lundi 26 novembre 2018

Charles Beaudouin (1812-1871), militaire et conseiller général



La bataille de Rézonville, à laquelle participa le colonel Beaudouin. (D'après Edouard Detaille). Illustration parue dans "La guerre de 1870-1871 illustrée".


Charles-Gustave Beaudouin est né à Bourmont le 11 mai 1812. Il est le fils de Claude-Charles Beaudouin, marchand, et de Jeanne-Françoise-Marguerite Bailly. Avant lui, le couple, uni en 1797, a donné naissance à Charles (en 1798), Jean-Charles (1799), Nicolas-François (1802) et Charles-Joseph (1804).

Selon M. Berthel, auteur en 1923 d'une notice biographique parue dans le Pays lorrain, Charles Beaudouin fait ses études au collège de sa ville natale, puis chez les jésuites à Dôle (Jura), enfin à l'école Sainte-Barbe. Incorporé dans l'école polytechnique, il fait partie du contingent des 80 jeunes élèves qui rejoignent l'armée de terre en 1833.
Elève ensuite à l'école d'application de l'artillerie de Metz, le Bourmontais est nommé lieutenant en second le 1er octobre 1835, à l'âge de 23 ans, et rejoint le 5e régiment d'artillerie à Rennes. C'est dans cette ville que, lieutenant en second dans la 7e batterie, il épouse, le 16 janvier 1839, Marie-Louise-Joséphine-Eulalie Raulin, 19 ans, fille d'un lieutenant-colonel d'artillerie ardennais. Le maréchal de camp Félix Lasnon, le capitaine François Dumarchais, et le chef d'escadron Adrien Dufrayer, tous artilleurs, figurent parmi les témoins de l'union. Le bonheur sera de courte durée. Un enfant naîtra en 1840, mais Mme Beaudouin décède le 6 mai de la même année. L'officier haut-marnais ne refera jamais sa vie.

Nommé capitaine en second le 18 février 1841, Beaudouin, qui a servi à la manufacture d'armes de Mutzig, puis à Lille, est détaché à la direction d'artillerie de Strasbourg, puis rejoint le 14e régiment d'artillerie à Douai. Plus ancien capitaine-commandant de batterie de cette unité, en 1852, il reçoit des éloges de son colonel, qui le considère comme «le meilleur capitaine du régiment». Aide de camp du général de brigade Born à Bourges (1852), Beaudouin est fait chevalier de la Légion d'honneur le 1er juillet 1853 comme capitaine du 4e RA. L'année suivante, il est toujours capitaine, au 12e RA «monté», lorsqu'il est enfin promu chef d'escadron, à 42 ans.

La Campagne de Crimée lui donne l'occasion de montrer ses compétences sur un champ de bataille. Embarqué à Marseille sur le bateau La France, le 11 janvier 1855, il débarque le 7 février et va se distinguer le 16 août 1855 à la bataille de Traktir. Il commande alors l'artillerie de la 3e division du 2e corps, composée de la 6e batterie du 7e RA et de la 6e batterie du 13e RA. L'attaque russe a lieu sur le plaine de la Tchernaïa, là où quelques semaines auparavant, son compatriote, le capitaine de Simony (6e dragons), s'illustrait en sabrant les avant-postes russes. L'«Historique du service de l'artillerie au siège de Sébastopol» précise que ce jour-là, «la 6e batterie du 13e régiment a été vivement engagée pendant toute l'action sous le commandement supérieur du chef d'escadron Beaudouin... Elle a beaucoup souffert du feu de l'ennemi... Elle n'avait que deux officiers, tous deux ont été grièvement blessés... Le dévouement du commandant Beaudouin a pu suppléer à l'absence de ces deux officiers ; treize canonniers ont été tués, 22 blessés et 30 chevaux ont été tués ou blessés». Peu après, le Haut-Marnais, cité également par le général Cler, de la garde impériale, pour sa conduite à Traktir, sera fait officier de la Légion d'honneur par le général Pélissier.

Après avoir été adjoint au commandant du grand parc du siège de Sebastopol (colonel Mazure), Beaudouin se bat ensuite en 1859 en Italie (à Magenta, où il met notamment en ligne douze pièces contre les Autrichiens, et à Solferino) et où, selon Berthel, Mac Mahon dira de lui qu'il était «un homme de guerre des plus remarquables sur le champ de bataille». Il est nommé colonel et reçoit, le 3 février 1864, le commandement du 15e régiment d'artillerie.

Nommé commandeur de la Légion d'honneur le 31 août 1867 (après 38 ans de services et quatre campagnes), toujours sur recommandation de Mac Mahon, il est encore à la tête de son régiment lorsque la guerre de 1870 éclate. Rapidement, le 16 juillet 1870, Beaudouin est nommé au commandement de la réserve du 2e corps de l'armée du Rhin, commandé par son compatriote le général Frossard. Il se bat à Forbach puis, à la journée du 16 août 1870 (bataille de Rézonville, Gravelotte, Mars-la-Tour), où le lieutenant-colonel de Maintenant est tué et Frossard blessé. Ce jour-là, Beaudouin se distingue à la tête des batteries de 12. 

Enfermé avec Bazaine à Metz, il est compris dans la capitulation. C'est le jour où, selon Berthel, il aurait dû être nommé général, grade qu'il aurait refusé. Emprisonné à Hambourg, épreuve douloureuse pour lui, Beaudouin rentre en France pour être promu général de brigade, par décret du 20 avril 1871 du Gouvernement provisoire qui «le pria d'aider à réorganiser l'armée». Il a 59 ans. Après la répression de la Commune à laquelle il ne semble pas participer directement, Beaudouin est nommé au commandement de l'artillerie en Algérie. Son temps de commandement est court car il décède à Alger le 13 octobre 1871, «après seulement trois jours de fièvre » (Berthel).

Membre du Conseil général de la Haute-Marne de 1867 à 1871 (représentant le canton de Bourmont, il siégeait notamment aux côtés du général Pélissier, frère du soldat de Sébastopol), il repose à Bourmont, près de la ferme des Noyers.

Copyright club Mémoires 52

Sources : Le Pays lorrain (1923) ; état civil des communes de Bourmont et de Rennes ; annuaires officiels des officiers d'active. A noter que la grande chancellerie de la Légion d'honneur ne conserve pas de dossier à son nom. 

mercredi 21 novembre 2018

Coloniaux haut-marnais sous la IIIe République



Le capitaine Félix Bablon (1874-1909), de Chaumont, tué en Mauritanie.
(Photo "La Dépêche coloniale")

Entre la guerre de 1870 et le premier conflit mondial, c'est hors d'Europe, dans l'Empire colonial essentiellement, mais pas seulement (ainsi en Chine), que les militaires français ont servi la Troisième République. Parmi les officiers haut-marnais, beaucoup se sont retrouvés au cœur d'événements ayant frappé l'opinion française et internationale. En voici quelques exemples, qui montrent que nos compatriotes ont joué un rôle particulièrement actif dans ces opérations au cours desquelles plusieurs ont perdu la vie.

1864. "Excursion" du sous-lieutenant Alexandre André (né à Manois en 1840), du bataillon de tirailleurs sénégalais, de Médine à Koniakary (aujourd'hui au Mali). Ce Saint-Syrien décède le 23 septembre 1867 au Sénégal, après avoir été promu lieutenant (11 août 1865) et commandant du cercle de Matam. Son frère, le capitaine Joseph André (Manois 1835), officier d'infanterie de marine, est, toujours en 1864, le chef d'état-major de la colonne Laprade qui part de Gorée pour construire le fort de Thiès (Sénégal). Lui commandera la place de Bakel.

1875. Combat de Boundou (Sénégal) livré contre les troupes du prophète Amahdou Cheilou. Le capitaine Camille Lambert (Breuvannes-en-Bassigny 1843), du 1er régiment d'infanterie de marine, est blessé d'un coup de feu au pied gauche. Il avait servi auparavant en Cochinchine (1866-1867).

1885-1886. Campagne du lieutenant-colonel Frey dans le Haut-Sénégal et le Haut-Niger pour combattre le chef de guerre Samory Touré et «pacifier» Guoye, le Kamera et le Guidimaka, provinces soulevées «à la voix du prophète Mahmadou Lamine». Le capitaine d'artillerie Pierre Ridde (Donjeux 1851), qui sert au Sénégal et au Soudan de 1882 à 1887, est officier dans la colonne qui obtiendra la signature d'un premier traité de paix avec Samory au printemps 1886.

1891. Prise de Bissandougou, capitale de Samory (9 avril). Ce fait d'armes est à mettre à l'actif du capitaine Hugueny, de Châteauvillain, commandant une colonne volante ayant lutté avec succès contre le chef de guerre africain (qui a incendié la ville avec son palais).

1892. Expédition du Dahomey contre le roi Behenzin. Le lieutenant Paul Jacquin (Wassy 1861) commande la 3e section d'artillerie de montagne au sein du corps expéditionnaire du colonel Dodds. Il sera promu capitaine de 2e classe par décret du 4 novembre 1892. Son camarade Alfred Michel (Bourmont 1868), lieutenant commandant la 2e section d'artillerie, est mortellement blessé le 20 octobre à Apka. L'abbé Vathelet (1843-1893), de Maizières-sur-Amance, était l'aumônier du corps expéditionnaire. Il sera fait officier de la Légion d'honneur le 14 décembre. 

1893. Prise de Tombouctou (12 décembre). Le lieutenant de vaisseau Gaston Boiteux (1863-1897), dont les parents se sont mariés à Meures (son père était lieutenant de gendarmerie à Chaumont, sa mère est née dans ce village), fait son entrée dans la célèbre cité, en dépit des ordres reçus, avec seulement 25 hommes. Il y est assiégé. La marche d'une colonne (lieutenant-colonel Bonnier) permet de le délivrer en janvier 1894 (mort par suicide, Boiteux repose à Meures, où un monument est érigé en sa mémoire).

1894. Anéantissement de la colonne Bonnier à Doingoï (15 janvier). Ce jour-là, le lieutenant-colonel Eugène Bonnier trouve la mort au bivouac de Doukouria assailli par surprise par des touaregs. Parmi les officiers tués également, figurent deux Haut-Marnais : le commandant François Hugueny (Châteauvillain 1847), de Dammartin-sur-Meuse, chef du bataillon de tirailleurs soudanais, et le capitaine Jean-Baptiste Tassard (Andelot 1857), qui commande sa 5e compagnie. Tous deux donneront leur nom à des rues – voisines - de Chaumont.

1895. Combat de Mapa, en Guyane (15 mai). Débarqué à la tête de 24 marins, l'enseigne de vaisseau Raoul Martin d'Escrienne (Langres 1869 – Paris 1932), qui sera propriétaire du château de Chaudenay, est grièvement blessé au visage par un coup de feu, tandis que le capitaine Lunier, chef du détachement, est abattu. Le Langrois sera fait chevalier de la Légion d'honneur le 3 juillet.
1895-1896. Expédition de Madagascar, à laquelle participent notamment les lieutenants Paul Mathieu (Ormancey 1868), du bataillon de tirailleurs haoussas, Jules Guillaumet (Brachay 1860), du régiment colonial - tous deux tomberont, chefs de bataillon, pendant la Grande Guerre.

1898. Le capitaine Claude Germain (Saint-Urbain 1852), chef du 1er escadron de spahis sahariens, relève, avec le célèbre capitaine Laperrine, 660 km d'itinéraires nouveaux dans le Sahara, entre Fort Mac Mahon et In Salah.
1898. «Incident» diplomatique franco-britannique de Fachoda (Soudan), impliquant la mission Congo-Nil du capitaine Marchand (septembre-novembre). A l'époque, le lieutenant Emile Poinsel (Bize 1867) servait dans la 10e compagnie (Oubanghi) du régiment de tirailleurs sénégalais, tandis que son compatriote Félix Bablon (Chaumont 1874) était lieutenant dans la 5e compagnie. En septembre 1898, Poinsel appartenait à la garnison de Fachoda, au moment où les troupes anglaises y arrivent.
1898. Capture de Samory Touré par la colonne du capitaine Gouraud (29 septembre). C'est un sous-officier servant sous les ordres du sous-lieutenant Gaston Jacquin (frère de Paul), né à Wassy en 1871, qui s'empare au Soudan du chef de guerre africain et le remet à son supérieur. Sous-lieutenant d'artillerie de marine, Jacquin servait alors dans une compagnie auxiliaire d'ouvriers. Le fait d'armes sera immortalisé par le Petit Journal, et le Wasseyen sera fait chevalier de la Légion d'honneur un mois plus tard, à l'âge de 27 ans.

1899. Le lieutenant Poinsel s'était joint à Bangui à la colonne du capitaine Roulet qui marchait vers le Nil. Ils occupent successivement le fort Desaix, le fort Hossinger, puis plantent le drapeau français le 20 mars 1899, à 350 km au sud de Fachoda. 

1900. Combat de Deghamcha, dans le Sahara (5 janvier). Assurant, à distance, la protection de la mission Flamant, le capitaine Germain affronte, avec ses 60 spahis et les goumiers du capitaine Pein (futur colonel de la Légion étangère), 1 500 touaregs. «Grâce à Dieu, nous leur avons infligé une défaite complète, écrira le Haut-Marnais à sa mère. Le combat a commencé à 7 h 30 du matin et a duré jusqu'à 10 h 20.» Selon Germain, l'ennemi a laissé 150 tués, près de 200 blessés, un drapeau, les Français ne déplorant qu'un spahi tué et six blessés. Colonel de spahis, commandeur de la Légion d'honneur, Germain se retire dans son village natal, où il décède en 1933.

1900-1901-1902. Expédition de Chine. Le capitaine du génie Charles Lindecker, de Chaumont, commande une section d'observation. Il a l'occasion de survoler Pékin en ballon. Le capitaine d'infanterie coloniale Arthur Geoffroy (Biesles 1870) participe également à ces opérations.

1902. Le capitaine Bablon, commandant la 4e compagnie de la colonne Tétart, se distingue à Bir Alali, aujourd'hui au Tchad (20 janvier), puis repousse les Touaregs en ce même lieu rebaptisé Fort-Pradié (1er juin). «Le capitaine Bablon les mit facilement en déroute», dira une relation.

1904. Le capitaine Bablon, ami de Mangin, commande le cercle militaire du Kanem (près du lac Tchad). Il sert alors au régiment indigène du Congo depuis le 30 décembre 1903.

1905. Le lieutenant-colonel Gouraud fait prendre les armes à la garnison de Fort Millot et remet la Légion d'honneur au capitaine Bablon (16 janvier).


1906. Le capitaine Antoine Auvigne (Vesoul 1874), fils d'un enseignant originaire de Maatz, est fait chevalier de la Légion d'honneur après avoir pris M'Balasso et M'Baléma avec le lieutenant Bouet (2-3 août). Officier au 1er RTS, il rejoindra le bataillon de la Guinée avant d'être blessé à Boussédou le 18 février 1907 (il se battra en France comme chef de bataillon d'infanterie coloniale).

1908. Bablon commande le poste d'Akjoujt (Mauritanie), puis la 3e compagnie du bataillon de Mauritanie de la colonne de l'Adra (colonel Gouraud).


1908. Le capitaine Louis Mongin (Biesles 1874), commandant la 3e compagnie du bataillon du Chari (territoire militaire du Tchad), conduit une colonne qui impose au sultan Mohammed es Senoussi, à la tête d'un empire dont la capitale est N'Délé, un nouveau traité avec la France (15 – 30 janvier).


1909. Le capitaine Bablon est tué au combat du camp de Rasseremt par des Talibés (nuit du 27 au 28 avril). Il a reçu une balle dans la cuisse, une dans l'aine, une dans la tête. Comme Hugueny et Tassard, son nom a été donné à une rue de Chaumont. 


1911. Lourdes pertes pour le peloton méhariste de Kiffa à Moulenha, dans le Haut-Sénégal, attaqué par des pillards (12 mai). Son chef, le lieutenant Georges Demassez (Laneuville-au-Bois 1876, puis domicilié à Osne-le-Val), du 2e régiment de tirailleurs sénégalais, est tué avec neuf de ses hommes.

1912. Adjoint du colonel Laperrine, le capitaine Joseph Nieger (1874-1951), d'Eclaron, dirige la mission d'études du chemin de fer transafricain entre Oran et le lac Tchad, qui participa à une meilleure connaissance du Sahara (janvier -novembre).

lundi 12 novembre 2018

Saint-Dizier, berceau du bowling en France



Un des premiers bowlings de France, aux Folies-Bergères, à Paris. 
(Cliché paru dans La Vie au grand air).

La brasserie Georges, à proximité de la gare de Perrache, est l'un des haut-lieux de la restauration à Lyon. L'établissement, fondé en 1836, a compté, parmi ses habitués et ses clients de passage, Lamartine, Verlaine, Jules Verne, Zola, Rodin, Brel, Hemingway... Pourquoi en parler ici ? Parce que début 1909, la brasserie attendait la livraison de deux allées de 20 mètres d'un tout nouveau jeu apparu en France : un bowling. Et que ces installations ont été fabriquées à Saint-Dizier.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce n'est pas avec le Corps expéditionnaire américain, à la fin de la Première Guerre mondiale, que le bowling est apparu en France, mais avant le conflit, en 1907, par l'intermédiaire d'une société américaine toujours en activité, Brunswick – ainsi que le rappellera la justice française.
Fondée par un immigré suisse, la firme possédait des établissements à New York, Cincinnati, Muskogeon, San Francisco et Toronto, et un seul hors du continent américain : dans la cité bragarde, qui attirait donc déjà, dès les années 1900, des investisseurs étrangers, et notamment américains.

A l'origine, le site haut-marnais de la Compagnie Brunswick française, branche hexagonale de la société américaine, qui avait son siège au 19, rue de la Pépinière à Paris, fabriquait des queues de billard. Il était implanté rue (puis avenue) de Bar-le-Duc (actuelle avenue du Général-Sarrail), à une époque où existaient déjà les usines Hachette, Gravigny... Grâce aux recensements, nous connaissons quelques noms d'employés, comme le concierge, Auguste Durantet, né à Puteaux en 1858, domicilié au 78 bis de la rue en 1906.

Les produits issus de la scierie bragarde – où l'Angevin Augustin Rouault exerçait le métier de «billardier» - étaient renommés. Lors d'une exposition industrielle, à Nancy, en 1909, Brunswick était en effet présentée comme le plus important fabricant de billards en Europe. Le catalogue précisait alors que l'usine produisait, chaque année, 12 millions de procédés de queue de billard et 24 000 queues de billard. En outre, la société «construit le fameux jeu de bowling (quilles de précision) qui fait fureur en France depuis deux ans». Une publicité, en 1908, insistait d'ailleurs sur le caractère pionnier du bowling Brunswick, «le fameux jeu de quille de haute précision, le plus entraînant de tous les sports, seul concessionnaire des brevets et fabricants en Europe».

Primée à l'exposition de Bruxelles en 1910, la compagnie, qui possédait une autre usine à Clichy, a notamment produit un billard sur lequel un célèbre joueur, Louis Curé, professeur à l'Académie de l'Olympia, a battu «le record du monde au cadre de 45 à deux coups», en février 1911, «fantastique prouesse» saluée par la presse.

L'activité de la scierie bragarde «Les Billards Brunswick», toujours attestée en 1911, semble avoir cessé avant la Première Guerre mondiale, puisque rapidement, en novembre 1914, le site se transforme en hôpital pour blessés, l'hôpital complémentaire n°41, d'ailleurs connu sous le nom d'hôpital temporaire... Brunswick. Ses locaux seront ensuite occupés par l'usine La France, selon le chanoine Petit.

dimanche 4 novembre 2018

Un "jeune civil" bragard de 16 ans disparu en Champagne



(La fiche "mort pour la France" d'Adrien Thierry. Site : Mémoire des hommes).

Au moment de la mobilisation générale, le 1er août 1914, il fallait avoir 18 ans révolus pour pouvoir s'engager dans les armées, avec le consentement du père, de la mère ou du tuteur. Mais, comme l'a écrit le ministre de la Guerre de l'époque, Messimy, «dans les circonstances présentes, il importe d'utiliser toutes les ressources de la nation et en particulier d'accueillir les offres des jeunes gens en état de porter les armes qui désirent se mettre au service du pays». Ce qui a été rapidement autorisé, dès le 6 août 1914, par un décret signé du Président Poincaré, pour les hommes de 17 ans révolus.
Concernant le Bragard Adrien Thierry, à notre connaissance le plus jeune Haut-Marnais mort aux armées durant le conflit, le cas est différent : âgé de 16 ans au moment de la déclaration de guerre, il sera considéré, par les autorités militaires, comme un «jeune civil qui a suivi le 9e régiment d'infanterie». D'ailleurs, son nom ne figurera pas dans la liste des morts publiée par l'historique du régiment...

Adrien-François Thierry est né à Paris, rue Chaligny (12e arrondissement) le 14 juillet 1898. Il est le fils de François-Charles Thierry, mouleur âgé de 27 ans, et de Louise-Emilie Hélin, blanchisseuse née dans la capitale en 1872, qui résident rue de Charenton. La famille s'installe à Saint-Dizier avant la guerre, après 1906 puisqu'elle ne figure pas dans le recensement réalisé cette année-là. Le déménagement est sans doute motivé par des raisons professionnelles, puisque le père exerce la profession de mouleur dans la cité bragarde. Les Thierry habiteront au 9, rue du Canal, où Louise Hélin décède prématurément, le 2 octobre 1912.
Orphelin de mère, Adrien se retrouve donc, en 1914, à suivre le 9e RI d'Agen (Lot-et-Garonne). L'unité venait de se battre en Belgique, dans les Ardennes, dans la Marne, lorsqu'elle est engagée le 26 septembre 1914 à Hurlus. Puis le 9e RI prend part, le 20 décembre, à l'offensive française en Champagne, enlevant ce jour-là la position des Tranchées Brunes à Tahure. Repoussant les contre-attaques, le régiment fait un nouveau bond en avant le 30 décembre 1914. Son chef de corps, le lieutenant-colonel Dizot, est blessé et évacué. C'est ce jour-là que le jeune Thierry est porté disparu, à Perthes-lès-Hurlus. La partie du journal de marche et d'opérations du 9e RI pour la période située entre septembre 1914 et février 1915 est manquante. Nous n'en saurons donc pas plus sur les circonstances du combat, autres que celles résumées par l'historique du régiment.
Adrien Thierry sera reconnu mort pour la France à la date du 30 décembre 1914, jugement transcrit par la mairie de Saint-Dizier. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la cité.

Parmi les Haut-Marnais engagés avant l'âge de 18 ans et morts pour la France, citons également :
. le caporal Marcel Chamourin, né à Saint-Dizier le 25 janvier 1900. Il s'engage pour la durée de la guerre en mairie de Bar-le-Duc, le 9 mars 1917, à 17 ans et 2 mois, au titre du 109e RI de Chaumont. Passé au 155e RI, caporal le 27 avril 1918, Chamourin est porté disparu le 2 août 1918 sur la Vesles, dans la région de Maast-et-Violaine (Aisne), à 18 ans et demi. Son décès sera établi par un jugement du tribunal civil de Wassy, le 26 mai 1921.
. le soldat Paul Thiebaut, né à Chaumont (à l'école départementale d'accouchement) le 9 juin 1897, fils d'Eugénie Thiebaut, qualifiée de mendiante. Résidant dans l'Aube, soldat au 37e RI de Nancy, il meurt le 16 novembre 1914 lors des combats de Bixschoote (Belgique), à 17 ans et 5 mois.
. le sapeur Raoul Amiot, né le 15 mars 1897 à Vaux-sur-Blaise (fils d'Ernest, manouvrier, et d'Emma-Anna Pierrot), sert au 6e régiment du génie lorsqu'il décède le 3 février 1915 à Arras (Pas-de-Calais), des suites de blessures de guerre, à l'âge de 17 ans et 11 mois. Il dépendait du recrutement de Paris.
. le soldat Pierre Prieur est sans doute le plus jeune engagé volontaire haut-marnais mort au combat. Né le 26 juillet 1897 à Lignol (Aube), Pierre-André Prieur est le fils de Joseph-François Prieur, originaire de Bailly-aux-Forges, et d'Anne-Zélie Prieur. La famille est domiciliée à Froncles, quartier de la Forge, en 1906. Alors qu'il aurait dû être incorporé le 1er septembre 1917, Pierre Prieur, du recrutement de Neufchâteau, s'engage en mairie de Langres le 22 août 1914, au titre du 65e RI, à 17 ans et 1 mois. Arrivé au corps le 25 août, il est porté disparu à Fricourt (Somme), un mois plus tard, le 29 septembre 1914. Cela faisait deux jours que son régiment s'était installé dans le secteur de Bécourt, où le 3e bataillon a dû abandonner le 28 septembre le village de Contalmaison (Somme) «après un combat opiniâtre» (JMO du 65e RI). Pierre Prieur sera déclaré mort pour la France par un jugement transcrit en mairie de Froncles. Sa citation accompagnant la Croix de guerre avec étoile de bronze, publiée par le Journal officiel en 1922, dira sobrement : «Brave soldat. Tombé glorieusement pour la France, le 29 septembre 1914, à Fricourt, en accomplissant son devoir».

Sources principales : Mémoire des hommes ; état civil de Saint-Dizier et de Chaumont ; recrutement militaire (Archives départementales des Vosges) ; Journal officiel de la République française ; «Historique du 9e régiment d'infanterie» ; Mémorial Genweb.