Les trois volumes de
l'oeuvre collective «Résistance en Haute-Marne» sont peu diserts
sur les activités des résistants de Joinville. L'une des rares
mentions concerne le démantèlement, le 18 janvier 1944, d'un petit
groupe composé de François et Philippe Lamoureux, fils d'un
boulanger joinvillois, de Pierre Demogeot et Roland Francq ainsi que
de René Marterer, de Vecqueville. Tous cinq ont été déportés à
Auschwitz puis Buchenwald puis Mauthausen, seul Philippe Lamoureux
reviendra.
Aujourd'hui, des
documents inédits nous permettent de mettre en lumière les
activités de patriotes joinvillois méconnus. Dans un témoignage recueilli par
Marcel Henriot, correspondant du Comité d'histoire de la Deuxième
Guerre mondiale, le commandant Jules Gâtinois cite ainsi, parmi les
résistants de la cité, Raffin, Tondeux, Lombard et «le fermier de
Saint-Maurice» (Emile Bertrand), mais aussi Claudin (Osne-le-Val) et
Riehl.
Né le 26 mars 1904 à
Chaumont, commis principal du Trésor (il avait été nommé à la
perception d'Eurville en 1925, puis à celle de Joinville deux ans
plus tard), André-Gabriel Riehl avait été promu lieutenant de
réserve pour prendre rang du 25 mars 1940. Il s'est investi dans la
Résistance dès 1943. Voici qu'écrit Henri Hutinet, chef du secteur
sud-est de Langres, à son sujet : «Suspecté par la Gestapo, il
doit quitter Joinville et se réfugie à Chalindrey le 1er avril 1944
où il est nommé chef de secteur... Officier de réserve, (…), par
ses connaissances, est un agent précieux au sein des organisations
de résistance. A la tête de ses hommes, il prend le commandement de
plusieurs batailles, entre autres l'attaque du château du Pailly le
9 septembre où est cantonné un état-major divisionnaire allemand
et où sont faits 55 prisonniers dont des officiers supérieurs».
Entre autres activités,
André Riehl avait fait homologuer un terrain de parachutage. Il est
vrai que Joinville sera, avec Courcelles-sur-Aujon, un des principaux
foyers actifs du Bureau des opérations aériennes (BOA) en
Haute-Marne. Coordinateur national de ce service de la France libre,
le commandant Michel Pichard se souviendra en effet des noms de
plusieurs patriotes de la région de Joinville parmi ses agents.
En premier lieu René
Legros. Né le 4 octobre 1903 à Nogent, il était l'époux d'une
Joinvilloise, Jeanne, et c'est dans cette cité qu'est né son fils
André, le 4 août 1925. Gantier chez Evrard avant-guerre, René
Legros est qualifié de directeur d'usine lorsqu'il s'investit au
sein du BOA comme «adjoint au chef de secteur».
Il aura la responsabilité
de trois terrains : Cuisinier (ferme de Baudray, territoire
d'Osne-le-Val), Bluet (ferme de Sossa, au-dessus de Joinville) et
Formule (Blécourt). Sont cités, comme ayant pris part, à des
degrés divers, aux activités du BOA dans la région : André Legros
(le fils de René), mort pour la France le 2 septembre 1944 à
Brethenay, Roger Blandin, de Thonnance-lès-Joinville, blessé et
fait prisonnier à Brethenay, Antoine Mattéi, blessé au combat de
Chancenay, Raymond Faveaux, James Collin, Georges Conroy et Robert
Klein, agents des PTT, Georges Renard, responsable de Formule,
Jean-Baptiste Darthe, responsable de Bluet, Clovis Lagrange, attaché
au terrain Cuisinier...
Plusieurs opérations
aériennes sont mentionnées dans ce secteur : à Cuisinier (nuit du
31 août au 1er septembre, pour le parachutage de quatre agents
français et d'armes, et nuit du 5 au 6 septembre 1944), à Bluet et
Formule (dans la nuit du 5 au 6 septembre 1944).
Ces largages vont
permettre d'armer, mais après la libération de la cité (31 août
1944), une unité FFI qui porte le nom de Bataillon (puis de
Compagnie) de Joinville. Aux ordres du commandant Gâtinois, qui
signe ses proclamations en qualité de «commandant du cercle
militaire de Joinville», le bataillon se compose de deux compagnies.
Il regroupe 25 sous-officiers et 227 hommes.
Jules-Auguste (dit
Maurice) Gâtinois est né à Thonnance-lès-Joinville le 11 octobre
1888. Instituteur à Domrémy, il a pris part à la Première Guerre
mondiale comme lieutenant puis capitaine d'infanterie. Titulaire de
la Médaille interalliée, chevalier de la Légion d'honneur en 1928,
il était propriétaire d'une petite usine de taillanderie à
Thonnance et président d'une association d'anciens combattants qui
comptait notamment, dans ses rangs, Lucien Febvay (mort suicidé à
la prison du Val-Barisien à Chaumont, en 1944) et Oscar Becker.
La 1ère compagnie est
aux ordres du lieutenant René Mazeron. Sa 2e section regroupe les
volontaires de Vecqueville et Bussy. Elle est commandée par le
sergent Pierre Legendre, instituteur à Vecqueville, né à
Saint-Dizier en 1904, qui était sergent de réserve au 242e RI en
1939.
Le lieutenant Oscar
Becker commande la 2e compagnie. En poste à Saint-Dizier comme
moniteur d'éducation physique de la police, l'adjudant (puis
adjudant-chef) François Harelle en commande une section, qui
participe au nettoyage du secteur (Donjeux, Rimaucourt).
Autre officier de l'unité
: le lieutenant Jean Larrieu, 38 ans. Alors chef d'exploitation
forestière à la SA des usines Renault à Joinville, depuis le 1er
septembre 1942, ce natif de Vertheuil (Gironde) était lieutenant de
réserve du génie.
Parmi ses activités, le
sergent Legendre note : «Nettoyage des bois du plateau de Sossa, du
2 au 4 septembre 1944. Capture, à l'aide d'un groupe de combat sous
mon commandement, de 17 prisonniers allemands armés en collaboration
avec une patrouille américaine».
La Compagnie de Joinville
participe ensuite aux opérations de Chaumont, opérant notamment à
Briaucourt et Brethenay, le 13 septembre 1944.
Le 29 septembre, une
section de marche rejoindra Chaumont et le 21e bataillon de sécurité.
On y retrouve l'aspirant Hubert Barbier, les adjudants-chefs
René
Colson et Robert Vitry, l'adjudant Louis Claudin, les sergents Marcel
Soulard, Pierre Didier et René Regnault. La plupart seront
incorporés dans le 4e régiment de tirailleurs sénégalais à
partir du 15 octobre 1944.
Illustration : André
Riehl. (Collection familiale).
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