mercredi 9 avril 2025

Les Russes dans la Résistance en Haute-Marne, 1943-1944


  Evgeniy Belousov, combattant du maquis Max. 


  Quand on évoque la présence de soldats russes en Haute-Marne sous l'Occupation, on pense davantage aux crimes de guerre commis par les cosaques du Freiwilligen-Stamm-Regiment 5, caserné à Chaumont et Langres de février à août 1944, ou par les hommes de l'Ost-Bataillon 615. Sans avoir atteint le niveau d'importance d'effectifs constaté dans les départements voisins comme la Meuse, la Haute-Saône ou la Côte-d'Or, des militaires de l'Armée rouge ont cependant rejoint les rangs de la Résistance haut-marnaise. Ils étaient peu nombreux, certes - il n'y avait que 20 adhérents de la Main d'oeuvre immigrée, en Haute-Marne, en juin 1944 -, mais ils étaient, pour une partie d'entre eux, membres d'une célèbre unité de partisans, le détachement Stalingrad. 

Groupe Rostov

    L'histoire des Russes (et Ukrainiens) du groupe Rostov (FTP de la Haute-Marne) est surtout connue grâce à un article, "Un maquisard nommé Michel", rédigé par Gueorgui Bogdanowski (publication inconnue). L'auteur s'appuie sur les notes et le témoignage du seul survivant du groupe : Vsévolod Medvedev. L'article nous apprend que Medvedev était originaire de Krasnoïarsk (Sibérie) et qu'il a été blessé et fait prisonnier par les Allemands en juin 1941 près de Viazma. Emmené en captivité à Mühlberg (Saxe), il a été affecté comme manoeuvre dans une mine. Où ? Ce soldat de l'Armée rouge ne le précise pas, mais il s'agit vraisemblablement d'un site en Lorraine.

    Le 6 juillet 1943, Vsévolod Medvedev s'évade avec deux autres prisonniers, Alexandre Protassov et Sergueï Ostrooumov. Tous trois mettent le cap au sud. Ils franchissent un canal - sans doute de la Marne au Rhin - et arrivent le 8 juillet à Damrémont, près de Bourbonne-les-Bains - ce court délai entre l'évasion et l'arrivée en Haute-Marne montre que la mine n'était pas si éloignée. Là, ils font la connaissance de Piotr Tkachenko, déjà présent dans le département et qui se joint à eux.

    Les quatre Russes sont bientôt en relation avec des résistants locaux. Vsévolod Medvedev se souvient surtout d'Alice Goustiaux, garde-barrière SNCF à Neuvelle-lès-Voisey, et de sa fille Jacqueline, agent de liaison du groupe Rostov. Ce groupe FTP, qui appartient au détachement Perlinski, compagnie Patrie, est composé des frères Renaud et de Raymond Liegey, tous originaires de Melay.

    "Un soir, témoigne Medvedev, nous transportions par relais une imprimerie clandestine de L'Humanité en direction de Dijon. [...] En accompagnant le groupe de Jacqueline [Goustiaux], nous tombâmes sur des motards allemands et faillîmes y rester."

    Avant le rattachement - pour trois d'entre eux, non immatriculés - au groupe Rostov, ces quatre hommes auraient été placés par Paul Carteron (Max) dans le maquis qu'il a créé dans le bois des Epinaies, près de Varennes-sur-Amance. Puis, après le 29 septembre 1943, jour où Carteron échappe à l'arrestation et où un de ses hommes est tué à Coiffy-le-Haut, ils sont cachés au hameau des Granges-du-Val. 

    Le petit groupe soviétique perd un premier membre rapidement. Selon Medvedev, connu des résistants haut-marnais sous le nom de Michel, Ostrooumov aurait été tué dès le 29 octobre 1943 et enterré à "Jouy [sic]". Nous n'avons pas retrouvé trace ni de la date exacte de son décès ni du lieu d'inhumation de cet homme. 

    Ils ne sont plus que trois lorsqu'ils sont confiés à d'autres patriotes : chez Jean Barrière, de Damrémont, "pendant une semaine", puis chez André Henriot, de Neuvelle-lès-Voisey, "pendant trois mois" à partir de "décembre 1943".

    L'existence du trio est brève. C'est ce qu'explique Vsévolod Medvedec, qui commet toutefois des erreurs dans la chronologie. Ainsi, il situe la mort de Protassov à la date du 17 février 1944, alors qu'il s'agit du 17 janvier 1944. Protassov est ce lieutenant russe évoqué par des habitants et qui, cerné par une quinzaine d'Allemands dans la maison du passage à niveau n°1 à Voisey, s'est donné la mort en se tirant une balle dans la tempe. Il est inhumé à Jussey (Haute-Saône). Puis, le 15 février 1944, c'est le corps de Piotr Tkachenko, originaire de Melitopol (Ukraine), qui est découvert, toujours sur le territoire de Voisey, et lui aussi mort suicidé. 

    Medvedev reste donc le seul survivant. Il participe aux combats de la Résistance jusqu'en septembre 1944, citant des accrochages dans les localités de Jonvelle, Larivière-sur-Amance, Arnancourt, Genrupt. 

     A noter qu'entretemps, Medvedev, Protassov et Tkachenko avaient participé, avec deux Français du groupe Rostov, à des opérations de réquisition : du tabac à Voisey le 15 décembre 1943, des cartes d'alimentation à Melay le 29 décembre. C'est la gendarmerie française qui devait, au lendemain d'une autre opération de réquisition à Fresnes-sur-Apance, arrêter les frères Renaud et Liegey, entre le 17 et le 20 janvier 1944 - trois seront fusillés le 4 juillet 1944 à Châlons-sur-Marne, le quatrième mourra en déportation.

    Lettre d'Alice Goustiaux en poche - "Michel, tu nous as laissé ta contribution sacrée, tes amis morts : Serguei, Alexandre, Piotr. Ils sont aussi mes amis. Crois moi, ils ne seront pas oubliés" -,  Medvedev se rend à Paris puis reçoit la mission de former "une unité de 735 hommes", "sur accord entre les commandements soviétique et américain", qui va prendre part à la Campagne d'Allemagne et terminer la guerre à Francfort-sur-le-Main.

    Selon Gueorgui Bogdanovski, Vsévolod Medvedev est rentré en Russie le 25 juillet 1945 et, après avoir repris ses études, serait devenu professeur de l'Institut polytechnique de Krasnoïarsk. 

Le détachement Stalingrad

    Ce détachement est un des plus célèbres de la Résistance soviétique en France. Il a été mis sur pied en janvier 1944 près de Loison (Meuse), sous les ordres du lieutenant Gueorgui Ponomarev (Georges). Le détachement Stalingrad a d'abord opéré aux confins de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, comme groupe Main d'oeuvre immigrée (MOI) de l'interrégion 21 des FTPF. 

    Dès 2007 (Résistance, répression, libération en Haute-Marne, L. FONTAINE, A. GROSSETETE, M.-Cl. SIMONNET, éditions Dominique-Guéniot), nous écrivions que Stalingrad correspondait au groupe russe du lieutenant Georges combattant avec le camp Z1-SA, ou camp de Saint-Blin, commandé par Auguste Rouot (Siroco). 

    Cette unité russe est effectivement citée à plusieurs reprises dans le "Relevé d'activité du camp Z1 SA depuis la formation, à la dissolution" : 

    "26 août 1944. Reconnaissance par les FFI sur le territoire d'Ecot-Romain-Ozières. Effectif ayant participé à l'opération : 15 hommes. Chef de patrouille : Siroco, lieutenant Georges (URSS). Résultat : groupes allemands nombreux repérés, obligeant la patrouille à décrocher rapidement. 

    27 août 1944. Reconnaissance d'une colonne allemande de canons [anti-chars] entre Chalvraines et Romain (30 véhicules environ). Résultat : désorganisation de la colonne. Moyens employés : grenades et FM ; les Allemands ramassent immédiatement leurs morts et blessés. Effectifs : 24 hommes. Chef : Siroco, lieutenant Georges. Hommes s'étant particulièrement distingués au cours de cette journée : Hasani [Mohamed Azni] et l'équipe russe (groupe Stalingrad sous commandement du lieutenant Georges). Repli par le bois des Mailles sur [la ferme de] Saint-Hubert. [...]

    29 août 1944 : le camp Z1 SA à l'effectif de 95 hommes quitte la ferme de Saint-Hubert par mesure de sécurité pour se rendre à la ferme abandonnée de Remonvaux (commune de Liffol-le-Petit) [...] Chef de détachement : lieutenant Georges. [...]

    31 août 1944. Reconnaissance FFI sans armes ni brassards sur Donjeux, voit environ 200 SS motorisés. Résultat : demande de papiers, interrogatoire et fouille des FFI. Effectif engagé : 3 hommes et sous commandement du gradé Marquis (Russe) [...]" 

    Aux côtés du camp FFI, le groupe Stalingrad se distingue encore le 1er septembre 1944, jour de l'arrivée de troupes de cavalerie américaine à Saint-Blin. Puis, le 4 septembre 1944, "par ordre du capitaine attaché au QG des forces alliées stationnées à Leurville, après entente avec le chef de camp, les effectifs russes et espagnols du camp sont dirigés sur Rozières-Tollaincourt pour recherche de renseignements". Après ce départ pour les Vosges, il n'est plus question du détachement dans le secteur de Saint-Blin, Bourmont.

    Ajoutons que ce sont vraisemblablement des hommes de Stalingrad qui, le 8 août 1944, blessent mortellement un soldat allemand sur la voie ferrée à Merrey. C'est ce que confirme Vladimir Kotchetkov dans sa minutieuse étude sur le Détachement Stalingrad en Lorraine, parue en deux tomes en 2024 et 2025. 

Ceux du maquis Max 

    Né en 1923, Evgeniy Belousov a été fait prisonnier en juillet 1943 sur le front Est, c'est-à-dire au moment où ses compatriotes Medvedev, Protassov et Ostrooumov s'évadaient de Lorraine. Interné dans un camp en Pologne, Belousov s'évade en juillet 1944 en France. Il est incorporé officiellement le 29 août 1944 dans le maquis Max, le maquis d'Auberive commandé par Paul Carteron. Il se souvient de la présence de quatre compatriotes dans ce maquis : Alexandre Chepotanow, Viktor, Vladimir et Yurii. De son côté, le registre du maquis fait état de Chepotanow, Dzinig, Serge Chouchkine, Nicolas et Totor (?) Dynojssukul (orthographes incertaines). Evgeniy Belousov est rapatrié en URSS le 21 juin 1945 avant de connaître les affres du goulag. Au début des années 2010, il entrait en contact avec Le Journal de la Haute-Marne pour retrouver des Français ayant pu le connaître. A noter que son compatriote Chepotanow s'est fixé en Haute-Marne où il s'est marié.

Ceux du maquis Charles (Varennes)

    Selon le registre des FFI de la Haute-Marne, le maquis Charles compte dans ses rangs 20 Russes dont un certain colonel Nicolas - distinct d'Ivan Scripay présent en Côte-d'Or - et le lieutenant Kousnetzof. Le journal de marche du camp évoque à plusieurs reprises les activités d'un "groupe de Russes", essentiellement des embuscades sur la RN 19 entre Langres et Vesoul (le 3 septembre 1944 près de Rosoy-sur-Amance, le 4 septembre, le 6 septembre près de Rougeux...).

    Le journal signale en particulier une embuscade sur la route 16 dans la côte Chanion sous les ordres de Pierre Francoville, le 11 septembre 1944 (trois voitures détruites, au moins un tué côté allemand). Le 12 septembre, "le groupe russe en embuscade au-dessus de Chanion tue sept Allemands et fait neuf prisonniers, mais se fait accrocher au retour au bas de Varennes : trois blessés dont un Français". 

Ceux du maquis Mauguet

    Unité créée par le Front national dans le nord de la Haute-Marne, le maquis Mauguet comptait, fin août 1944, une 4e section dite "des étrangers". Elle était commandée conjointement par Mario Fruet, d'origine italienne, et Leonid Lachkov (Léon). Ce dernier est né en 1922 en Russie. Dans un article paru en 1968, "Un franc-tireur russe" (in Etudes soviétiques), Guennadi Netchaev a raconté son histoire. Lachkov était étudiant lorsqu'il a été incorporé dans l'Armée rouge. Fait prisonnier près de Volkhov, il est conduit en Lorraine au printemps 1943 puis affecté à des travaux, d'abord près de Metz, puis à Saint-Dizier en juillet 1943. Lachkov faisait sans doute partie de ce groupe de 40 prisonniers soviétiques arrivé dans la cité bragarde le 9 juillet 1943 et logé à l'école Gambetta. Après un séjour dans la région de Verdun, le jeune soldat s'évade le 11 décembre 1943 alors qu'il se trouve dans la Marne.

    Par l'intermédiaire d'un Russe établi en France, Alexandre Petrov, il entre en contact avec le FN de Saint-Dizier et intègre le maquis Mauguet le 7 juillet 1944 avec quatre camarades. Selon Guennadi Netchaev, ils seraient au total 17 Russes dans cette unité. Sont cités les noms de Mikhail Stepanov, Ivan Sementsov, Nikolai Vassiliev, Semion Salamatov, Pavel Matveev, Nikolai Sazonov, Ivan Kostenko, Edouard Koritko...

    Vraisemblablement le 28 août 1944 plutôt que le 29, la section commandée par Léon traversait la route nationale 4 pour rejoindre le gros du maquis dans les bois des réserves d'Ancerville lorsqu'elle accroche un convoi ennemi à hauteur d'Aulnois-en-Perthois (Meuse). Six FTP sont tués, dont Koritko et Kostenko ainsi que deux Polonais. Le maquis prendra part ensuite au rude combat de Chancenay. Rentré en URSS, marié, Léonid Lachkov résidait en Estonie, en 1968.

Ceux des autres maquis

    Le registre du maquis Gérard, créé à Courcelles-sur-Aujon, mentionne la présence de Stephan Chenlio, Yvan Czuko, Michel Grabowski, Alexandre Kotakow et Alexandre Lokatow (s'agit-il d'une seule et même personne ?). Cinq Russes faits prisonniers par les FFI auraient également rejoint le maquis Duguesclin, à Giey-sur-Aujon. Notons encore quatre pseudonymes de combattants du groupe de Cirey-sur-Blaise suggérant une origine russe (Serge et Nicolas).

Sources complémentaires : relevé d'opérations du camp Z1 SA, archives du club Mémoires 52 ; série 342 W, AD 52 ; série 1623 W, AD 52 ; série 163 MM (W), AD 51 ; archives collectives des FFI de Haute-Marne, GR 19 P 52/1, SHD.

Bibliographie : Claude COLLIN, L'Eté des partisans, Presses universitaires de Nancy, 1992 ; Vladimir KOTCHETKOV, Détachement Stalingrad en Lorraine (deux tomes), 2024-2025 ; Lionel FONTAINE, Des Hommes, Le Pythagore/Liralest, 2023 ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52, 2022.

dimanche 30 mars 2025

La répression en Haute-Marne : arrestations, déportations, exécutions (1942)


Jean Mureau (1919-1945). Collection club Mémoires 52.

 Nombre de Haut-Marnais déportés en 1942, confirmés par la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) et le Mémorial de la Shoah : 70

Nombre de Haut-Marnais déportés en 1942, non recensés par la FMD : 5

Total des déportés en 1942 : 75

Nombre de personnes arrêtées en Haute-Marne en 1942 : au moins 110, dont Hartwing Goldschmidt et Moses Sturm (le 19 mars 1942 en gare de Joinville), déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz. 

Nombre de fusillés en 1942 : 1 (Alexis Valadon).


Notices biographiques 

Déportés nés en Haute-Marne (par date de déportation) : 32

HOURDILLIAT Georges (Saint-Dizier 7 décembre 1903 - 1979). Né au lieu-dit La Forge Neuve. Marié en 1925 à Saint-Denis (Seine). Déporté le 23 février 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Siegburg. Rentré en 1945.

ROBERT Maurice (Wassy 4 juin 1894 - 1948). Fils de boulanger. Prêtre à Epron (Calvados), fonde une institution en 1928. Arrêté en novembre 1941. Déporté le 23 février 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Hameln. Rentré en 1945. Décédé trois ans plus tard à Epron. 

VITREY Jules (Bourbonne-les-Bains 15 novembre 1902). Déporté le 2 juillet 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Siegburg. 

BEDET Louis, CABARTIER Auguste, COLLAS Adrien, COLLIGNON Robert, COLLIN Georges, DEMERLE Pierre, DUBOIS Camille, DUFAYS Alfred, DUSSELIER Louis, GENTIL Edmond, MARIVET Jean, MIGEOT Charles, MOUGEOT Paul, MUEL Louis, QUENARDEL Marc, ROUSSEL Maurice, THIERY Louis, THOMAS Yves : militants communistes déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz. Des notices détaillées sont à lire sur le site Mémoires Vives. 

ISAKOW Paulette (Chaumont 25 novembre 1925 - Auschwitz 1942). Domiciliée à Tours (Indre-et-Loire), elle est déportée en juillet 1942 à Auschwitz. Elle y décède, tout comme sa mère. 

COLLIN Marie-Emile (Joinville 26 juin 1906 - 1945). Menuisier, il est arrêté le 8 septembre 1941 à Poissons pour détention d'arme. Déporté le 3 août 1942 à Fribourg, Augsbourg, Kaisheim, Landsberg. Libéré le 27 avril 1945. Décédé quelques semaines plus tard, le 24 juin 1945, à Lyon.

LEOTIER André (Chaumont 25 mars 1911 - 1986). Manoeuvre, domicilié avenue des Etats-Unis, à Chaumont. Employé dans un service allemand dit de La Concentration, rue Decomble à Chaumont. Arrêté le 29 janvier 1942 sur son lieu de travail avec Chrétien Mohr pour "sabotage, propagande anti-allemande". Transféré le 28 mars 1942 à Clairvaux. Déporté le 3 août 1942 à Fribourg, Wolfenbuttel. Rentré le 5 mai 1945. Décédé à Chaumont. Source principale : 30 U 1, AD 21.

MARTIN Jean (Montier-en-Der 11 août 1921 - 1982). Domicilié à Marault, il est arrêté le 24 décembre 1941 par la brigade de gendarmerie de Vignory pour vol et détention d'armes (un mousqueton, un pistolet et deux bandes de mitrailleuses). Déporté le 3 août 1942 à Neuoffingen. Rentré le 11 mai 1945. Décédé à Saint-Dizier. Non recensé par la FMD. Sources : fonds Marcel Henriot et 342 W 302, AD 52.

GARNIER Camille (Bologne 5 novembre 1905 - 1974). Domicilié à Riaucourt, il est arrêté avec son frère dans le village le 20 août 1941 par la feldgendarmerie puis emprisonné à Chaumont. "Le lendemain, j'ai subi un interrogatoire tendant à me faire avouer être l'auteur d'un vol de 17 lg de poudre de dynamite et la détention à mon domicile d'armes à feu. Ces armes ayant été trouvées à mon domicile, j'ai dû avouer". Interné pendant six mois à Clairvaux, puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 12 mars 1942, il est déporté le 5 août 1942 en direction de la forteresse de Landsberg, puis à Neuoffingen. Rentré le 12 juin 1945. Décédé à Chaumont. Non recensé par la FMD. Source : 1623 W, AD 51. 

GERARD Eugène (Saint-Dizier 5 septembre 1914 - 1973). Marié, père d'un enfant. Domicilié à Saint-Dizier, 28, rue de l'Abattoir. Travaille avant guerre comme monteur sur métaux à la Haut-Marnaise de Joinville. Caporal au 21e régiment d'infanterie, il est blessé durant la Campagne de France (à l'oeil droit et au côté gauche). Fait prisonnier, réformé par les autorités militaires allemande et française et libéré. Employé comme bûcheron à Frampas, il est arrêté le 16 décembre 1941 par la Feldgendarmerie (dénoncé par un collègue, il était possesseur d'un revolver à barillet et de douze cartouches). Incarcéré le 2 février 1942 à la maison d'arrêt du Val-Barizien à Chaumont. Transféré le 5 février 1942 à la centrale de Clairvaux. Déporté à Neuoffingen en août 1942 (le 3, le 6 ou le 8 selon les sources). Libéré le 20 avril 1945. Décédé à Saint-Dizier. Non recensé par la FMD. Sources : 1623 W 18, 1571 W 40 et 342 W 302, AD 52.

KLEJMAN Jacqueline (Saint-Dizier 18 juillet 1937 - Auschwitz 1942). Arrêtée en juillet 1942 dans le 12e arrondissement de Paris. Déportée le 28 août 1942 de Drancy à Auschwitz, où elle décède à l'âge de 5 ans. 

FUSSINGER Jean (Vecqueville 18 juillet 1923). Domicilié à Commercy (Meuse), il est arrêté entre le 11 et le 13 septembre 1942 avec neuf autres habitants de la commune pour détention d'armes. Déporté le 5 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Emprisonné à Diez/Lahn, Breslau, Schweidnitz, Hirschberg. Libéré le 8 mai 1945.

FUSSINGER Louis (Vecqueville 27 décembre 1924). Frère du précédent. Domicilié à Commercy (Meuse), il est arrêté entre le 11 et le 13 septembre 1942 avec neuf autres habitants de la commune pour détention d'armes. Déporté le 5 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Emprisonné à Diez/Lahn, Breslau, Schweidnitz, Hirschberg. Libéré le 8 mai 1945.

DEMESY Emile (Louvemont 30 juillet 1904 - Sonneberg, Allemagne, 30 janvier 1944). Fils d'ouvrier mineur. Marié, ouvrier à l'Imprimerie nationale, domicilié à Villiers-sur-Marne, en région parisienne. Arrêté le 13 août 1942 selon l'Institut CGT d'histoire sociale du livre parisien. Son épouse, son frère Georges (fusillé), son neveu Gaston Béraut (fusillé) sont arrêtés avec lui. Déporté le 9 novembre 1942 à Karlsruhe, Sonneberg. Il ne revient pas de déportation. Plus de détails sur sa vie dans le dictionnaire Maitron. 

ROYER Germain (Laferté-sur-Aube 15 avril 1902 - Brieg, Allemagne, 19 décembre 1944). Elève mécanicien au dépôt SNCF de Troyes. Marié, domicilié à Troyes. Il est arrêté sur dénonciation le 9 juillet 1942 à Troyes pour "menées communistes". Ecroué à la maison d'arrêt de Troyes jusqu'au 1er octobre 1942. Déporté le 12 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Assassiné "par le docteur SS boche, à Brieg, le 20 décembre 1944", selon son camarade Georges Pontet. "Il est mort courageusement en attendant sa piqûre", ajoute ce détenu. 


Déportés domiciliés en Haute-Marne (par date de déportation) : 44

FRYDEL Henri (Bourbonne), HERZ Isaac (Bourbonne), MAKOWSKI Benjamin (Bourbonne), SIMON Samuel (Montigny-le-Roi) : déportés juifs du 27 mars 1942 à Auschwitz.

MUREAU Jean (Sainte-Maure-de-Touraine, Indre-et-Loire, 20 décembre 1919 - Sachsenhausen 15 février 1945). Fils d'un pharmacien établi à Chalindrey au début des années 30. Etudes secondaires à Dijon. Etudiant à la faculté de médecine de Nancy. Arrêté le 28 mars 1942 à la Cité universitaire de Nancy. Emprisonné à Charles-III (Nancy). Déporté le 1er mai 1942 de Metz à Trêves. Passé par les prisons de Wittlich, Breslau, Sonneberg. En dépit de son état de santé dégradé, il est transféré à Sachsenhausen. Il y est déclaré décédé le 15 février 1945.

BRUET Jean. Capitaine de réserve, ingénieur, il est directeur commercial de la Société métallurgique de champagne à Marnaval. Domicilié à Saint-Dizier, au moins depuis 1936, il est marié et père de deux enfants. Il est arrêté le 29 mai 1942 par l'armée allemande pour "propagande". Immédiatement emprisonné à Sarrebrück, il est libéré le 18 ou 20 juin 1942. Non recensé par la FMD.

PELLUCH-CANET Bautista (Carcagente, Espagne, 29 janvier 1818). Ouvrier agricole aux Loges. Arrêté en mars 1942. Arrivé le 27 juin 1942 à Mauthausen. Transféré le 12 mars 1943 à Gusen, puis le 23 juillet 1943 au camp de Steyr-Münichholz. Transféré le 6 avril 1945 à Gusen.

BURTON Charles, CAMPION Léon, COLTEY Jean, FONTAINE Georges, GAZELOT Pierre, HACQUIN Bernard, LEDUC Eugène, QUERUEL Henri, VOILLEMIN Pierre : militants communistes déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz.

HAGUENAUER Jacques (Chaumont), déporté le 20 juillet 1942 à Auschwitz.

FRYDEL Esther (Bourbonne), GRUNDLAND* Rubin (Langres), KRAKAUER Iczek, Idessa, Mozek, Simon et Simone (Chaumont),  RABNER Hermann et Maryla (Chevillon), ROZEN Bayla et Mordka (Saint-Dizier), SKAUDA Maud (Valdelancourt), ZAKON Estelle (Saint-Dizier), déportés le 27 juillet 1942 à Auschwitz.

MOHR Chrétien (Metz, Moselle, 10 juillet 1898). Expulsé de Talange (Moselle) par les autorités allemandes le 17 avril 1941. Réfugié à Chaumont, où il réside au 19, place Aristide-Briand. Chef d'équipe et interprète au dépôt Lagerhaus der HUV dit dépôt La Concentration, rue Decomble à Chaumont. Dérobe avec André Léotier des fusils de chasse entreposés. Arrêté le 29 janvier 1942 par la feldgendarmerie et la GFP sur dénonciation sur son lieu de travail (leur collègue sera condamnée à la Libération). Condamné à trois ans et demi de prison en mars 1942 par le tribunal militaire allemand, réuni boulevard Barotte à Chaumont. Emprisonné à Chaumont le 9 mars 1942 puis transféré à Clairvaux le 28 mars 1942. Déporté le 3 août 1942 à Wolfenbuttel. Rentré le 23 avril 1945. Retrouve Talange. Source complémentaire : 30 U 1, AD 21.

GARNIER René (Pesmes, Haute-Saône, 20 avril 1902). Fils d'ajusteur. Frère de Camille Garnier. Domicilié à Riaucourt, il est arrêté avec son frère dans le village le 20 août 1941 par la feldgendarmerie puis emprisonné à Chaumont. Interné pendant six mois à Clairvaux, puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 12 mars 1942, il est déporté le 5 août 1942 en direction de la forteresse de Landsberg. Rentré le 23 mai 1945. Non recensé par la FMD. Source : 1623 W, AD 51. 

FRYDEL Israël (Bourbonne), déporté le 14 septembre 1942 à Auschwitz.

KAUFFMANN Léopold (Bourbonne), déporté le 21 septembre 1942 à Auschwitz.

EPHRAIM Félix (Bourbonne), déporté le 23 septembre 1942 à Auschwitz.

JABLONSKI Germaine (Chalvraines), POPIEL Marguerite (Cusey), MEYER Berthe (Bourbonne), WEIMBERGER Arnold et Louise (Valdelancourt), déportés le 3 novembre 1942 à Auschwitz.

KRAKAUER Paulette (Chaumont), ZAKON Gela, Israël et Nathan (Saint-Dizier), déportés le 4 novembre 1942 à Auschwitz. 


* Son épouse Rachel a été arrêtée avec lui. Le Mémorial de la Shoah ne la recense pas parmi les victimes.







mardi 11 mars 2025

Massacre sur la voie ferrée à Colombey-lès-Choiseul, 26 juillet 1944


La ligne Dijon - Neufchâteau à hauteur de Colombey-lès-Choiseul. (Photo L. Fontaine).

 Un mois avant le Train fantôme (25 août 1944), un autre transport de déportés passé par la Haute-Marne a connu un véritable périple pour atteindre sa destination : un Kommando du camp de Neuengamme. Qu'on en juge par l'itinéraire emprunté : Saint-Malo, Rennes, Tours, Vierzon, Dijon, Gray, Neufchâteau, Toul, etc. Particulièrement méconnu, ce convoi a pourtant été marqué par l'un des plus importants massacres de prisonniers sur le sol haut-marnais.

    25 juillet 1944. Le train 15 241 en provenance de Dole arrive vers 20 h 30 en gare d'Is-sur-Tille (Côte-d'Or). Il est passé par Gray (Haute-Saône) mais ne s'est pas dirigé sur Chalindrey. "La gare de Chalindrey ayant subi un bombardement le 13 juillet 1944, tout le trafic a été interrompu", précise le cheminot Marcel Cornier. D'une façon générale, les destructions opérées par l'aviation alliée et la Résistance sur les voies de communications expliquent ce long itinéraire. 

    Le convoi fait donc halte en gare d'Is. Il s'agit d'"un train de marchandises transportant des militaires anglais prisonniers", indique Georges Minot. A hauteur du passage à niveau de Marcilly-sur-Tille, un drapeau français apparaît à la fenêtre d'une maison. Ce qui n'est pas du goût de la garde allemande du train, qui arrête quatre jeunes de la région dont Georges, le fils de Georges Minot. Le jeune homme âgé de 21 ans veut prendre la fuite avec un de ses camarades. Les balles pleuvent sur eux. Touché d'un projectile en plein coeur, le Bourguignon meurt sur le coup.

    Puis, conduit par le mécanicien Adrien Bouvret, le convoi repart en direction de Langres, puis de Neufchâteau.

    26 juillet 1944, 23 h 30. Garde-barrière au lieu-dit Chapelot, commune de Colombey-lès-Choiseul, entre Merrey et Breuvannes-en-Bassigny, Rose Joly vient de se coucher. Mais son sommeil devait être rapidement interrompu. "J'ai perçu le crépitement d'une fusillade à proximité de ma demeure", témoigne-t-elle. Les coups de feu viennent du kilomètre 32 750, après la gare de Merrey que le train 15 241 a laissé derrière lui à 23 h 01. 

    Que s'est-il passé ? Les employés SNCF présents dans le train apportent des précisions sur l'origine de la fusillade. Adrien Bouvret, qui conduit la machine 57.1192 tractant 69 wagons "chargés de prisonniers et de déportés" (Marcel Cornier), explique : "Entre Merrey et Breuvannes, profitant du ralentissement* du train, des déportés se trouvant dans celui-ci ont probablement tenté de s'enfuir." Georges Renaud, chef de train : "J'ai bloqué mon train immédiatement et aussitôt l'arrêt, je suis descendu du fourgon pour mettre des pétards. [...] Les Allemands venant de la tête du train me traitèrent de terroriste." Georges Walter, autre cheminot présent dans la machine aux côtés d'un feldwebel (adjudant) et d'un interprète suisse : "Nous avons vu des balles traçantes passer au-dessus de la machine. Le convoi s'est arrêté quelques mètres plus loin par suite du fonctionnement d'un frein d'urgence (frein d'alarme). Le feldwebel [...] avait donné l'ordre de continuer la route." Manoeuvre impossible, à cause de l'utilisation du frein, ce qui sera une source de colère supplémentaire pour l'escorte allemande. 

    Des "passagers" du train ont donc pris la fuite, ainsi que l'expliquent les cheminots. Georges Walter : "Les Allemands ont organisé aussitôt la chasse des fuyards. Ils en ont pris un, que le feldwebel [...] a abattu d'un coup de revolver en plein front. [...] La chasse aux fugitifs a duré une bonne heure. Par la suite, ceux qui étaient partis à la recherche ont signalé que deux des évadés n'ont pas pu être retrouvés." Pour Georges Renaud, il n'y eut pas un mais deux prisonniers blessés : "Les Allemands parlementèrent et décidèrent d'achever les deux prisonniers, ce qui fut fait aussitôt, puis ils m'emmenèrent à hauteur du wagon où il restait 17 prisonniers. Le feldwebel monta dans le wagon et les tua à coups de revolver." Selon le mécanicien Bouvret, "les Allemands ont tiré des rafales de mitrailleuse dans le wagon duquel s'étaient enfuis les déportés".

    Puis le train repart. A 0 h 58, il est en gare de Neufchâteau (Vosges). Là, cheminots et Allemands rendent compte, chacun de leur côté, des événements à leur hiérarchie. Le convoi poursuit son chemin : d'abord Toul, puis Frouard, Pagny-sur-Moselle, Novéant, Sedan, la Belgique...

    Précisément, le cheminot André Marchand est à Toul : "J'ai remarqué les traces de sang et j'ai vu également les vêtements des détenus qui avaient été tués. Ceux-ci avaient été déshabillés avant d'être enterrés près du poste de transformation du dépôt de Toul."

    La fosse commune se trouve sur le territoire d'Ecrouves, "sur un terrain militaire qui s'étend entre la route de Toul à Paris et la voie ferrée [...], au lieu-dit La Concentration, précise l'inspecteur de police Georges Gillet. [...] Les corps étaient recouverts d'une couche de terre argileuse de 80 cm environ."

Un corps sur la voie 

    Revenons à l'origine et à la composition du convoi. Il transporte des déportés jusqu'alors affectés à des travaux dans les îles anglo-normandes (Aurigny). Ces hommes sont essentiellement Russes, Polonais, Hongrois, Hollandais. Des Témoins de Jéhovah figurent parmi eux. Selon un précieux témoignage établi en 1950 et conservé par les archives Arolsen, ils sont 634 déportés issus d'Alderney (Aurigny), 430 "travailleurs civils", des prisonniers anglais et américains entassés dans quatre wagons, sous la garde de 59 SS, 20 parachutistes et 18 travailleurs de l'Organisation Todt. Ce transport correspond à la I. SS-Baubrigade, sous les ordres du SS-obersturmführer Werner Klebeck et du SS-hauptsturmführer Maximilian List. Le transport ferroviaire est parti de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) le 4 juillet 1944. Il est passé par la vallée de la Loire, l'Auvergne, la Bourgogne et la Franche-Comté. Entre-temps, les wagons de travailleurs civils et de prisonniers alliés auraient été séparés du convoi le 19 juillet 1944. A Is-sur-Tille, quinze détenus se seraient évadés - ou auraient tenté de s'évader -, un fait que n'évoque pas Georges Minot. 

    Toujours d'après le récit établi en 1950 sur l'odyssée de ce convoi, après Merrey, des prisonniers du wagon 12 se sont jetés sur un gardien allemand, lui ont pris son fusil et l'ont blessé. Immédiatement, huit déportés ont sauté du train : trois ont été abattus. Dans le wagon, quatorze autres déportés ont été tués - nous avons vu de quelle façon -, quatre blessés. Tous les corps ont été remontés ou laissés dans le wagon... sauf un seul. 

    Au matin du 27 juillet 1944, les gendarmes de Clefmont (Haute-Marne) qui se rendent sur les lieux de la fusillade constatent en effet la présence d'un cadavre au bord de la voie. Les gendarmes notent : "Il est vêtu d'une vareuse gris-vert, d'un pantalon à rayures bleues et blanches. Il est nu pieds. Sans coiffure. Le cadavre est à plat ventre, le visage repose sur les deux bras repliés. [...] Le visage est crispé [...] Les cheveux, châtains, sont tondus ras. [...] Sur le côté gauche de la vareuse, nous relevons le numéro suivant 17.120, surmonté d'un petit rectangle de tissus rouge." Le chef de gare de Merrey, Maurice Lombard, qui accompagne les gendarmes, voit également "un bras gauche, arraché à la clavicule".

    Toujours non identifié

    Au 12 septembre 1944, à l'arrivée du convoi de la I. SS-Baubrigade à Sollstedt, 441 déportés sont enregistrés. D'après un survivant, plus de 40 déportés ont trouvé la mort durant le trajet.

    Combien sont morts en Haute-Marne ? Le site Internet du camp de Neuengamme recense 18 décès en juillet 1944 à Toul, dont 17 le 26 ou le 27 juillet. Ce sont les victimes du massacre. Il y a trois Allemands, deux Hollandais, deux Polonais, et onze Russes. Aucun d'entre eux ne porte le numéro 17.120 retrouvé à Colombey-lès-Choiseul. Il y aurait donc eu au total 19 victimes. Ce qui correspond aux informations données par les employés SNCF : deux évadés blessés et achevés, 17 déportés abattus dans le wagon. En 1946, la police française notera toutefois qu'on été découverts à Toul quinze corps plus deux autres, qui pourraient être des "soldats allemands tués au cours de cette mutinerie".

    Qui est le déporté inconnu ? Si l'on se réfère à son numéro de matricule, son nom commence vraisemblablement par la lettre S, puisque le matricule 17.120 se situe entre 17.119 (Wilhelm Skora) et 17.221 (Gustav Sulonwski).

    Signalons également qu'à la lecture des PV d'audition des cheminots, deux hommes auraient réussi leur évasion (nous ne savons rien d'eux).

    Les victimes du massacre sont : Iwan Janusch, 22 ans, Wassilij Andrejenko, 25 ans, Otto Hermann Willi Goettel, 40 ans, Richard Klonz, 42 ans, Nikolaj Kolodjaschyj, 24 ans, Nikolaj Kudrenko, 21 ans, Wladyslaw Lubecki, 48 ans, Grigorij Likjanez, 30 ans, Jefim Moroz, 30 ans, Cornelis van den Oever, 47 ans, Iwan Pawlenko, 20 ans, Aleksandr Schirtujew, 27 ans, Piotr Sergejew, 28 ans, Piotr Sukolenow, 30 ans, Nikolaj Trotzykyj, 24 ans, Sigismund Wajs, 24 ans, Gosse Wulder, 26 ans, et Fritz Albin Rudolf Wunderlich, 47 ans.

Sources : 342 W 201, Archives départementales de la Haute-Marne ; 163 W (MM) 3157, Archives départementales de la Marne ; 102 W 23, Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle ; Archives Arolsen ; site Internet kz-gedenkstätte-neuengamme ; Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52.

* Un autre témoignage de cheminot parle plutôt d'une accélération. 


    



    

samedi 1 mars 2025

Présence militaire allemande en Haute-Marne, 1940-1944


Des prisonniers allemands, vraisemblablement à Prez-sous-Lafauche. (Photo DR).


 Quelles étaient les unités militaires allemandes ayant stationné ou opéré en Haute-Marne sous l'Occupation ? Quels étaient leurs officiers ? Qui sont les soldats ayant trouvé la mort dans le département ? Essai de recensement à partir d'archives à notre disposition.

Services et unités militaires

Feldkommandantur 563 (dissoute en février 1942) puis Feldkommandantur 769 (créée en 1943)

    Feldkommandant :     général Martini, en 1940, dont major Winterfeld

                                        oberstleutnant Fischer, ... octobre 1940 - janvier 1942

                                        oberst Wolf, 1942

                                        oberst Karl Luyken, 17 déc. 1942 - janvier 1944

                                        general-major Manfred Müller-Arles, janvier - juin 1944

                                        oberst Werner Kleffel (1883-1944), tué 7/9/1944 à Hennezel (Vosges),

                                            dont oberstleutnant Kratchowill

    Kreiskommandantur de Chaumont : 

                                        hauptmann Lauter Wagner, sept. 1940 - juin 1941

    Kreiskommandantur I/563 de Saint-Dizier : 

                                        hauptmann Von Dewitz, dont hautpmann Bertram et Dubiel

                                        sonderfürhrer Simrog ou Simrock

                                        sonderfürhrer Ege

                                        hauptmann Mentzer

                                        hauptmann Constaple

                                        hauptmann Werner Mohraens 

        Officiers : leutnant Kluck (feldgendarmerie), leutnant Berg (feldgendarmerie), leutnant Bourhotz


79. Infanterie-Division. Elle est stationnée en Haute-Marne de juillet 1940 à avril 1941, assurant notamment la garde de la ligne de démarcation entre Zone occupée et Zone interdite. L'Infanterie-Regiment 212 est cantonné entre Saint-Dizier et Wassy ; la 4e compagnie est à Donjeux et la 5e compagnie à Gudmont, en décembre 1940 ; le leutnant Wittram appartient à la 6e compagnie. Cantonné avec son régiment (IR 226) à Joinville, l'oberst Andreas von Aulock (1893-1968) est le futur commandant de la forteresse de Saint-Malo.

SS-regiment Der Fürher. La présence en Haute-Marne d'éléments de la future 2. SS-panzerdivision Das Reich restait à confirmer. Elle l'est désormais grâce au témoignage du soldat Herbert Anton. Ce dernier appartenait à la 5e compagnie du 2e bataillon du SS-regiment Der Führer, cantonnée à Pierrefaites du 15 décembre 1940 au 31 mars 1941. Ayant séjourné en Hollande après la Campagne de France, la SS-division Reich (future Das Reich) a en effet cantonné en Haute-Saône, avant d'être appelée à combattre dans les Balkans. Ce qui explique que de nombreuses localités du sud-est-haut-marnais ont accueilli, à la même période (décembre 1940-mars 1941), des unités allemandes appartenant très vraisemblablement à cette division : Bussières-lès-Belmont, Chaudenay, Corgirnon, Coublanc, Fayl-Billot, Genevrières, Gilley, Grenant, Hortes, Vicq, etc. Le chef du 2e bataillon, Fritz von Scholz, trouvera la mort sur le front Est comme général SS en 1944. Le commandant de la 5e compagnie, le hauptsturmführer Sylvester Stadler, lui succédera à la tête du bataillon. Stadler commandait le régiment Der Fürher au moment du massacre d'Oradour-sur-Glane (642 victimes le 10 juin 1944) puis sera un des plus jeunes généraux SS, à l'âge de 34 ans. Il n'a jamais été jugé pour le massacre d'Oradour. 

Infanterie-Ersatz-Bataillon 483. Il est à Chaumont du 26 avril au 20 juillet 1942. Il pourrait s'agir du Landeschutzen-Bataillon (numéro non connu) de 450 hommes cantonné à la caserne Damrémont, commandé par un capitaine et parti en novembre 1942 pour le Languedoc. 

Landeschutzen-Bataillon 654. Chef de corps : major (ou hauptmann) Georg Major. Composé de soldats russes, il est cantonné dans le quartier Foch (caserne Adolf-Hitler) à Chaumont. Son chef loge au 86 bis, avenue de la République, du 19 décembre 1943 à février 1944, selon le témoignage de la propriétaire du logement. Parti pour Châlon-sur-Saône, il s'agit de l'ost-bataillon engagé contre les maquis de la Nièvre et de Côte-d'Or en 1944. Georg Major sera condamné à 20 ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Dijon.

II/Sicherungs-Regiment 199. Il est situé à Chaumont en 1944.

Eléments de la Freiwilligen-Stamm-Division. Cette division a été mise sur pied avec des prisonniers de guerre soviétique. Des éléments arrivent à Chaumont mi-février 1944, ainsi qu'à Langres. Ils participent à la répression des maquis du Jura en juillet 1944. Ils sont encore présents en Haute-Marne jusqu'au 1er septembre1944.

    Parmi ses unités : le Freiwilligen (Kosaken)-Stamm-Regiment 5. Le rittmeister Felix Kupper y est officier (il commande vraisemblablement le 1. Reiter-Abteilung ou groupe d'escadrons). Logé à partir de février 1944 au 86 bis, avenue de la République à Chaumont, l'officier est notamment accusé d'avoir participé aux massacres de Voisines (30 juin 1944) et de Châteauvillain (24 août 1944).

    Luftnachrichten-Ausbildungs-Regiment 302. Plusieurs éléments de ce régiment spécialisé dans la détection aérienne sont présents en Haute-Marne. La 2e compagnie (leutnant Holler) est cantonnée à Condes, au 11 septembre 1944. La 3e compagnie (hauptmann Koch) qui quitte Chaumont pour Bourbonne-les-Bains le 13 septembre 1944 et qui est impliquée ce jour-là dans le massacre d'Essey-les-Eaux appartient vraisemblablement à ce régiment. 

    Luftnachrichten-Regiment 203. Présent à Saint-Dizier, au 1er octobre 1942, parti de Haute-Marne le 29 août 1944.


Unités en retraite ayant opéré en Haute-Marne (août-septembre 1944)

    15. Panzer-Grenadier-Division. Grande unité venue du front italien et se repliant depuis la Bourgogne (Côte-d'Or, Yonne) et l'Aube. Elle est commandée par le generalleutnant Eberhardt Rodt. Selon Roger Bruge (Le Temps des massacres, Albin-Michel, 1994), seul le Panzer-Grenadier-Regiment 104, dont le 2e bataillon était commandé par le hauptmann Hunger et qui est arrivé le 23 août 1944 à Semur-en-Auxois (Côte-d'Or), aurait été concerné par ces opérations. En réalité, d'autres éléments de la division sont bien présents en Champagne. C'est le cas du Panzer-Grenadier-Regiment 115, auquel appartient le soldat Erwin Lattwein, qui sert dans la Stabskompanie de l'oberleutnant Joachim Arendt, et de l'Artillerie-Regiment 33. 

    Le 26 août 1944, une force allemande de la 15. Pz-Gren-Div, évaluée à environ 600 hommes par le lieutenant FTP Meleki, se heurte à la Compagnie Rouget de l'Isle à Tonnerre (Yonne). Elle capture le lieutenant FTP Tardy de Montravel. Le 27, après le départ des Allemands, Tonnerre est réoccupée. Le 28, le soldat allemand Lattwein est blessé par des résistants à Saint-Martin près de Tonnerre. Le 29, le lieutenant FTP capturé trois jours plus tôt est exécuté à Anglus (Haute-Marne). Cette colonne est passée par Vendeuvre-sur-Barse, Lévigny, Soulaines, et se dirige sur Montier-en-Der.

    A Montier-en-Der, en tout début de matinée du 30 août 1944, une colonne de la division se scinde en deux. Une partie part sur Wassy puis Joinville, puis vraisemblablement dans la Meuse. L'autre pousse sur Saint-Dizier. Toujours le 30 août 1944 au matin, un soldat de l'Artillerie-Regiment 33 meurt à Braucourt, entre Montier-en-Der et Saint-Dizier. Un élément de la division (appartenant sans doute au Panzer-Grenadier-Regiment 104, selon les précisions apportées par la commune de Chancenay qui parle d'une Panzer-Grenadier-Batterie 104), se bat à Chancenay le même jour.  On sait qu'il s'agit de l'unité passée par Lusigny-sur-Barse (Aube) parce que des effets personnels d'habitants de cette commune ont été retrouvés dans ce village haut-marnais. 

    La trace de cette division avait également été relevée à Tanlay le 27 août 1944, à Bar-sur-Seine le 28 août 1944, aux Bourguignons les 28 et 29 août 1944, à Lusigny-sur-Barse, le 29 août 1944.

    3. Panzer-Grenadier-Division. General Horst Eckert. Comme la 15. Pz-Gren-Div, elle vient d'Italie via l'Allemagne. Son arrivée dans la région de Saint-Dizier est annoncée à la Résistance haut-marnaise (la Compagnie du Val exécute des sabotages de voies ferrées sur la ligne Saint-Dizier - Revigny-sur-Ornain, commune de Baudonvilliers, les 23 et 27 août 1944). Des éléments de la 3. Pz-Gren-Div sont présents à Saint-Dizier à la date du 26 août 1944, où contact est pris avec un officier de la SS-Panzer-Brigade 51 qui s'est battue à Troyes. Le 29 août 1944, le Panzer-Grenadier-Regiment 29 commet les massacres de la vallée de la Saulx (une centaine de victimes dans la Meuse et la Marne). La division se bat par la suite dans la Meuse, en Meurthe-et-Moselle et en Moselle. 

    Sicherungs-Bataillon 671. Selon l'audition du prisonnier de guerre Peter Hofmann, il est formé à Fontainebleau. Parti en avril 1944 à Dijon, le bataillon y reste jusqu'au 10 septembre 1944, puis se replie en direction des Vosges. Son chef, le major Teudesmann, est fait prisonnier le 11 septembre 1944 lors du combat de Belmont contre le 1er régiment de France. La 1ère compagnie est sous les ordres du capitaine Jacobitz, "tué près de Belfort", la 4e compagnie est commandée par le capitaine Linsebach. Le lieutenant Wenzel est officier au bataillon.

    Ost-Bataillon 615. "Mon unité se composait presque exclusivement d'Ukrainiens et de Russes", précise le feldwebel (adjudant) Rudolf Bloedt. Le major Friedrich Schrade, d'Elbing, commande le bataillon. Selon Bloedt, les compagnies sont sous les ordres du lieutenant Popotribko (1ère), du lieutenant en premier Gorvaco (2e), du lieutenant Eberhardt Harr, de Neckarwestheim (3e). Ce bataillon est à Auxerre (Yonne) à partir du 8 juin 1944, puis à Nanges, à Plaines (il y est le 2 août 1944 au moment d'une prise d'otages), à Mussy-sur-Seine, à Châtillon-sur-Seine. Rudolf Bloedt et le caporal-chef Walter Schuddekopf, tous deux de la 3e compagnie, nient que leur unité ait commis des exactions en Côte-d'Or et dans l'Aube. Le 11 septembre 1944, l'Ost-Bataillon 615 est présent à Saulles où au moins quatre femmes sont violées et où trois infirmières FFI sont assassinées (avec deux FFI). Le lieutenant Harr est fait prisonnier le 16 septembre 1944 à Preigney (Haute-Saône) avec le feldwebel Fritz Leiner, les caporaux-chefs Autor, Schuddekopf, Engels et quatorze Russes. Le lieutenant Edgar Kroner, le feldwebel Franz Horn, le caporal-chef Alwin Huebler (chauffeur du major Schrade) appartiennent au bataillon. Walter Schuddekopf sait que son chef Schrade a été exécuté par des FFI (à Saulles).

    Artillerie-Regiment 338 (Infanterie-Division 338). Selon le témoignage du feldwebel Heinrich Trimbusch, le régiment est commandé par l'oberst Pirker, la 4e batterie (la sienne) est commandée par le leutnant Diehl, la 6e batterie par le hauptmann Kargel. L'AR 338 qui est entre Arles et Marseille embarque en train le 13 août 1944. Il doit gagner la région de Troyes mais est débarqué avant cette ville vers le 21 août 1944. Par la route, le régiment gagne Saint-Florentin puis Châtillon-sur-Seine. La 4e batterie se dirigeait sur Tonnerre puis Dijon quand le major Schrade, commandant l'Ost-Bataillon 615, a pris l'unité sous ses ordres. Le feldwebel Trimbusch est fait prisonnier avec sept camarades le 15 septembre 1944 à Cintrey (Haute-Saône). C'est au camp 61 de Langres qu'il apprend, par une affiche, l'exécution de Friedrich Schrade "pour un motif ignoré de moi".

    Unité de Pionier correspondant au feldpostnummer 18031. Elle est présente le 4 septembre 1944 à Chalindrey où deux civils sont tués. Le hauptmann und kommandant Tredder, le leutnant Fritsch appartiendraient à cette unité. Il s'agit peut-être du 28. Pionier-Bataillon, impliqué dans la mort du FFI Marcel Maignien en Haute-Saône le 3 septembre 1944.

    Artillerie-Regiment 1708. Présent le 4 septembre 1944 à Chalindrey où deux civils sont tués. Le lieutnant Flin commande la batterie hors rang du régiment. Présent également à Andelot où il déplore plusieurs tués.

    Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44. Unité d'observation commandée par le major Portmann et arrivée en Haute-Marne en août 1944. Deux hommes sont tués le 26 août 1944 à Donjeux. L'unité est à Andelot le jour de l'attaque FFI du 1er septembre 1944. Elle forme l'ossature du kampfgruppe de l'oberstleutnant Ludwig Wienkoop et est anéantie le 12 septembre 1944.

    2e bataillon, Sicherungs-Regiment 95. Bataillon commandé par le hauptmann Reichmann lorsqu'il se trouvait en Corrèze. Présent en Haute-Marne dans le cadre du kampfgruppe Ottenbacher. Se porte le 11 septembre 1944 de Chaumont à Andelot. Perd trois officiers à Andelot le 12 septembre 1944.

    SS-Polizei-Regiment 19. Régiment présent dans le Limousin, en Auvergne et à Lyon. Le major Kaboth puis le hauptmann Engelbrecht commandent le 2e bataillon, le major Otremba le 3e. Ils appartiennent au kampfgruppe du general Ernst Ottenbacher. Selon Jérémy Gérard, les 9e et 12e compagnies du III/SS-Polizei-Reg 19 se battent à Andelot. Le leutnant Schmid commandait la 9e compagnie durant l'été 1944. Source : Bernard Reveriego, Fusillés et morts au combat en Dordogne (1940-1944), Les Editions Secrets de pays, 2023.

    Sicherungs-Regiment 200. Un élément appartient à la date du 11 septembre 1944 à un groupe réunissant un Sicherungs-Bataillon (sans doute le SR 671), l'Ost-Bataillon 615, une compagnie de pionniers et deux batteries d'artillerie, entre Châtenay-Macheron et Champlitte (Haute-Saône).

    16. Infanterie-Division. Elle se replie depuis le sud de la France. Elle est composée des Grenadier-Regiment 221, 223 et 225, de l'Artillerie-Regiment 1316. Les majors Klamp et Köster commandent deux kampfgruppe de cette division, qui, passée par Langres, défend Chaumont - la garnison retraite le 13 septembre 1944 en direction de Bourbonne-les-Bains - et Prez-sous-Lafauche.


Militaires allemands tués en Haute-Marne

    Cette liste de 150 morts identifiés ou inconnus tués lors de la Libération de la Haute-Marne est basée sur des documents d'archives fournis par les municipalités. Elle n'est évidemment pas exhaustive (exemple : les données manquent pour Saint-Dizier et Langres). Pour établir cet essai de recensement, nous ne nous sommes pas appuyés sur les chiffres donnés par les journaux de marche de différents maquis, exemple le maquis Charles (Varennes-sur-Amance) qui revendique au moins 86 morts allemands entre le 24 août et le 15 septembre 1944, dont 18 prisonniers cosaques fusillés les 31 août et 14 septembre 1944. En gras, les officiers. 

25 août 1944. Willi Steinfeld et un militaire prénommé Fritz tués à Orbigny-au-Mont.

26 août 1944. Ignacz Eisele, 34 ans, et Christoph Fuhry, 21 ans, de la 3e Kompanie, Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44, à Donjeux. 

30 août 1944. Edwin Hoffmann, 22 ans, de l'Artillerie-Regiment 33 (15. Pz-Gren-Div), tué à Braucourt sur la route de Saint-Dizier (par l'explosion d'une mine posée par les FFI).

30 août 1944. Sept soldats allemands du Luftgau-Nachrichten-Regiment 7 à Villiers-en-Lieu, dont le radio Horst Margier et le radio Manfred Spiecker, 18 ans.

30 août 1944. Cinq soldats allemands à Chancenay, appartenant à la 15. Panzer-Grenadier-Division (vraisemblablement au Panzer-Grenadier-Regiment 104), dont le leutenant Otto Probst, 32 ans, et le gefreiter Siegried Schaefer, 37 ans.

31 août 1944. Obergefreiter Karl Hupka, 39 ans, et soldat Erich Leifert, issus du Landeschutzen-Ersatz-Bataillon 8, à Chevillon.

31 août 1944. Major Karl Maner, du Luftgau-Paris, et hauptmann Liebieghre, à Nomécourt.

1er septembre 1944. Un tué à Andilly-en-Bassigny (brûlé dans son véhicule). Mais le maquis Charles revendique environ 40 tués ce jour-là !

1-12 septembre 1944. Combats d'Andelot (liste communiquée par Daniel Guérain) : Franz Schneeweiss (Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44), Heinrich Baskschat (AR 1708), Willi Walter (id), Wilhelm Cierpinski (id), obergefreiter Erich Knoch, hauptfeldwebel Lorenz Wapler (II/Sicherungs-Regiment 95), un inconnu, leutnant Kurt Hofmann (II/SR 95), hauptmann und kommandant Johan Klose (II/SR 95), un inconnu, Kurt Weideneauer (RBA 44), gefreiter Pichel (AR 1708), Alfred Seybold (RBA 44), Joseph Farkas (id), Felix Matt, Ernst Bley, leutnant Kaufmann, Herbert Krüger, obergefreiter Ludwig Wlodarczak, leutnant Heinz Krueger, leutnant Kurt Zensinger (AR 1708), Hermann Lohmeter, gefreiter Suecke, leutnant Herbert Erfmann, Wilhelm Kahre, gefreiter Schaefer, obergefreiter Eduard Richter (AR 1708), un inconnu, Oskar Schinke, Willi Kaiser, Hermann Nankemann, Joseph Mach, Wilhelm Radermacher, un inconnu, obergefreiter Friedrich Knaup, unteroffiizier Alain Büscher, gefreiter Paul Huhdorf, Alfred Haas (reserve beobachtungs 44), Gottfried Kleindienst (id), un inconnu, Kurt Adelhart (reserve beobachtung 44), obergefreiter Alfred Beck, gefreiter Gerhard Baensch, oberleutnant Heinrich Mönkenmöller, Johann Ritzmüller (reserve beobachtung 44), Erich Knop, gefreiter Helmut Theodor, gefreiter Karl Steinweg, Karl Kosak (reserve beobachtung 44), Reilis (id), Jos Sinko (id), obergefreiter Heinz Günth Strieber (id), Johann Hofmann (id), Fritz Trowall (id), gefreiter Helmuth Kötter (id), Erich Muriol (id), gefreiter Anton Starkl. Liste complémentaire fournie par le Service des sépultures allemandes : Emil Dracke, aspirant Ludwig Elfgang, Wilhelm Lücke (SR 95). Une autre liste complémentaire dans l'ouvrage de Jérémy Gérard (Andelot dans la tourmente. 1940-1944, 2020), qui cite au total 72 noms de victimes allemandes.

Début septembre 1944. Ywan Baschmakov, 27 ans, déserteur d'un régiment de cosaques, tué à Enfonvelle. 

4 septembre 1944. Gefreiter Alfred Flegel, 19 ans, de l'Artillerie-Regiment 1708, tué à Chalindrey.

4 septembre 1944. Cinq soldats allemands (dont un unteroffizier, le chauffeur et trois passagers d'une voiture Ford V8) tués sur la RN 19 à hauteur de Rosoy-sur-Amance.

11 septembre 1944. Stalsurz, au lieu-dit La Folie (Broncourt).

11 septembre 1944. Heinrich Ruland, 37 ans, de l'Organisation Todt (ou décédé le 1er septembre 1944, selon sa tombe du cimetière d'Andilly en Meurthe-et-Moselle).

11-14 septembre 1944. Au moins 18 soldats inhumés à Belmont, dont le hauptmann G. Müller, Strobl, A. Buchner, E. Brumann.

12 septembre 1944. Un militaire décédé de ses blessures à Bettaincourt-sur-Rognon.

12 septembre 1944. Quatre soldats allemands inhumés en forêt de Guyonvelle.

12 septembre 1944. Un soldat allemand qui aurait été tué sur la route de Contrexéville et déposé à Joinville par des soldats américains.

13 septembre 1944. Un soldat allemand inhumé en forêt de Guyonvelle.

13 septembre 1944. Friedrich Meireff, au lieu-dit La Folie (Broncourt).

13 septembre 1944. Dix soldats dont peut-être un officier tués dans la côte de l'Abondance, près d'Essey-les-Eaux. 

13 septembre 1944. Deux soldats tués - l'un par une balle dans la tête, l'autre dans la poitrine - à Colombey-lès-Choiseul par des FFI des Vosges.

14 septembre 1944. Hans Müller, 18 ans, de la Luftwaffe, tué à Frécourt.

15 septembre 1944. Arno Schameitis, 18 ans, à Briaucourt, touché par balle.

15 septembre 1944. Funker Heinz Steiner, 18 ans, du Luftgau-Nachrichten-Regiment 7 (Luftwaffe), et Alphonse Spitz, portant l'uniforme d'aviateur, à Neuilly-l'Evêque.

Septembre 1944. FW (feldwebel ?) Zung et H. Specht, au lieu-dit La Folie (Broncourt). 

Sources : 15 W 74, AD 52 ; série 163 W 3156-3181, AD 51 ; geneanet (relevé des tombes du cimetière allemand d'Andilly, en Meurthe-et-Moselle).

            

mardi 25 février 2025

L'histoire des "FTP de Meurthe-et-Moselle et des Vosges", avril-mai 1943


 Photo parue dans l'étude de Jean-Claude Magrinelli.

    Le 11 mai 1943, une opération de la 15e brigade régionale de police judiciaire en forêt de Haye, près de Nancy, entraînait la mort de Marcel Simon, chef des "FTP de Meurthe-et-Moselle et des Vosges", et l'arrestation de trois de ses hommes. 

    Dans son ouvrage "Militants ouvriers de Meurthe-et-Moselle sous l'Occupation. Dictionnaire biographique" (Kaïros/Histoire, 2020), Jean-Claude Magrinelli a évoqué longuement la figure de ce résistant, né le 4 février 1913 à Nancy. Marié et père d'un garçon, chaudronnier, communiste, Marcel Simon avait été blessé en juin 1940. Revenu à Nancy, il s'est investi dans l'Organisation spéciale/FTP dès février 1942. C'est l'époque où les effectifs de l'organisation sont particulièrement importants... avant son démantèlement consécutif à l'arrestation de Giovanni Pacci (mai 1942). Après un accrochage avec les gendarmes, Simon a dû se réfugier dans un village de l'Aisne, Montigny-Lengrain, entre janvier et avril 1943, avant de revenir en Lorraine reprendre sa place dans le combat.

    C'est grâce à des documents retrouvés en forêt de Haye et aux procès-verbaux d'audition des trois "partisans volants" servant sous les ordres de Simon - Louis Chaunavel, René Joannès et Robert Viry - que nous connaissons dans le détail les activités de ce groupe opérant dans deux départements, du 25 avril au 11 mai 1943.

    Les trois FTP sont tous Vosgiens. Ancien adhérent des Jeunesses communistes, René Joannès, 23 ans, habite à Fraize. Il s'est échappé du chantier de Soulac (Gironde) de l'Organisation Todt. Son concitoyen Louis Chaunavel (Mickey), 25 ans, s'était engagé dans les tirailleurs marocains avant-guerre. Blessé en 1940, il est parti travailler en Allemagne en novembre 1942, mais n'y est pas retourné le 7 mars 1943 à l'issue d'une permission. Robert Viry est le plus jeune : il n'a que 18 ans. Domicilié à Plainfaing, il s'était engagé en 1942 dans l'armée d'armistice. Requis pour travailler à Cherbourg, il n'y est resté que du 4 au 10 avril 1943, avant de revenir à Plainfaing. Pour chacun d'entre eux, il s'agit désormais de plonger dans la clandestinité. Contacté par Prosper Cuny, "ex-secrétaire de la cellule de Plainfaing", et par Joseph Luron, Joannès fait la connaissance de Marcel Simon (Charlot, Pierre) dès le 9 avril 1943. Le résistant lui demande de recruter des camarades pour former un groupe FTP. Ils seraient payés 1 800 F par mois.

    La rencontre entre les volontaires et Marcel Simon a lieu le 25 avril 1943, au café de Mme Joannès à Fraize. Simon, Chaunavel, Joannès et Viry forment "un groupe de quatre hommes de partisans volants". Ils opéreront avec deux "francs tireurs" - Roger Lathmann, alias Marcel, de Plainfaing, et Jacques, de Nancy, sans aucun doute Maurice Flachat - ainsi qu'avec une agent de liaison (Georgette : Marie-Jeanne Staub). Dès la nuit du 25 au 26 avril 1943, Simon et Joannès réalisent le cambriolage de la mairie de Mandray (Vosges), où ils récupèrent des tickets d'alimentation, des cachets de la mairie, une somme de 40 000 F. C'est le premier événement mentionné dans "le rapport sur la composition et l'action des FTP de Meurthe-et-Moselle et des Vosges" rédigé par Marcel Simon et remis le 3 mai 1943 à Georges - non identifié - qui est responsable régional du PCF, après Marceau - vraisemblablement Auguste Deloison - et avant Jules Didier, alias Jean.  

    Voici quelles sont les opérations du groupe.

Nuit du 25 au 26 avril 1943 : cambriolage de la mairie de Mandray (Vosges) par Pierre (Simon), Paul (Joannès) et Marcel (Lathmann).

Nuit du 25 au 26 avril 1943 : Rapport d'opérations : "Mickey (Chaunavel) et Gaston (Viry) ont été à la gare de Saint-Dié où nous devions mettre hors d'état un[e] ou plusieurs locomotives. Quand Pierre et Paul sont arrivés, ils avaient coupé les raccords de frein à au moins quinze wagons. Ensuite nous avons miné l'embiellage d'une loco, le coup n'ayant pas parti, nous avons été rechercher la charge et nous sommes partis." Louis Chaunavel précise de son côté avoir sectionné "cinq ou six" accouplements de freins Westinghouse en caoutchouc, et Robert Viry "deux ou trois". Tous deux affirment que c'est Marcel Simon qui leur a donné cet ordre. René Joannès, qui avec Roger Lathmann et Marcel Simon a participé au cambriolage de la mairie de Mandray, affirme : "En nous attendant, [Viry et Chauvanel] qui savaient déjà ce qu'ils avaient à faire avaient déjà coupé une quinzaine de tuyaux de trains, je crois ; Simon et moi, nous n'en avons pas coupé."

27 avril 1943. Chaunavel et Viry partent en train en direction de Nancy. Ils retrouvent Simon et Joannès dans un café (Strock) de Jarville, et y passent la nuit. Ce sera une des habitudes du groupe : dîner dans un restaurant de l'agglomération de Nancy ou du département.

28 avril 1943. Chaunavel et Viry gagnent un nouveau lieu de rendez-vous fixé par Marcel Simon : "une baraque abandonnée située sur la route de Nancy à Toul, non loin de la poste de Velaines. [...] Simon nous a conduits à 300 m de la maison abandonnée ou à la lisière du bois, il m'a fait installer ma toile de tente ou plutôt la toile composée de quatre coins qui m'appartenait. [...] Simon a décidé [...] de nous remettre un revolver et des cartouches ; pour ma part j'ai reçu un pistolet automatique du calibre de 7 m 65 avec un chargeur garni de sept cartouches, en nous recommandant de nous en servir contre ceux qui tenteraient de nous arrêter" (PV d'audition de L. Chaunavel, 11 mai 1943). "Pour ma part je recevais un revolver de calibre 10 avec un chargeur complet et il restait encore sous la tente une arme ou deux en réserve" (PV d'audition de R. Viry, 11 mai 1943). Le soir, tous quatre retournent manger chez Strock à Jarville avant de se livrer à une succession d'opérations.

Nuit du 28 au 29 avril 1943 : Rapport d'opérations : "Pierre, Paul, Gaston et Mickey ont coupé les raccords de frein à quatre wagons sur le raccordement de la Mécanique moderne à Maxéville, nous sommes entrés dans les bureaux où nous avons pris une machine à écrire, une enveloppe contenant 230 F 40 remise à Georges le 30 avril ; nous avons été dans la salle du compresseur où nous avons mis de la ferraille dans le moteur afin de le rendre hors d'usage. Je ne connais pas encore le résultat." Puis le groupe opère le minage d'une tête de pylône à l'usine Solvay. Au sujet de ce sabotage, René Joannès raconte : "Arrivés au pied d'un pylône [de ligne téléphérique], Simon m'a désigné pour monter après celui-ci, il m'a expliqué que je devais attaquer en haut une charge de dynamite et y mettre le feu. Je suis monté à moitié de ce pylône et je suis redescendu, ne voulant pas accomplir ce travail. Simon y est alors allé lui-même. [...] Après avoir parcouru 800 m environ, nous avons entendu une forte détonation." Rapport de Marcel Simon : "Il nous a semblé entendre le bruit de la chute des bennes dans la Meurthe, c'est tout ce que je peux dire car je n'en sais pas plus."

29-30 avril 1943. En l'absence de "Simon qui nous a quitté vers midi" (R. Joannès), les FTP restent au camp de la forêt de Haye.

30 avril 1943. Les partisans de Marcel Simon le retrouvent à Nancy, où ils mangent de nouveau dans un restaurant (le Ferry III). Puis tous se portent jusqu'au bord du canal à Jarville, volant deux bicyclettes. Enfin, ils tentent de faire sauter une péniche. René Joannès : "Simon nous a commandé de mettre celle-ci en travers du canal, afin de barrer la navigation. Pendant cette opération, nous avons fait du bruit, les mariniers se sont réveillés. Le marinier étant sorti sur le pont, nous avons pris la fuite en direction de Heillecourt." Ultérieurement, Joannès ajoutera dans sa déposition qu'il a accompagné Simon, avenue de Gentilly à Nancy, pour un rendez-vous avec Georges. Marcel Simon remet à son "chef" une somme de 39 979,65 euros dérobée à Mandray

1er-2 mai 1943. Repos au camp. Marcel Simon qui était absent revient l'après-midi du 2.

2 mai 1943. Le groupe se rend à Toul et mange le soir dans un restaurant, dont la serveuse est Georgette. Il s'agit de l'agent de liaison de Simon, Marie-Jeanne Staub. Celle-ci a recueilli des informations sur le camp d'internement d'Ecrouves, près de Toul. 

3 mai 1943. Tandis que Simon va rencontrer Lathmann (Marcel) au terminus de Laxou (il devait voir également ce jour-là Georges à qui il devait remettre son rapport), ses compagnons restent au camp. A son retour, il leur donne l'ordre de voler une voiture (ou une camionnette) pour que Simon puisse se rendre "dans l'Aisne où il avait des amis et où il avait un dépôt d'explosif" (L. Chaunavel). Ce dépôt se trouve à 266 km de Nancy, où Simon "serait connu sous le prénom de Louis" (R. Joannès). On se souvient qu'il y a un mois encore, Marcel Simon se trouvait à Montigny-Lengrain, dans l'Aisne. C'est sans doute dans ce secteur qu'il dispose d'un dépôt. Première tentative de vol de véhicule : au garage allemand du boulevard Albert-1er, à Nancy, dans la nuit du 3 mai au 4 mai. C'est un échec.

4 mai 1943. Simon se rend à Toul. Il revient le lendemain.

Nuit du 5 au 6 mai 1943. Nouvelle tentative de vol de véhicule, à Gemonville, nouvel échec. Par ailleurs, "Simon s'était muni d'explosif avec l'intention de faire sauter un pylône électrique près d'Autreville" ( L. Chaunavel).

6 mai 1943. Au passage à Toul, Simon quitte ses camarades. Il "nous ordonnait au cas où il ne serait pas là pour 19 h de lever le campement, de replacer les affaires dans les tonneaux, de dissimuler ceux-ci dans le sol, et de le rejoindre aussitôt sous le pont en reconstruction de la Moselle. Mais comme il pleuvait très fort cette soirée-là, aucun de nous trois n'a obéi, et Simon rentrait le lendemain furieux et plein de reproches" (R. Joannès).

7 mai 1943. Nouvelle tentative de vol de voiture à Toul. Encore un échec.

8 mai 1943. Retour au camp de Marcel Simon qui se rend à Nancy.

Nuit du 9 au 10 mai 1943. Le groupe se rend à Laneuveville pour faire sauter un pylône électrique. Simon "a allumé la mèche pendant que nous faisions le guet", déclare Louis Chaunavel, mais aucune explosion ne se produit. Leur chef "a constaté que la poudre dont il s'était servi n'avait pas brûlé". Le groupe se rend au camp par Heillecourt et Vandoeuvre où il cherche à nouveau à dérober une voiture. Mais Chaunavel a "constaté qu'il ne restait que trois litres d'essence" (R. Joannès).

11 mai 1943. Marcel Simon abattu par la police, ses trois hommes arrêtés. "Cette nuit nous devions chercher à dérober une voiture allemande" (L. Chaunavel). Simon a dû voir Georges "cet après-midi encore dans les fonds de Toul" (R. Viry).

    D'autres arrestations sont opérées dans les jours suivants dans l'entourage du groupe. Ils sont treize résistants pris au total. Tous sont déportés. Deux ne reviennent pas : Robert Viry et Joseph Luron. 

    Il faut attendre début août 1943 pour que d'autres FTP relèvent le gant en Meurthe-et-Moselle. 

    Sources : dossier consacré à Marcel Simon, 1251 W 13012, Archives départementales de la Meuse ; J.-Cl. MAGRINELLI, Militants ouvriers de Meurthe-et-Moselle sous l'Occupation, Kaïros/Histoire 2020.


mardi 28 janvier 2025

Quelques cadres du PCF clandestin dans le quart nord-est de la France (1941-1943)


Joseph Raynaud, arrêté à Port-sur-Saône, déporté à Buchenwald. (Source : Arolsen).

    Après la défaite de la France (juin 1940), le Parti communiste français (PCF), toujours interdit depuis le 26 septembre 1939, cherche à se réorganiser dans la clandestinité. Des militants sont envoyés dans les différents départements (régions) pour rassembler les énergies, structurer le Parti, développer (à partir de juin 1941) le mouvement de résistance Front national de lutte pour l'indépendance de la France, ainsi que les Francs-tireurs et partisans français.

    Nous avons cherché, à partir des procès-verbaux d'audition des militants et sympathisants arrêtés, des rapports d'enquête de police, des dossiers d'instruction, d'identifier autant que faire se peut qui étaient ces envoyés spéciaux venus notamment de la région parisienne et connus sous des pseudonymes. Ce travail porte sur le quart nord-est de la France, c'est-à-dire sur le territoire des interrégions 21 (Franche-Comté, partie de la Lorraine, partie de la Champagne), 28 (Champagne-Bourgogne) et 25 (Nord-Pas-de-Calais, partie de la Picardie, partie de la Champagne, partie de la Lorraine). En voici quelques exemples.

TournierMarcel SERVIN (1918-1968), né à Versailles, domicilié à Belfort puis à Nîmes à partir de septembre 1941. Présent dans l'Est, au moins en juillet 1943 (Chaumont, Nancy, Besançon...), comme "intertechnique". Affecté ensuite en Bretagne. Il est peut-être remplacé par Gaston HUET, né à Chaumont en 1922, nommé "responsable technique" pour l'interrégion le 25 juillet 1943 (selon ses déclarations), arrêté par la 12e brigade régionale de police à Chaumont le 4 septembre 1943, déporté le 12 mai 1944 à Buchenwald, rentré.

Gerbault : Marcel MUGNIER (1906-1970), né au Creusot (Saône-et-Loire), domicilié à Boulogne-Billancourt, responsable du FN dans l'Yonne puis interrégional FN dans l'interrégion 21, arrêté par la feldgendarmerie en gare d'Epinal le 4 août 1943, évadé le même jour de l'hôpital de Golbey, réfugié en Haute-Saône puis passé dans d'autres interrégions.

Lambert. D'après le PV d'audition de Gaston Huet, la police le décrit en 1943 comme âgé d'environ 28 ans (donc né vers 1915), d'une taille de 1,70 m environ, de "corpulence plutôt forte". Lambert, responsable aux cadres, est vu à Chaumont le 11 juillet 1943 puis dans le train Paris-Belfort le 25 juillet 1943, et à Nancy le lendemain pour un rendez-vous avec M. Mugnier et M. Servin notamment. Le nom de Lambert est effectivement cité dans les notes prises sur Mugnier le 4 août 1943. Il pourrait s'agir de Jules DEVAUX, alias Célestin, né au Houlme (Seine-Maritime) en 1913, cordonnier, domicilié à Saint-Denis, clandestin depuis 1940, et dont le frère Fernand a été déporté à Auschwitz en 1942. Selon Albert Ouzoulias, Jules Devaux était un cadre communiste en Franche-Comté et Lorraine, ayant eu un rendez-vous avec Pierre Georges (commandant Patrie) et M. Mugnier le 2 août 1943 (ou peut-être le 3) à Lure (Haute-Saône), ce qui est compatible avec une fonction d'intercadres. Par ailleurs, Devaux a initialement été confondu par les enquêteurs allemands avec Robert Dubois, responsable de la commission des cadres du PCF, ce qui rend également crédible une mission dans ce domaine de compétence à l'échelle interrégionale. Sources : fiche relative à Jules Devaux, Archives de la préfecture de police de Paris (APP) ; A. Ouzoulias, Les Bataillons de la jeunesse, Editions sociales, 1967. 

Marceau. Selon le PV d'audition d'Emile Killing, c'est un homme âgé de 45 à 50 ans, "responsable pour la région Est de la propagande" du PCF, que Killing a rencontré pour la première fois fin février - début mars 1943 à Varangéville (Meurthe-et-Moselle), et qui a cessé ses fonctions en avril 1943. La police française ajoute que ce militant recevait sa correspondance au nom de "Marceau Dartois", était un ancien employé des chemins de fer et avait l'accent du Nord".  Marceau semble correspondre, selon ces précisions, à Maurice DELOISON (1906-?), né à Argenteuil (Seine-et-Oise), domicilié à Calais. Ancien combattant 14-18 (blessé en 1916, fait prisonnier en 1917). Adhérent du PCF et de la CGTU, employé des chemins de fer à Avion (Pas-de-Calais). Adjoint au maire de sa commune. Arrêté début décembre 1939 par la police française. Membre du PCF clandestin dans le Pas-de-Calais puis dans les Ardennes. Arrêté dans les Ardennes, condamné le 13 septembre 1941 par la section spéciale de Nancy. Evadé de la maison d'arrêt de Nancy dans la nuit du 16 au 17 octobre 1941 (cf. notice d'Emile Rogé). Aurait effectivement été nommé dans l'Interrégion Est par Auguste Lecoeur vers l'automne 1942. Passé en Algérie (témoigne lors du procès Pucheu en mars 1944). Sources : 2496 W 85, ADMM ; Maitron. 

Georges. Non identifié. Selon Emile Killing, il succède à Marceau en avril 1943. Agé d'une quarantaine d'années environ. Il s'agit du militant à qui Marcel Simon, chef régional FTP de Meurthe-et-Moselle, remet son rapport d'opérations le 3 mai 1943. Puis Georges cesse ses fonctions en mai 1943 au profit de Jean (Jules Didier). Source : 2496 W 85, ADMM.

Autres cadres en poste dans l'interrégion Est

GUILLOIS (René) (1906-1983). Né à Montreuil (Seine). Employé de voirie à Neuilly-sur-Marne. Marié, deux enfants. Se dit adhérent du FN. Sillonne le département de la Haute-Marne à partir de fin juin 1942 pour recruter des adhérents. Arrêté le 16 août 1942 par la police française en gare de Vesoul (Haute-Saône) alors qu'il se rendait chez Marcel Hacquard (arrêté la veille) à Noidans-lès-Vesoul. Interné à Besançon, La Santé, Fontevrault, Blois, Compiègne. Déporté le 6 avril 1944 à Mauthausen. Rentré. Source : L. FONTAINE, Des Hommes, Liralest, 2023.

DIDIER (Jules) (1903-1991). Né à Dannemarie (Doubs). Ebeniste d'art à Vesoul. Marié. Arrêté à Vesoul par les Allemands le 21 juin 1941. Evadé le 19 février 1943. Recueilli dans l'Aisne. Rejoint Vesoul. Nommé responsable régional pour le Doubs et le Territoire-de-Belfort, puis en Meurthe-et-Moselle. Connu sous le nom de Jean à partir de mai 1943. Echappe à l'arrestation à Giraumont (M.-et-M.) le 15 août 1943. Affecté à compter du 15 septembre 1943 à la Haute-Marne pour "organiser le FN et les FTP". Y est connu sous le nom de Mercier. Quitte la Haute-Marne le 5 janvier 1944 pour le Doubs. Sources : archives de Jean-Marie Chirol, club Mémoires 52 ; L. FONTAINE, Des Hommes, op. cit. 

PATTINIEZ (Emile) (1903-1992). Né à Dunkerque. Adhérent de la CGT et du PCF. Marié, cinq enfants. Contribue à réorganiser le PCF dans le Nord. Condamné en octobre 1940 par contumace. Nommé en Meurthe-et-Moselle en septembre 1942 sous la fausse identité d'"Edouard Monier". Arrêté à Champigneulles par la 15e brigade régionale de police le 15 novembre 1942, trois jours après Lucien Richier (cf. notice d'Emile Rogé). Transféré à la Sipo. Déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen. Rentré de déportation. Source : J.-Cl. MAGRINELLI, Dictionnaire des militants ouvriers de Meurthe-et-Moselle sous l'Occupation, Kaïros, 2020.

ROGE (Emile) (1895-1958). Né à Nancy. Marié, quatre enfants. Conseiller municipal à Saint-Dié (Vosges). Interné au camp de Sablou (Dordogne) en 1940. Arrêté à Saint-Dié en mars 1941. Condamné en septembre 1941 à cinq ans de travaux forcés par la cour spéciale de Nancy pour infraction au décret du 27.09.1939. Evadé le 16 octobre 1941 de la prison de Nancy avec François Clauvelin, Maurice Deloison et Léon Lutherer. "Toutes les portes, y compris celles du réfectoire, étaient ouvertes. [...] Nous sommes passés à une dizaine de mètres de deux gardiens et d'un soldat allemand." (PV d'audition d'Emile Rogé). Tous quatre s'évadent depuis le réfectoire. Monte avec Deloison dans un train de marchandises à destination de Noisy-le-Sec. Selon ses déclarations, travaille aux halles à Paris où il vit d'octobre 1941 à "fin septembre - début octobre 1942". Part pour Commercy puis Vignot (Meuse). Mis en cause par Lucien Richier, arrêté par la police française le 12 novembre 1942 à Paris, qui déclare que Rogé est le "responsable pour l'acheminement des colis de propagande communiste pour la région Est". Arrêté le 15 décembre 1942 à Vignot par la 15e brigade régionale de police de sûreté, porteur des fausses cartes d'identité aux noms d'André Bidard et Raymond Clauss. Nie avoir repris contact avec la IIIe internationale. Interné à Compiègne. Déporté le 24 janvier 1943 à Sachsenhausen. Libéré le 5 mai 1945. Sources : 1251 W 1301 (2), AD Meuse ; Geneanet.

RAYNAUD (Joseph) (1894-1962). Né à Puligny-Montrachet (Côte-d'Or). Condamné en décembre 1939 par le tribunal militaire de Montpellier à deux ans de prison pour activité communiste. Interné à Clairvaux jusqu'en juin 1940. Travaille à l'arsenal de Dijon comme sellier-garnisseur (employé auparavant dans une carrosserie à Hyères, dans le Var). Repéré par la police qui le soupçonne d'être secrétaire de la section du PCF à Dijon, quitte son emploi le 20 mars 1942. Selon ses déclarations, se rend à Troyes puis à Paris. Loge dans un garni rue des Fossés-Saint-Marcel à Paris dans la nuit du 7 au 8 août 1942. Présent dès le 1er novembre 1942 à Port-sur-Saône (Haute-Saône) où il reçoit en gare des colis au nom d'André Legrand. Arrêté le 26 novembre 1942 par la police française à Port-sur-Saône. Selon la police, était responsable du PCF clandestin en Haute-Saône. Déporté le 14 mai 1944 en Allemagne. D'après sa fiche Arolsen, son épouse habitait à Boulogne-Billancourt, son frère à Dôle. Libéré le 11 avril 1945. Source : 163 W 3087, AD Marne.

DESIRAT (Charles) (1907-2005). Né à Paris. Adhérent du PCF, employé de la Ville de Paris. Marié, trois enfants. Arrêté après la manifestation du 11 janvier 1941 à Paris, condamné le 12 février 1941 à 18 mois de prison. Evadé de Compiègne dans la nuit du 21 au 22 juin 1941. Envoyé dans les Vosges sous le nom de Roger. Arrêté entre le 15 et le 18 novembre 1942 (à Epinal selon Jean-Claude Magrinelli). Déporté à Sachsenhausen le 24 janvier 1943. Rentré. Sources : Maitron (notice de Claude Pennetier) et J.-Cl. MAGRINELLI, op. cit.