mardi 24 janvier 2023

La compagnie Heidet, maquis Duguesclin


Des volontaires du maquis Duguesclin, après la libération de Chaumont. 
(Collection club Mémoires 52).


Parmi les unités FFI de la Haute-Marne, le maquis Duguesclin se distinguait, nous l'avons déjà écrit, par le nombre d'officiers et de sous-officiers de carrière qui l'encadraient. La 1ère compagnie en était un exemple éloquent. 

Cette unité était commandée par le lieutenant Pierre Heidet, 38 ans, de Neuilly-sur-Suize. Sa 1ère section était placée sous les ordres d'un Bragard de naissance, le sous-lieutenant Henri Bigorgne, qui s'est marié à Chaumont. Il avait pour adjoint un Vendéen, l'adjudant Constant Brochard. Né à Saint-Vincent-sur-Graon en 1902, Brochard, sous-officier de carrière, s'était installé en Haute-Marne comme brigadier des Eaux et forêts, d'abord à Ormancey, puis à Cour-l'Evêque. Membre du FN dès 1941, cet habitant de Coupray avait entrepris de diriger des requis du STO vers des chantiers forestiers pour en faire ultérieurement des maquisards. 

L'adjudant-chef Jules Meyer, Franc-Comtois de 45 ans, retraité depuis le 1er septembre 1940, employé à l'intendance militaire de Chaumont depuis le 25 février 1941, commandait la 2e section, avec pour adjoint l'adjudant-chef François Frey, 47 ans, qui lui était Vosgien. Retraité le 1er septembre 1941, Frey était, depuis février 1941, contremaître dans des exploitations forestières d'Arc-en-Barrois, travaillant notamment pour le comte de Paris. 

La 3e section avait pour chef l'adjudant-chef René Karr, né à Joinville en 1905, prisonnier de guerre rapatrié fin 1942 et dès lors employé par le Centre de libération des prisonniers de guerre de Chaumont. Le sergent-chef Roger Petitot, de Leffonds, était un de ses chefs de groupe.

Figuraient également, parmi les sous-officiers de la compagnie Heidet, des artilleurs, comme l'adjudant Jean Prodhon, natif de Beauchemin, maréchal des logis en 1939, ou l'adjudant Robert Frey (homonyme du contremaître arcquois), ainsi qu'un militaire du train, l'adjudant-chef Lucien Fréquelin, d'Arc-en-Barrois, qui s'était battu en Syrie contre les Anglais en 1941...

Maquis de Côte-d'Or

François Frey et Constant Brochard commandaient deux groupes qui ont formé, fin août 1944, le noyau du maquis Duguesclin, placé sous les ordres du capitaine René Schreiber. Tous deux étaient initialement en contact avec les responsables du maquis Blonde, de Gurgy-la-Ville (Côte-d'Or). Frey dira pour sa part avoir reçu l'ordre du lieutenant Perrin (Blonde) de "mettre sur pied un groupe mobile dans la forêt d'Arc-en-Barrois".  Son camarade Brochard précisera ensuite : "Le capitaine Schreiber et le lieutenant Parcollet viennent prendre contact avec nous à Montrot et il est décidé que les officiers chaumontais feraient l'encadrement de nos groupes avec constitution d'un maquis haut-marnais dans la forêt d'Arc (maison forestière de Champlain), après autorisation du général (sic) commandant les FFI de Côte-d'Or (...) Du 25 au 27 (août 1944), tout était rassemblé au maquis, savoir le groupe Frey, 35 hommes environ, et les 50 hommes que j'amenais de Coupray, Cour-l'Evêque, Créancey et Latrecey avec le patriote Tissut et le père Maingon [Léon-Henry Maingon, 66 ans, de Latrecey] que nous cachions depuis quelque temps dans le maquis du fait qu'il était traqué par les Allemands. J'emmenais aussi au maquis un blessé que nous cachions à Coupray et dont la tête avait été mise à prix par les Allemands (Huleux Henri, du Nord)..." 

Ayant changé de camp "en raison du manque d'eau à Champlain" (le noyau du maquis gagna alors la forêt au sud-ouest d'Arc-en-Barrois et de Giey-sur-Aujon), la compagnie Heidet fit ensuite son entrée dans Arc que venaient d'évacuer les Allemands le 31 août 1944. Elle alla immédiatement garder les issues du bourg pour dresser des embuscades. Le groupe Petitot prit ainsi position sur la route de Langres, avec l'adjudant-chef Karr et l'adjudant Brochard. Le 3 ou le 4 septembre 1944, il fut attaqué par des Allemands alors qu'il occupait une maisonnette près de la forêt. "Sous la violence du choc, écrit le sergent-chef Petitot, le groupe, en essayant de se dégager, se trouva dispersé et l'adjudant Brochard nous regroupa à (la ferme de) Sautreuil. Au cours de cette action, il fut blessé à une jambe. Après avoir reçu des premiers soins, il fut transporté à Arc par le fermier Bégin après la fin de l'action."

Pendant qu'une partie de la 1ère compagnie, avec Bigorgne et Karr, restait dans la région d'Arc pour assurer la sécurité du camp, le reste de l'unité et du maquis faisait mouvement à partir du 2 septembre 1944 en direction de Chaumont, ville dans laquelle les FFI du capitaine Schreiber devaient entrer le 13 septembre. 

Après la libération de la Haute-Marne, Brochard, devenu adjudant de compagnie, retrouvait son poste aux Eaux et forêts, François Frey, promu sous-lieutenant FFI, rejoignait le service du matériel à Chaumont, Henri Bigorgne, nommé lieutenant, et Jules Meyer, passé aspirant, s'engageaient dans le 1er bataillon du 21e régiment d'infanterie coloniale...

Sources : Combattants volontaires de la Résistance, 1548 W 1, 1548 W 2, 1548 W 4, ADHM ; journal des marches et des opérations du maquis Duguesclin, archives club Mémoires 52. 

lundi 9 janvier 2023

1943 en Haute-Marne (janvier)


Raoul Gauthier (1911-1944)


 4 janvier : arrestation, par la feldgendarmerie, de l'agriculteur Louis Brulin, à Annonville. L'occupant voulait réquisitionner la ferme de La Vallée au titre de l'Ostland. Louis Brulin, dont le fils avait été arrêté à deux reprises en mars et avril 1942, sera emprisonné à Chaumont, à Clairvaux, puis interné à Compiègne. Mais il ne sera pas déporté. 

. les Chaumontais François Andriot et Charles Husson, qui ont quitté Chaumont un mois plus tôt pour rejoindre la France libre, sont internés dans le camp de Miranda (Espagne). 

7 janvier : arrestation, à Epernay (Marne), du résistant Pierre Johnson. Il était depuis décembre 1941 le chef du secteur 231 du SR Kléber et, avec la complicité du docteur Pierre Vesselle, il avait accompli l'exploit, au printemps 1942, de dérober à Saint-Dizier le Livre des suspects. Johnson, qui agissait sous la couverture d'un agent immobilier installé à Chaumont, sera déporté le 27 avril 1944.

8 janvier : déportation vers une prison allemande de deux habitants de Rachecourt-sur-Marne, Maurice Burgnies, 23 ans, et Lucien Lefranc, 26 ans. Tous deux avaient été arrêtés le 28 novembre 1942 à Strasbourg parce qu'ils refusaient de travailler en Allemagne. Ils seront déportés à Dachau. 

9 janvier : arrestation du Bragard Roger Roussia. Sa particularité : il travaillait tout à la fois pour la Sipo-SD et pour la Résistance. Il sera notamment déporté à Dora. 

12  janvier : arrestation à Bourbonne d'Emile Thirion et Joseph Cauler. Cafetier dans la cité thermale, Thirion sera déporté le 16 avril 1943 à Mauthausen. 

13 janvier : décès à la centrale de Fontevraud (Maine-et-Loire) du militant communiste Louis Ravier, né à Arnoncourt,

. Arrestation à Annéville-la-Prairie de Jules Giudice, travailleur en Allemagne. Déporté le 16 avril 1943 à Mauthausen, décédé le 12 janvier 1944 à Gusen. 

15 janvier : contact entre les résistants Henri Hutinet, de Bannes, et Roger Dimey, de Chaumont, par l'intermédiaire du libraire Jean Le Magny. 

16 janvier : arrestation, à Chaumont, du commissaire de police Armand Charrié et, à Dampierre, du garde forestier Roger Perrin. Ils travaillaient tous deux pour Pierre Johnson (SR Kléber) arrêté neuf jours plus tôt. Emprisonné après avoir été longuement interrogé par la Sipo-SD, Charrié sera libéré en février 1944 et reprendra son poste à la libération. Déporté le 22 janvier 1944 à Buchenwald, Perrin est décédé à Hartheim en décembre 1944.

19 janvier : arrestation de Julien Simon, électricien à Saint-Dizier, car il ne portait pas l'étoile jaune. Il sera assassiné au camp de Sobibor. 

21 janvier : départ en déportation de Germain Royer (Laferté-sur-Aube), décédé à Brieg-sur-Oder le 19 décembre 1944.

22 janvier : départ en déportation de Raoul Gauthier (Daillancourt), exécuté à Breslau le 14 septembre 1944. "Bien chers tous. Je suis dans un train qui part très certainement pour l'Allemagne... Le moral est très bon comme il a toujours été", écrit-il à sa famille. 

. Arrestation de Gabriel Lallement (Courcelles-sur-Blaise), prisonnier évadé. Il sera reconduit en Allemagne.

. Signature par Pierre Laval du décret actant le transfert de la sous-préfecture de l'arrondissement Nord de Wassy à Saint-Dizier. 

24 janvier : départs en déportation de Pierre Benoist (Wassy, mort à Sachsenhausen le 23 janvier 1945), Alphonse Corroy (Liffol-le-Petit), Roger Fourrier (Doulaincourt, décédé en juin 1944), Roger Guyot (Joinville), Adolphe Kahn (Saint-Dizier, disparu en déportation), Henri Maupin (Nogent, mort le 29 juin 1943 à Oranienburg), Roger Murer (Brousseval), Louis Richard (Wassy), Pierre Robert (Bologne), Georges Savary (Saint-Dizier), Louis Schehr (Rimaucourt), Charles Triffaut (Curel).

25 janvier : le pilote FAFL Robert Gouby, de Bourbonne-les-Bains, est fait membre de la Légion d'honneur. 

27 janvier : arrestation de Marius Bocquenet, gardien-chef de la prison de Wassy. Ce gendarme retraité était accusé d'écouter la radio anglaise. Déporté le 28 avril 1943 à Sachsenhausen, ce natif de Vesaignes-sur-Marne est décédé le 15 juin 1943 dans ce camp. 

. Déportation de Joseph Lapoire (Thonnance-lès-Joinville) à Sachsenhausen. 

29 janvier : la préfecture informe par télégramme le gouvernement français du nombre d'étrangers domiciliés en Haute-Marne. Ils sont 5 759, dont 1 811 Italiens, 1 306 Polonais, 773 Suisses, mais également 24 Américains, quatorze Britanniques, deux Syriens, un Palestinien, un Argentin... et un Guatémaltèque. 

- René Jeanson (Saint-Dizier) arrive au camp de Natzweiler.