mardi 24 septembre 2019

Patriotes joinvillois



Les trois volumes de l'oeuvre collective «Résistance en Haute-Marne» sont peu diserts sur les activités des résistants de Joinville. L'une des rares mentions concerne le démantèlement, le 18 janvier 1944, d'un petit groupe composé de François et Philippe Lamoureux, fils d'un boulanger joinvillois, de Pierre Demogeot et Roland Francq ainsi que de René Marterer, de Vecqueville. Tous cinq ont été déportés à Auschwitz puis Buchenwald puis Mauthausen, seul Philippe Lamoureux reviendra.



Aujourd'hui, des documents inédits nous permettent de mettre en lumière les activités de patriotes joinvillois méconnus. Dans un témoignage recueilli par Marcel Henriot, correspondant du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale, le commandant Jules Gâtinois cite ainsi, parmi les résistants de la cité, Raffin, Tondeux, Lombard et «le fermier de Saint-Maurice» (Emile Bertrand), mais aussi Claudin (Osne-le-Val) et Riehl.


Né le 26 mars 1904 à Chaumont, commis principal du Trésor (il avait été nommé à la perception d'Eurville en 1925, puis à celle de Joinville deux ans plus tard), André-Gabriel Riehl avait été promu lieutenant de réserve pour prendre rang du 25 mars 1940. Il s'est investi dans la Résistance dès 1943. Voici qu'écrit Henri Hutinet, chef du secteur sud-est de Langres, à son sujet : «Suspecté par la Gestapo, il doit quitter Joinville et se réfugie à Chalindrey le 1er avril 1944 où il est nommé chef de secteur... Officier de réserve, (…), par ses connaissances, est un agent précieux au sein des organisations de résistance. A la tête de ses hommes, il prend le commandement de plusieurs batailles, entre autres l'attaque du château du Pailly le 9 septembre où est cantonné un état-major divisionnaire allemand et où sont faits 55 prisonniers dont des officiers supérieurs».



Entre autres activités, André Riehl avait fait homologuer un terrain de parachutage. Il est vrai que Joinville sera, avec Courcelles-sur-Aujon, un des principaux foyers actifs du Bureau des opérations aériennes (BOA) en Haute-Marne. Coordinateur national de ce service de la France libre, le commandant Michel Pichard se souviendra en effet des noms de plusieurs patriotes de la région de Joinville parmi ses agents.

En premier lieu René Legros. Né le 4 octobre 1903 à Nogent, il était l'époux d'une Joinvilloise, Jeanne, et c'est dans cette cité qu'est né son fils André, le 4 août 1925. Gantier chez Evrard avant-guerre, René Legros est qualifié de directeur d'usine lorsqu'il s'investit au sein du BOA comme «adjoint au chef de secteur».

Il aura la responsabilité de trois terrains : Cuisinier (ferme de Baudray, territoire d'Osne-le-Val), Bluet (ferme de Sossa, au-dessus de Joinville) et Formule (Blécourt). Sont cités, comme ayant pris part, à des degrés divers, aux activités du BOA dans la région : André Legros (le fils de René), mort pour la France le 2 septembre 1944 à Brethenay, Roger Blandin, de Thonnance-lès-Joinville, blessé et fait prisonnier à Brethenay, Antoine Mattéi, blessé au combat de Chancenay, Raymond Faveaux, James Collin, Georges Conroy et Robert Klein, agents des PTT, Georges Renard, responsable de Formule, Jean-Baptiste Darthe, responsable de Bluet, Clovis Lagrange, attaché au terrain Cuisinier...

Plusieurs opérations aériennes sont mentionnées dans ce secteur : à Cuisinier (nuit du 31 août au 1er septembre, pour le parachutage de quatre agents français et d'armes, et nuit du 5 au 6 septembre 1944), à Bluet et Formule (dans la nuit du 5 au 6 septembre 1944).



Ces largages vont permettre d'armer, mais après la libération de la cité (31 août 1944), une unité FFI qui porte le nom de Bataillon (puis de Compagnie) de Joinville. Aux ordres du commandant Gâtinois, qui signe ses proclamations en qualité de «commandant du cercle militaire de Joinville», le bataillon se compose de deux compagnies. Il regroupe 25 sous-officiers et 227 hommes.



Jules-Auguste (dit Maurice) Gâtinois est né à Thonnance-lès-Joinville le 11 octobre 1888. Instituteur à Domrémy, il a pris part à la Première Guerre mondiale comme lieutenant puis capitaine d'infanterie. Titulaire de la Médaille interalliée, chevalier de la Légion d'honneur en 1928, il était propriétaire d'une petite usine de taillanderie à Thonnance et président d'une association d'anciens combattants qui comptait notamment, dans ses rangs, Lucien Febvay (mort suicidé à la prison du Val-Barisien à Chaumont, en 1944) et Oscar Becker.

La 1ère compagnie est aux ordres du lieutenant René Mazeron. Sa 2e section regroupe les volontaires de Vecqueville et Bussy. Elle est commandée par le sergent Pierre Legendre, instituteur à Vecqueville, né à Saint-Dizier en 1904, qui était sergent de réserve au 242e RI en 1939.

Le lieutenant Oscar Becker commande la 2e compagnie. En poste à Saint-Dizier comme moniteur d'éducation physique de la police, l'adjudant (puis adjudant-chef) François Harelle en commande une section, qui participe au nettoyage du secteur (Donjeux, Rimaucourt).

Autre officier de l'unité : le lieutenant Jean Larrieu, 38 ans. Alors chef d'exploitation forestière à la SA des usines Renault à Joinville, depuis le 1er septembre 1942, ce natif de Vertheuil (Gironde) était lieutenant de réserve du génie.



Parmi ses activités, le sergent Legendre note : «Nettoyage des bois du plateau de Sossa, du 2 au 4 septembre 1944. Capture, à l'aide d'un groupe de combat sous mon commandement, de 17 prisonniers allemands armés en collaboration avec une patrouille américaine».

La Compagnie de Joinville participe ensuite aux opérations de Chaumont, opérant notamment à Briaucourt et Brethenay, le 13 septembre 1944.

Le 29 septembre, une section de marche rejoindra Chaumont et le 21e bataillon de sécurité. On y retrouve l'aspirant Hubert Barbier, les adjudants-chefs
René Colson et Robert Vitry, l'adjudant Louis Claudin, les sergents Marcel Soulard, Pierre Didier et René Regnault. La plupart seront incorporés dans le 4e régiment de tirailleurs sénégalais à partir du 15 octobre 1944.



Illustration : André Riehl. (Collection familiale).