mercredi 31 août 2011

13 septembre 1944 : les FFI bragards entrent dans Chaumont

En 1968, l'amicale des maquis du Val et Mauguet, de Saint-Dizier, se fendait d'une motion pour rappeler le rôle joué par les FFI bragards dans la libération de Chaumont, le 13 septembre 1944. En filigrane, les anciens maquisards de la cité ouvrière pointaient du doigt la méconnaissance, pour ne pas dire le manque de reconnaissance, de cette participation. Qu'en fut-il exactement ?

En deux jours, les 30 et 31 août 1944, la 4e division blindée de la 3e armée américaine (Patton), progressant en direction de la Moselle, libérait la majeure partie de la moitié Nord de la Haute-Marne. Un témoignage fait même état, dès le 30 août, d'une reconnaissance d'autres éléments US, venant de Bar-sur-Aube, jusqu'aux abords de Jonchery ! Chaumont va-t-elle rapidement tomber ? Le 31, l'ennemi, menacé au nord et à l'ouest, commence à évacuer la ville, sabotant le viaduc. Le 1er septembre, des blindés légers, appartenant vraisemblablement au 106th Cavalry group du 15e corps américain (3e armée Patton), montrent le bout de leur acier à Rimaucourt. Enhardis, les FFI de la compagnie du capitaine Jean Châtel tentent, en vain, de s'emparer d'Andelot, à une quinzaine de kilomètres de Chaumont en direction de Neufchâteau, donc sur un axe de repli ennemi.

Finalement, en ce début septembre, Chaumont ne sera pas prise. Il semble que les Alliés envisagent cette libération dans le cadre de l'offensive qui sera menée en direction de la Lorraine par le 15e corps, alors dans le Loiret et dans l'Aube, et qui se rassemblera sur la Marne à compter du 10 septembre 1944.

Dans l'attente, le 12e corps, qui est déjà entré dans Thionville, en Moselle, voit son flanc Sud menacé par la présence de troupes allemandes à Andelot et Chaumont, et surtout par les troupes de la Wehrmacht qui se replient du Sud-Ouest, du Centre et du Sud de la France via Langres et Chaumont.

Certes, les Américains ont installé des avant-postes dans le secteur de Chaumont : le 121st Cavalry squadron est entré dans Vignory le 2 septembre, dans Bologne le 3, et il est encore positionné vers Leurville (canton de Saint-Blin), en liaison avec la compagnie Châtel. Mais il convient d'étoffer ce dispositif de couverture.

Aussi, le 6 septembre 1944, le colonel Emmanuel de Grouchy (« Michel »), commandant des FFI de Haute-Marne, part-il rencontrer, dans le département de la Marne, le lieutenant-colonel Robert I. Powell, de l'état-major de la 3e armée, qui lui confie cette mission de couvrir le flanc Sud des troupes de Patton.

Des FFI du Nord Haute-Marne sont alors dépêchés pour l'exécuter. Il s'agit surtout d'une compagnie de marche constituée à partir de la Compagnie du Der, de FFI aubois (Commandos M) et marnais (maquis des Chênes) ; d'éléments du Bataillon de Joinville ; et du Bataillon FFI de Saint-Dizier (commandant Jean Grob), le tout sous les ordres du major britannique Nicholas Bodington, chef du réseau du Special Operations Executive (SOE) « Pedlar », dont le PC a été installe à Montier-en-Der, et de son adjoint le capitaine Percy Harrart, dit « Peter ».

Selon le journal de marche du colonel de Grouchy, c'est le 9 septembre 1944 que la Compagnie du Val (capitaine Victor Thérin), formant la 1ère compagnie du Bataillon FFI de Saint-Dizier, « va s'installer à Bologne et Marault, avec points de surveillance à Marault, liaison avec les éléments américains à Bologne. »
Et c'est dans la nuit du 9 au 10 qu'un accrochage survient entre la compagnie bragarde, dont les effectifs sont estimés par le capitaine Thérin à environ 160 hommes, et les Allemands. La motion de l'amicale des maquis du Val et Mauguet précise que « les sections de pointe », commandées par l'adjudant Marcel Carlin (6e section) et l'aspirant Robert Mougel (2e section), ont repoussé une forte patrouille dont l'effectif est évalué à 40 hommes, entre le cimetière de Bologne et Marault...

Le sergent Martial Thiery et le caporal Georges Mainvis, de Saint-Dizier (aujourd'hui disparus, ils étaient alors âgés de 21 ans), se souviennent que les FFI étaient installés dans un fourré, à droite de la route menant à la gare de Bologne, lorsque la patrouille allemande s'est présentée. Des coups de feu ont claqué. Trois FFI ont été blessés : Georges Jeanne (un Normand de 23 ans), Robert Villeneuve, 21 ans, et Paul Géraud, 18 ans. Ce dernier a reçu une balle explosive dans le talon. Robert Shandelon (né en Moselle en 1926) et le sergent Thiéry font les morts. Les Allemands inspectent le fourré au briquet puis reprennent leur patrouille en emportant un FM. C'est alors qu'un FFI fait feu et en tue trois. Le journal du colonel de Grouchy confirme que la Compagnie du Val déplore, dans cet accrochage, trois blessés, contre trois tués et trois blessés côté ennemi. Selon la motion de l'amicale, Jeanne a eu le poumon droit perforé et a été soigné à l'hôpital américain de Romilly-sur-Seine, et Géraud sera amputé du pied droit.

Au lendemain de cet accrochage, la compagnie bragarde se replie sur Bologne, tandis que le 15e corps arrive enfin pour se rassembler sur la Marne (la 2e DB française, entre Vignory et Bologne).

Le 11, c'est l'attaque de ce corps en direction des Vosges. Un accrochage a lieu à Andelot. Le bourg sera conquis le lendemain par la division Leclerc. Encore un nouvel axe de repli allemand coupé...

Le 13, après un accrochage à Villiers-le-Sec qui leur a coûté un tué, les FFI du maquis Jérôme (secteur de Chaumont), qui étaient positionnés à l'ouest de Chaumont depuis plusieurs jours, poussent en direction de la cité-préfecture, que les Allemands ont évacuée au matin en direction de Montigny-le-Roi. De son côté, la Compagnie du Val occupe Briaucourt et Brethenay. Elle atteint « Chaumont à 17 h 30 (1ère et 4e sections) et 21 h (2e et 3e sections) ».

Le 14, les FFI bragards exécutent une reconnaissance sur Condes et sur le plateau de Brethenay, avant de regagner le Nord du département. Ils reviendront, en partie, quinze jours plus tard, à Chaumont, pour s'engager au sein du 21e bataillon de sécurité.

Note : le maquis Mauguet (2e compagnie du Bataillon FFI de Saint-Dizier) a également pris part aux opérations aboutissant à la libération de Chaumont, mais nous ignorons précisément le rôle qu'il y a joué.

mardi 30 août 2011

Les Keskidees arrivent


En novembre 2011, paraîtra la prochaine publication du club Mémoires 52. "Keskidees. Emigrés bassignots et comtois aux Etats-Unis. 1830-1870", est l'oeuvre de deux membres de l'association, Didier Desnouvaux et Lionel Fontaine.

Plus de détails sur la page créée à cette occasion :

http://keskidees.voila.net/

jeudi 11 août 2011

La division Leclerc et la Haute-Marne

La Haute-Marne reste très attachée au souvenir de la 2e division blindée du général Leclerc. Monument départemental, le char « Edith », détruit le 11 septembre 1944, rappelle les combats d’Andelot, au cours desquels huit soldats ont trouvé la mort. Ce bourg possède une place du Commandant-Cantarel, et Prez-sous-Lafauche a inauguré une place « Sous-lieutenant-De-Masclary », tombé dans le village avec le soldat Armand Buton. Par ailleurs, des éléments de la 2e DB sont entrés dans Chaumont le 13 septembre 1944, et ont notamment réalisé la jonction avec les troupes de la 1ère armée française en plusieurs localités du département.

La Haute-Marne a d’abord donné à la division Leclerc plusieurs combattants de valeur. Citons en premier lieu le Compagnon de la Libération André Sorret, capitaine au Régiment de marche du Tchad, né le 29 mai 1918 à Bettaincourt-sur-Rognon. Sous-lieutenant en 1940 au 24e RI, il participe aux campagnes de la colonne Leclerc puis sert comme lieutenant dans la compagnie d’accompagnement du 2e bataillon du RMT. Capitaine, il est fait Compagnon de la Libération le 13 juillet 1945. André Sorret trouve la mort le 2 octobre 1949 en Indochine, au sein du 5e bataillon colonial de commandos parachutistes.
Domicilié à Ecot-la-Combe, ancien du 260e RI en 1940, le capitaine Jean Châtel – membre d’une famille originaire du Territoire-de-Belfort – commande le maquis local, qui est intégré au sein d’une compagnie FFI dont Châtel prend la tête et qui se bat à Andelot, d’abord le 1er septembre 1944 (l’action contre la garnison locale échoue) puis le 12. Châtel, époux d’une Américaine, sert quelque temps, avec plusieurs de ses hommes, aux côtés du 106th Cavalry group, en Lorraine, avant de rejoindre l’état-major du 15e corps américain (26 octobre 1944) comme officier de liaison auprès de la 2e DB.
Dans le département, vécut également le général Jean Razy. Ce Polytechnicien né en 1914, capitaine au RMT, est considéré comme l’un des pères de l’Aviation légère de l’armée de terre. Il résidait à Aubepierre-sur-Aube. N’oublions pas non plus cet enfant de Colombey qu’est Philippe de Gaulle, enseigne de vaisseau au sein du Régiment blindé de fusiliers-marins. Son oncle Alain de Boissieu repose d’ailleurs dans le petit cimetière du village.

Nous avons également identifié six Haut-Marnais tombés dans les rangs de la 2e DB. Il s’agit, dans l’ordre chronologique de leur décès, de :
. l’adjudant René Quantin, né à Joinville en 1910, chef de section dans la 6e compagnie, 2e bataillon du RMT, tué à Mézières le 10 août 1944 dans la Sarthe, Compagnon de la Libération à titre posthume ;
. le chasseur Gilbert Gobillot, né en 1922 à Neuilly-l’Evêque, du 1er escadron du 12e RCA, tué par éclat d’obus le 11 août 1944 à Ancines, également dans la Sarthe.
. le maréchal des logis Louis de Torcy, d’Eclaron, né en 1918 à Paris. Sous-officier dans le 3e escadron du 12e RCA, il est tué le 13 août 1944 en forêt d’Ecouves. A noter qu’au sein de ce régiment, le sous-lieutenant de Masclary (escadron hors rang) trouvera la mort le 11 septembre 1944 à Prez-sous-Lafauche.
. le soldat Jean-Pierre Richard, né à Coupray en 1924, issu de l’escadron FFI de Vaugirard (Paris), soldat au 2e bataillon du RMT, tué le 13 septembre 1944 à La Ville-sur-Illon (Vosges).
. Georges Deparis, né en 1921 à Saint-Dizier, du 1er RMSM, carbonisé dans son char le 28 novembre 1944 à Burgheim.
. Alexandre Gairaut, né en 1925 à Paris, membre du Cercle nautique bragard, du 1er RMSM également, mort par accident le 6 mai 1945, sur le lac Amersee, en Allemagne.

Parmi les noms de combattants parvenus à notre connaissance, citons encore :
. Jacques Denamur, de Saint-Dizier, fait prisonnier en Tunisie, évadé d’Italie par la Suisse, engagé à Paris au 12e cuirs, titulaire d’une citation américaine ;
. André Reine, de Graffigny-Chemin, blessé à Grüssenheim dans les rangs du 3e bataillon du RMT ;
. Marcel Renaud, né en 1921 à Langres, passé en Afrique du Nord en 1941, sergent au 1er RMSM , blessé en Alsace ;
. le sergent Maurice Carlier, de Saint-Dizier, chef du char « Lützen » (2e compagnie du 501e RCC) ;
. le matelot Roland Maupin, de Bourmont, conducteur du « Terrible » (3e escadron du RBFM)…

Enfin, signalons qu’à la Libération de la Haute-Marne, la division Leclerc a accueilli de nombreux volontaires issus de ses maquis :
. de la compagnie du Val : Pierre Florentin et Jacques Michelot, d’Eurville, Fernand Rodary, de Roches-sur-Marne (tous affectés au 501e RCC) ; Jean Thieblemont, de Saint-Dizier (RMSM) ; André Geiregat, de Roches-sur-Marne, au groupe d’escadrons de réparation ;
. du maquis Mauguet : Just Hector, de Saint-Dizier (13e bataillon du génie) ;
. de la compagnie Châtel : André Simonnot, de Rimaucourt ;
. de Saint-Dizier : Jacques Vesselle, Max Urbain, Raymond Fandard, Gilbert et Marcel Bécard, tous engagés au RMSM ; etc.


Les soldats de la division Leclerc morts en Haute-Marne sont :

. le sous-lieutenant Jean-Marie Bailloud de Masclary, né en 1914 en Indre-et-Loire, 12e RCA, le 11 septembre à Prez-sous-Lafauche, d’une rafale de mitrailleuse dans la poitrine ;
. le caporal Gilbert Biscay, né en 1925 à Paris, 3e RMT (10e compagnie), blessé à Andelot, décédé en juillet 1945 en Corse ;
. Jehan Blumereau, né en 1921 à Maisons-Alfort, 1er RMSM, le 14 septembre à Germay ;
. Armand Buton, né en 1922 à La Roche-sur-Yon, RMT, le 11 septembre à Prez-sous-Lafauche ;
. Robert Chaplain, né en 1921, 1er RMSM, le 11 septembre à Bologne ;
. le quartier-maître torpilleur Rémy Cousin, né en 1922 dans la Mayenne, du RBFM, le 11 septembre à Sommerécourt ;
. Robert Derocle, né en 1924 à Tunis, 1er RMSM, le 11 septembre à Andelot ;
. l’adjudant-chef Roger Deschamps, né en 1916 à Clichy, 501e RCC, le 12 septembre à Andelot ;
. François Espiard, né à Chalon-sur-Saône en 1919, de l’escadron de Montségou, dans un hôpital américain à Germay, le 15 septembre (selon le site de Gilles Primout consacré à la libération de Paris, Espiard a été blessé au genou le 13 septembre 1944 à Ville-sur-Illon et est mort d’une crise cardiaque, le Haut-Marnais Richard, de la même unité, a été tué sur le coup lors du même combat) ;
. Marc Logez, né en 1920 dans le Pas-de-Calais, 501e RCC, le 12 septembre à Andelot ;
. Manuel Morillas Montuno, né en 1914 au Chili, 3e RMT (9e compagnie), le 12 septembre à Illoud ;
. le sergent Henri Pertuiset, né en 1919 à Paris, 501e RCC, le 12 septembre à Rimaucourt ;
. le sapeur François Riccardi, né en 1920 à Valence (Drôme), 13e BG, le 12 septembre à Andelot ;
. Gabriel Vaugien, né en 1922 à Alger, 13e BG, le 12 septembre à Andelot ;