dimanche 10 février 2019

Résistance communiste en Haute-Marne (1) : Jules Didier



Jules Didier, alias "Mercier". (Collection club Mémoires 52).


L'histoire du mouvement de résistance "Front national de lutte pour l'indépendance de la France" (FN) en Haute-Marne a fait l'objet d'un travail inédit réalisé par Jean-Marie Chirol, président-fondateur du club Mémoires 52. En voici plusieurs extraits avec d'abord un chapitre consacré à Jules Didier, responsable du Parti communiste français et du FN dans le département entre septembre 1943 et janvier 1944.

"Jules Didier, artisan ébéniste d'art, né à Dannemarie (Doubs) le 5 septembre 1903, adhère au Parti communiste dès 1927. Toute sa vie est un combat au service de son idéal, de la justice, de la solidarité et de son pays. Sa vie militante n'est pas exempte de tracasseries. La ligne définie par son parti le fait désigner à la vindicte de ses chefs lorsqu'il est mobilisé pendant la Drôle de guerre, mais il sait éviter les pièges qui lui sont tendus.
La défaite n'affaiblit pas sa détermination. Un an plus tard, le 22 juin 1941, les nazis viennent l'arrêter à Vesoul, à son domicile, 51, boulevard des Alliés. Emprisonné au camp de Compiègne, il y côtoie de nombreux dirigeants et militants de son parti, reconnaît parmi eux des amis des départements voisins du sien, notamment Emile Mauguet, de Saint-Dizier, arrêté le même jour que lui, et qui décédera le 2 juillet... Le frère de Maurice Thorez qui est également là parviendra à s'évader mais sera plus tard à nouveau arrêté et fusillé par les nazis.
Jules Didier participe activement au creusement d'un tunnel de 60 m de longueur qui, une fois terminé, permet l'évasion, d'un seul coup, de 19 détenus. L'évasion de Jules Didier est fixée au lendemain mais, hélas, la fuite de la veille a été vite découverte... Elle engendre de dures représailles. Il reste par conséquent dans ce camp maudit... La chance vient non pas en dormant, mais en agissant. Elle lui sourit le 13 février 1943. Jules Didier parvient cette fois à s'évader au terme d'un internement qui aura duré 19 mois et 20 jours... A priori, il pense pouvoir se rendre dans le Pas-de-Calais pour reprendre le combat clandestin et se met en route. Peu après, épuisé, il renonce à son projet initial et s'arrête à Belleu, près de Soissons, où il est recueilli par le cantonnier du village. Ce dernier l'héberge durant sept semaines, après quoi Jules Didier rejoint son domicile de Vesoul où la Gestapo est déjà venue à plusieurs reprises perquisitionner...
Pendant la captivité de son mari, Renée Marcelle Didier, alias «Hélène», n'a pas attendu l'hypothétique retour de l'absent en se lamentant, bien au contraire. Egalement militante active de longue date, elle a, au mépris du danger, transformé son pavillon vésulien (à peine terminé) en relais et planque pour les clandestins de passage. Deux semaines environ après son retour à Vesoul, Jules Didier, alias «Mercier», est nommé responsable régional (RR) du Front national pour le Doubs ainsi que pour le Territoire de Belfort. Il reste dans cette région environ deux mois, puis est envoyé en Meurthe-et-Moselle en qualité de RR du Parti communiste clandestin. Dans ce département, le PC a besoin d'un cadre sûr et efficace en raison, essentiellement du secteur minier, le fer étant une matière première indispensable aux besoins de l'ennemi.
Jules Didier réside alors, avec son épouse, dans un petit appartement nancéien. Renée Didier, pour ce qui la concerne, est responsable du secteur «femmes», mission à laquelle elle se voue totalement au mépris des risques énormes car l'ennemi et ses agents traquent sans répit les patriotes...

«Lionel» (ou «Robert»), un cheminot de Besançon, qui jusqu'alors était RR du PC/FN de Meurthe-et-Moselle part pour la Haute-Marne assumer des fonctions identiques lors de l'arrivée à Nancy de Jules Didier.
A la mi-septembre 1943, ils permutent.
C'est alors que «Mercier» prend en charge le département de la Haute-Marne à la fois comme RR politique et FN, en attendant de recruter un militant qui sera susceptible de le décharger de cette seconde responsabilité. Quand Lucien Pinet (alias «Lejeune») arrive en Haute-Marne, c'est à lui que «Mercie » confie le FN dont il devient ainsi le RR.
Notons au passage que le colonel Fabien vient à cette époque plusieurs fois en Haute-Marne, et spécialement au mois de novembre 1943 pour y rencontrer «Mercier». Le contact se fait dans l'arrière-salle d'un café de Marnaval." Selon les indications rapportées à Jean-Marie Chirol en 1983, "Fabien aurait logé au domicile de M. Bosquet père, contremaître à Marnaval...

… L'ennemi ne reste pas inactif. Aussi, Jules Didier, en ces derniers jours de décembre 1943, doit-il se mettre au vert chez son ami Paul Foubet, à Noidant-le-Rocheux. Le 5 janvier 1944, «Mercier» part pour le Jura afin d'y assumer des responsabilités similaires mais dans une région stratégiquement plus importante...
Les activités du responsable régional sont connues de la Gestapo, en témoigne l'acte d'accusation des patriotes de Chaumont, traduits devant la justice militaire allemande le 8 mars 1944. «Un certain René (Ndlr : René Pajot, chargé de mission du Bureau des opérations aériennes) et un certain Mercier, dont l'identité n'a pu jusqu'ici être établie d'une façon plus précise, mais qui, semble-t-il, ont leur domicile à Paris, avaient entrepris de former dans le département des groupes de résistance, qui sont en général désignés sous le nom de FTPF... » Dix jours plus tard, onze patriotes seront fusillés à Chaumont, dont plusieurs membres du groupe Corse des FTPF...

"Renée Didier travaille sans relâche dans le secteur Femmes, jusqu'à la mi-janvier 1944 et rejoint son mari dans le Jura. Elle poursuit, là-bas, la même activité.
Après le départ de l'occupant, le capitaine Mercier réintègre, avec son épouse, son département et sa ville de Vesoul. Jules Didier siège alors au Comité départemental de Libération, au grand jour et y représente le PCF..."