lundi 13 février 2023

1943 en Haute-Marne (février)


Ida Rizaucourt, arrêtée le 24 février 1943 par la police française.

Parution du dernier numéro de la publication clandestine La Feuille libre, écrite et diffusée par le journaliste chaumontais Fernand Wiszner ; deuxième voyage à Londres du Chaumontais Christian Pineau, fondateur du mouvement Libé-Nord.

1er février. Rassemblement devant la mairie d'une trentaine de Chaumontaises réclamant un supplément de nourriture pour leurs enfants ; arrestation dans le Cher du FTP bragard André Beau.

5 février. Arrestation en gare de Culmont-Chalindrey du FTP alsacien Joseph Siegler, ancien camarade de combat de Pierre Georges (capitaine Henry) dans le Doubs.

6 février. Arrestation par la feldgendarmerie de Jacques Talbot, employé à la Feldpost de Chaumont.

Nuit du 8 au 9 février. Arrestation à Sommevoire des ouvriers René Aubertin et Lucien Georges.

11 février. Arrestation pour refus de travail d'Albert Deruffe, employé au camp de Robinson à Saint-Dizier.

12 février. Arrestation à Fayl-Billot de Roger Kittler, militant communiste de Torcenay, impliqué dans l'affaire Joseph Siegler.

13 février. Arrestation à Sommevoire de James Paillot ; déportation à Auschwitz de Nicole Haguenauer, de Chaumont.

14 février. Arrestation en gare de Joinville de trois ouvriers échappés d'Allemagne, Jean Souche, Edouard Laveau et Paul Aymard.

16 février. Loi instituant le Service du travail obligatoire ; sabotage d'un câble électrique reliant Saint-Dizier au terrain de Robinson.

17 février. Arrestation pour marché noir de Nicolas Schlesinger, de Saint-Dizier.

20 février. Evasion de onze travailleurs juifs du chantier de Champaubert. Quatre seront repris dont deux à Giffaumont et déportés.

22 février. Arrestation de Marcel et Emile Briot, de Rachecourt-sur-Blaise, pour "propagande anti-allemande et distribution de tracts" ; arrestation de Georges Tisserand, chauffeur à l'usine à gaz de Saint-Dizier, pour "détention d'arme".

23 février. Publication au Journal officiel de l'arrêté entérinant le transfert de la sous-préfecture de l'arrondisement Nord de Wassy à Saint-Dizier ; arrestation de Marcel Varnier, employé à la Ville de Saint-Dizier.

24 février. Arrestation par la police française d'Ida Rizaucourt, accusée d'être à l'origine de la manifestation des "mères de famille" à Chaumont le 1er février.

25 février. Déportation à Hinzert d'Abel et Georges Antoine, arrêtés le 17 décembre 1942 sur le territoire de Montribourg, de Georges Oriot, de Laferté-sur-Aube, et René Brouillard, de Louze ; arrestation de cinq ouvriers de Bussy : Albert Bernardin, Léon Kremer, François Kuntz, Pierre Mouillet et Marcel Raspado, pour refus de travail en Allemagne ; arrestation de Marcin Przezdziek, de Villiers-en-Lieu, de Charles Benay, de Saint-Dizier (pour écoute de la radio anglaise et vols).

26 février. Arrestation de Marcel Desnouveaux, de Lachapelle-en-Blaisy, comme prisonnier évadé ; arrestation de Georges Noël, de Roches-sur-Marne, pour détention d'arme. 

 

mardi 7 février 2023

André Germain (1908-1977), dit Robert, dit Laroche, le cheminot devenu lieutenant-colonel


 André Germain (1908-1977). Source : GR 16 P 252 672, SHD.


Le travail resté inédit de Jean-Marie Chirol sur le maquis Mauguet et le Front national en Haute-Marne (archives du club Mémoires 52) a permis de mettre en lumière l'activité de deux responsables successifs du mouvement dans le département, Jules Didier ("Mercier") et Lucien Pinet ("Lejeune"). L'historien écrivait que Didier avait pris la suite d'un cheminot de Besançon nommé Robert ou Lionel, muté ensuite en Meurthe-et-Moselle. Grâce aux recherches entreprises pour notre dictionnaire historique et biographique "La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale", nous savons désormais qui était Robert, dont le rôle a été bien  plus important que ce qui avait été rapporté jusqu'à présent. Son dossier de résistant conservé à Vincennes permet de préciser davantage ce que fut son parcours.

André Germain est né le 24 mars 1908 à Vierzon (Cher). Il est le fils de Louis Germain et de Berthe Bouton. Il se marie en 1928 avec Andréa Bessermoulin à Vierzon, où naît la même année un fils unique, Jack. André Germain effectue son service militaire au 5e bataillon des ouvriers de l'artillerie puis intègre les chemins de fer en 1930. Délégué du personnel SNCF pour la Région Sud-Est (1934), il travaille au dépôt des machines à Besançon, où il est domicilié au 107, rue de Belfort. 

Affecté spécial en 39-40, André Germain vient en aide dès l'été 1940 à des prisonniers de guerre évadés pour leur faire passer soit la frontière franco-suisse, soit la Ligne de démarcation à Auxonne (Côte-d'Or). Membre du FN sous le nom de Maurice, destitué de son mandat syndical pour "hostilité au gouvernement", il entre en contact en 1942 avec Georges Bourdy (Philippe), responsable régional (départemental) FTP dans le Doubs. C'est ce dernier qui le désigne chef de secteur FTP de Besançon.

Femme et enfant arrêtés

Selon ses déclarations, André Germain participe, directement ou indirectement, à plusieurs opérations réalisées par la Compagnie Valmy commandée par le capitaine Henry (Pierre Georges) :

- le déraillement d'un train à Frasnois sur la ligne Besançon-Lyon,

- "l'attaque" d'un train à Deluz (22 septembre 1942),

- une embuscade à Mamirolles contre la voiture d'un général allemand du camp du Valdahon (7 octobre 1942).

Bourdy ayant été nommé interrégional, Germain passe sous les ordres du capitaine Paul Paqueriaud (Paul) en février 1943 puis, le 16 avril 1943, "dénoncé par l'agent de liaison régional arrêté et qui parla sous la torture", il échappe à l'arrestation à son domicile et passe dans la clandestinité. En revanche, son épouse et son fils Jack, 14 ans, ont été interpellés et détenus pendant trois semaines à la prison de la Butte.

Robert

Ayant renoué le contact avec Georges Bourdy (FTP) et Marcel Mugnier (interrégional FN) chez M. Carmille, il est affecté à la Haute-Marne comme "commandant régional FTP". Toutefois, la plupart des témoignages de résistants haut-marnais le qualifient de responsable régional du FN, sous le nom de Robert.

Dans ce département, où il loge tantôt chez M. Chausel à Moëslains, tantôt chez Maurice Méthé à Chaumont, André Germain peut notamment compter sur le libraire Jean Le Magny, de Chaumont, et sur l'ingénieur Adrien Giudicelli, de Langres. Dès le mois de mai 1943, il recrute le jeune Chaumontais Gaston Huet pour assurer la réception et la distribution de tracts récupérés dans le Doubs. A Saint-Dizier, le cheminot Ferdinand Cazy assure la mission de "boîte aux lettres".

Sous l'impulsion de Robert, des réfractaires au STO sont cachés dans les secteurs de Châteauvillain (avec l'aide de l'ingénieur Philippe Hantzberg, mort en déportation), d'Auberive (avec Giudicelli), dans le bois de Chantraines (avec M. Busier, de Bologne). Le résistant est également à l'origine de la création de groupes FN à Sarrey (Henri Voirpy), Neuilly-l'Evêque (Jean Martin), Montigny-le-Roi (André Roy), Joinville (Philippe Lamoureux et Emile Marangé)... Ce sont ces groupes qui réalisent les premiers sabotages de voies ferrées en Haute-Marne, début septembre 1943.

Lionel

Après l'arrestation à Chaumont de Gaston Huet, suivie de celles d'adhérents FN à Saint-Dizier et dans le Doubs (4-11 septembre 1943), André Germain, recherché par la police française, est contraint de quitter la Haute-Marne. Il est remplacé à compter du 15 septembre 1943 par Jules Didier. Lui-même rejoint la Meurthe-et-Moselle. Selon ses états de services, il a été chargé par le commandant Camille (Pierre Georges), commissaire militaire interrégional, de la "réorganisation des FTPF de la Meurthe-et-Moselle dont la direction régionale a été détruite à la suite d'arrestations". Au-revoir Robert, bonjour Lionel, qui était en réalité "RR" (responsable régional FN, voire recruteur régional) de la Région 2 (Meurthe-et-Moselle)

Revendiquant la création d'un maquis de "Russes évadés" à Baroncourt (le fameux détachement Stalingrad), ainsi que sa participation à la formation du Comité départemental de libération au titre des FTP [plutôt au titre du FN], le commandant Germain indique ensuite n'avoir échappé "que d'extrême justesse à l'arrestation" après le démantèlement du comité régional FTP et du groupe Gambetta (février - mars 1944).

Chef de corps à 36 ans

Il rejoint alors l'interrégion 9 des FTP (Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Haute-Vienne) comme commissaire aux effectifs interrégional "début avril 1944". Sous le nom de Laroche, il opère plus particulièrement en Vendée. Le 15 octobre 1944, ce deuxième classe de l'armée française est nommé lieutenant-colonel FFI et prend le commandement du 93e régiment d'infanterie. A la tête de ce régiment composé de FFI de Vendée et ayant notamment donné naissance au 91e RI, le lieutenant-colonel Laroche combat dans la Poche de La Rochelle jusqu'à la capitulation de l'Allemagne nazie.

Deuxième carrière dans l'armée

La paix revenue, André Germain fait le choix de rester dans l'armée. Nommé capitaine d'active en juin 1945, il sert à deux reprises en Indochine (1951-1953 et 1954-1955), où son fils Jack a perdu la vie. Puis il prend part aux opérations en Algérie. Il termine sa carrière comme chef d'escadron du train.

Etabli à Montbéliard (Doubs) comme agent d'assurance, il était médaillé de la Résistance (1946), officier de la Légion d'honneur (1965). Il avait été cité à l'ordre de l'armée en avril 1945. André Germain est décédé à Montbéliard le 8 novembre 1977, à l'âge de 69 ans. 

Sources : "états de services du capitaine Germain dans la Résistance et aux FFI" (1951), GR 16 P 252 672, Service historique de la Défense ; dossier de membre de la Légion d'honneur d'André Germain, base Léonore ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52, 2022 ; MAGRINELLI, Jean-Claude, Militants ouvriers de Meurthe-et-Moselle sous l'Occupation, Kairos, 2020 ; FONTAINE, Lionel, Les volontaires de l'an 1944, tome 2, 2022.