ce jour-là était également retrouvé, au Val de Villiers, le corps d'un nommé Carmin, tirailleur originaire d'Algérie.

2Miserey, commandant d'un groupement.

3Rapport du lieutenant-colonel Beaupuis, dossier GR 34 N 146 (SHD). C'est ce document qui inspirera l'article de Félicien Faillet, «Un épisode extraordinaire des combats de 1940», paru dans L'Illustration le 19 juillet 1941. Article publié également dans La Tribune de l'Aube du 25 juillet 1941.

4Vial précise que le préfet et M. Larcher, qui l'accompagnait, «se retiraient à Arc-en-Barrois».

5Claude-Edgard-Marie Marec, Breton d'origine, est un Saint-Cyrien, promotion de Montmirail (1912-1914). Affecté au 110e RI, il est blessé à Charleroi (Belgique) en 1914 et fait prisonnier. Capitaine au 23e RI, il est mis à disposition du commandant supérieur des troupes du Maroc et Levant (1927). Passé au 159e RI, Marec totalise 17 ans de services, neuf campagnes, une blessure lorsqu'il est fait chevalier de la Légion d'honneur (1930). Avant de rejoindre le 57e BMM, il servait au 131e RI.

6Lors de son passage dans les Vosges, le bataillon a été mitraillé par l'aviation allemande vers 11 h, après Neufchâteau. Selon le commandant Marec, quatre soldats ont été tués (dont le sergent Max Milliat Carus et le caporal Alfred Boucher, inhumés à Noncourt, dans les Vosges), neuf blessés. Ce témoignage, comme celui de dizaines de combattants du groupement Beaupuis, a été recueilli par Olivier de Boissoudy, un enseignant originaire d'Andelot qui a travaillé de longues années sur ces opérations (ainsi que sur celles de septembre 1944). Il s'agit là d'une masse exceptionnelle de documents très précieux pour la connaissance de ces opérations, et nous sommes reconnaissant envers M. de Boissoudy de nous avoir autorisé à consulter ses archives.

7Etat-major du bataillon : capitaine Français, lieutenant Marc Vinet (pionniers), lieutenant Gavault (section de transmissions), lieutenant Hubert Gignoux (officier de renseignements), lieutenant Bourdeleix (adjoint), lieutenant Sogon (officier des détails), sous-lieutenant Greiner (peloton motocycliste).

8Commune de Darmannes.

9CHR : lieutenant ou capitaine Fricheteau, lieutenant Delaleu (officier d'approvisionnement). CM 1 : capitaine Gérard Secher, lieutenant G. Dalgues, lieutenant Colleau, aspirant Gaston Lefrançois, sous-lieutenant André Pigeau. CM 2 : capitaine Georges Fauvel, lieutenant Cuenot. lieutenant Pierre Louvet, lieutenant Roger Villette. CM 3 : lieutenant René Desrues, lieutenant Leboeuf, lieutenant Michaut. CE : capitaine de Mathan, lieutenant Richard, lieutenant André Joliveau (capturé le 15 juin 1940 à Riaucourt), sous-lieutenant Laudet, sous-lieutenant Debenne.

10Ecart de Bologne.

11Schützen-Regiment.

12Ce régiment était commandé par le lieutenant-colonel Georges Dubreuil, ses trois bataillons par les commandants Gilbert Steiner, Joseph Louradour et Gilles Ollen. Au 13 juin 1940, ses compagnies étaient stationnées à Combles-en-Barrois, Sommelonne, en forêt de Morley, à Longeville-en-Barrois, Eurville, Rachecourt-sur-Marne (où a été tué dans un bombardement, le 13 juin 1940, le soldat Ignace Cardinal, non recensé par le ministère des Armées), Vecqueville. Le lendemain, il a reçu l'ordre de se porter sur Gray (Haute-Saône). Des éléments se battront également, isolément, à Germisay (12e compagnie), à Langres (4e compagnie du capitaine Max Gervais, qui participait à la défense de la citadelle)...

13Compte-rendu communiqué par Lionel Dupontreué (il est également conservé par le SHD).

14Né dans le Cher en 1891, Vrinat a été cité à l'ordre de la division en 1942 : «Chef de l'état-major du régiment, a été chargé le 15 juin 1940, au nord de Chaumont, de reconnaître un terrain sillonné par des blindés ennemis et où devait s'engager un des bataillons du régiment. A accompli sa mission avec succès, échappant difficilement à l'adversaire. Le 17 juin, a commandé une partie du front violemment attaqué et a maintenu ses positions malgré des pertes sévères».

15Document communiqué par Thierry Perardel, petit-fils d'un combattant du groupement Beaupuis.

16La CHR du bataillon est commandée par le capitaine Lebrun.

17Don de Michel Guyot, de Rimaucourt.

18Selon le journal de marche de la CM 1 (archives Olivier de Boissoudy), le sous-lieutenant André Pigeau a été grièvement blessé à Bologne. La compagnie déplore également la mort de Henri Beauvallet, les graves blessures des soldats Perrault et Bourderioux, la disparition du caporal Désiré Piedalu (il est en fait décédé). Le lendemain, le lieutenant Dalgues et le soldat Richome seront capturés lors d'une reconnaissance.

19Seront par ailleurs cités, en 1942, le caporal Alfred Boucher et le soldat mitrailleur Fernand Gaillard, tués le 14 juin lors du bombardement de leur colonne sur la route Neufchâteau – Andelot, ainsi que le soldat Georges Doisne, tué aux Bois-Brûlés le 17 juin. Le caporal La Grance et le soldat Marcel Morin, blessés à Neufchâteau mais ayant continué le combat, le soldat Henri Tellier, blessé le 17 juin à Darmannes (ou le 15 juin à Riaucourt selon le Journal officiel), seront proposés pour une citation par le commandant Marec.

20Le maire évoque également la mort d'un civil.

21Son corps ne sera retrouvé que le 3 octobre 1940, «sous bois, en flanc de coteau, à 800 m et au sud du pays» (dossier 15 W 74, ADHM).

22Au général Brusseaux. Don de Michel Guyot, de Rimaucourt.

23Chevalier de la Légion d'honneur par arrêté du 8 mai 1944 (à compter du 25 décembre 1943), il décède chef d'escadron de réserve le 23 novembre 1957. Il était directeur adjoint de la Caisse d'épargne d'Epernay, en 1936.

24Archives Olivier de Boissoudy.

25Le Ier groupe du régiment était commandé par le chef d'escadron Marie-Lucien Wenzinger, mort des suites de ses blessures le 17 juin 1940 à l'hôpital mixte de Chaumont. Deux autres officiers du régiment, le jeune aspirant Jacques Lefaucheux (groupe Wenzinger), mortellement blessé à la même date dans la région de Jussey (Haute-Saône), et le sous-lieutenant Walter Iriva (classe 1936, recrutement de Thionville, état-major), touché le 17 juin à Raincourt, succombent le même jour à l'hôpital chaumontais. Y décède également le maréchal des logis Jean Poiret, de la 1ère batterie, décédé le 26 juin.

26 Quatre soldats français ont été inhumés dans le village. Outre Thévenet, il s'agit de Jean Muller et Raymond Coltat, motocyclistes de la compagnie de commandement du 149e RIF, «enterrés provisoirement dans un jardin», et Fernand Legay. Le maréchal des logis d'artillerie Tréfier se distingue durant ces combats.

27Archives Olivier de Boissoudy. Ce rapport a été rédigé depuis l'Oflag VI A le 28 avril 1943.

28Louis Huck, né à Schiltigheim en 1909, et Marcel Piquet, 26 ans, de Saint-Nazaire, sont tués ce jour-là à Andelot (le second à Morteau), où décède accidentellement Jean Lafontaine, originaire de Briey. Ils appartenaient au 149e RIF (mais Piquet, selon le ministère des Armées, servait plutôt au 16e bataillon d'infanterie légère).

29 Selon le sous-lieutenant Roland Chevreux, c'est un canon de la 1ère CEFV qui a tiré sur la voiture allemande. Il était servi par le caporal-chef Jean Dollet.

30Toutes les précisions concernant l'armée allemande proviennent de l'inestimable étude publiée dans le «Bulletin trimestriel de l'association des amis de l'Ecole supérieure de guerre» (1977) et écrite par le général P. Renauld, «Le 149e RIF à Andelot (juin 1940)».

31La veille.

32Adjudant, chef de section de la 2e CEFV.

33L'adjudant Romain Lebleu, décédé quelques jours plus tard à l'hôpital de Chaumont, sera cité à l'ordre de l'armée en 1943 : «Sous-officier de valeur, pénétré du sentiment du devoir, énergique, calme, résolu. Adjoint au commandant d'un point d'appui a, pendant trois jours, fait preuve du plus grand mépris du danger. S'est conduit brillamment au cours de l'attaque ennemie du 18 juin 1940, en forêt de Chaumont...»

34Selon le témoignage du lieutenant Louvet (fonds Olivier de Boissoudy), la 2e section de la CM 2 a perdu, en blessés, à Chantraines, le sergent Salaun, les soldats Lefaucheux, Guilbert, Dallem et Auger (mort des suites de ses blessures).

35Rapport du commandant Marec (fonds Olivier de Boissoudy) : «Les éléments des 1ère et 3e compagnies de mitrailleuses qui se trouvent encore dans les parties Nord et Ouest des bois Brûlés, privés de munitions et complètement isolés, tentent de franchir la Marne aux abords de Viéville dans la nuit du 18 au 19 juin et de gagner les forêts du Marchat et de l'Etoile. Ils ne peuvent passer la Marne.»

36Du 13 au 18 juin 1940, les pertes du bataillon sont de onze tués (dont huit de la CM 3), 23 blessés (dont dix de la CM 3), 146 disparus et 855 prisonniers (fonds Olivier de Boissoudy).

37En fait près de Brethenay. Quant à la mort du soldat Lallemand, elle n'est pas confirmée par le ministère des Armées.

38Les éléments du régiment déplorent au moins deux tués et trois blessés (dont le maréchal des logis Nassoy), ainsi que 123 prisonniers.

39Général P. Arnould.

40 Plus de précisions sur les combats d'Andelot dans l'ouvrage «Andelot dans la tourmente 1940-1944» écrit par Jérémy Gérard.

41Communication de Thierry Perardel.

42 «La section Boissel, détachée au Puits-des-Mèzes depuis le 16 juin dans l'après-midi, remplit sa mission jusqu'au 18 juin vers 13 h, heure à laquelle elle se trouve encerclée à la suite d'infiltrations ennemies dans les bois environnants. L'adjudant Boissel tente de se dégager de la pression ennemie. Il disparaît au cours de cette opération et les différents groupes de cette unité tombent aux mains de l'ennemi» (rapport du capitaine Thiery).

43Lieutenant Charles Germain, lieutenant René Pauchet, capitaine Georges Thiery (adjoint), lieutenant Henri David, lieutenant Bernard Poullain, aspirant René Morlot.

44 L'aspirant Marcel Carmeille, Parisien de 34 ans, adjudant jusqu'au 1er mai 1940, était l'adjoint du lieutenant Pierre Wurtz (CHR, capitaine Marcel Lietard). Son PA, constitué d'une section de fusiliers-voltigeurs et d'un canon de 25, et où il a accueilli un légionnaire égaré, était positionné à la lisière Ouest du bois, donc avec vue sur la ferme.

45Valentin a été tué non loin de l'intersection entre les routes Treix-Le Puits-des-Mèzes et Chaumont-Le Puits-des-Mèzes, quelques centaines de mètres après la ferme de Fragneix, à gauche dans le bois.

46«Un épisode de la Seconde Guerre mondiale en Haute-Marne, les combats de juin 1940 entre Marne et Rognon», 1983.

47Coulbaux commandait la 2e section. Secondé par le sergent Marcel Michot, il avait pour chefs de groupe les sergents Maurice Dubois et Maurice Torcol. Tous les tués du bataillon à Treix appartenaient aux groupes Dubois et Torcol. L'adjudant-chef Clément Faget commandait la 1ère section.

48 Il aurait été tué après avoir été fait prisonnier.

49 Après le départ du colonel de la ferme Esprit (Darmannes), les lieutenants Dollet et Manuel se sont aperçus que le drapeau du régiment y avait été laissé. Ils l'ont alors dissimulé dans les tuyaux de la cuisinière. Retrouvé par les propriétaires, il sera caché, puis glissé par l'abbé Louis Desprez sous une dalle de la basilique de Chaumont. Le lieutenant-colonel Beaupuis le récupérera en 1942.

50Parmi les prisonniers du régiment : le capitaine André Mouqueret, 37 ans, le lieutenant Joseph Lataillade, 39 ans.

51 Des sources du 149e RIF évoquent également la mort des soldats Bergerat, Brenère, Drouillet, Falaise, Lallemand, ce que ne confirme pas le ministère des Armées.

52 La croix qui surmontait sa sépulture est visible au Mémorial de Caen.

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