Pages d'histoire de l'est de la France en général et de la Haute-Marne en particulier (ex-blog du club Mémoires 52).
mercredi 28 juillet 2010
Une page d'histoire oubliée : l'internement des nomades dans le fort de Peigney
Le fort de Peigney, où ont été concentrés les nomades entre septembre 1942 et septembre 1943 (collection CM 52).
A l’heure où le gouvernement se penche sur la question des gens du voyage et des Roms, il n’est pas inutile de rafraîchir la mémoire de nos contemporains sur une page d’histoire méconnue de l’Occupation en Haute-Marne : l’internement de nomades dans le fort de Peigney, près de Langres.
Une page révélée au grand public, en 2002, par Le Journal de la Haute-Marne, s’appuyant sur les recherches effectuées par Jean-Marie Chirol dans les archives. Voici ce que le président fondateur du CM 52 écrivait dans un ouvrage toujours inédit, « 1942 en Haute-Marne » :
« Les « Fils du vent » ou « gens du voyage », comme on les nomme aujourd’hui, représentent depuis fort longtemps une minorité qui vit en marge de nos sociétés traditionnelles. Ce sont des itinérants, des nomades, qui échappent, parfois, aux obligations légales des pays traversés. De là, en temps de guerre, à vouloir les contrôler, les surveiller, de façon stricte, il n’y a qu’un pas. Et ce pas, au nom de la peur, est vite franchi. Il l’est déjà le 16 juillet 1912 par une loi réglementant sévèrement l’exercice des professions ambulantes et la circulation des nomades.
Son application durant la guerre de 1914-18 est très rigoureuse. Puis viennent d’autres textes :
. décret du 6 avril 1940 (au cours de la « Drôle de guerre »), signé par le président de la République, Albert Lebrun, sur la loi du 16 juillet 1912, mais qui est beaucoup plus draconien ;
. ordonnance allemande du 14 octobre 1940.
Le recensement des populations concernées s’effectue au cours de la période comprise entre le 11 avril et le 4 novembre 1940.
A la suite du recensement, les familles en cause sont assignées à résidence forcée dans différentes localités du département, selon un arrêté préfectoral du 31 janvier 1941.
La concentration de ces personnes a lieu ensuite dans un campement provisoire, dans le canton d’Auberive, sur le territoire de la commune de Germaines, du 7 novembre 1940 au 1er septembre 1941. L’emploi de la population masculine est facilité par la proximité de la forêt. A l’approche de la mauvaise saison, 61 nomades jusqu’alors regroupés à Germaines sont déplacés au nord-est de Langres, au fort de Peigney.
Ce fort, désaffecté, est alors situé en zone interdite. En effet, le canal de la Marne à la Saône constitue la limite entre zone interdite et zone occupée.
Le contrôle des concentrés est effectué par la gendarmerie.
En dépit de travaux réalisés à l’intérieur du fort (dont la construction s’achève en 1872) avant et pendant le départ des nomades, l’état des lieux est pitoyable. La décision, compte tenu de ce fait, est prise de les regrouper dans le département du Doubs, à Arc-et-Senans, le 11 décembre 1942, par le ministère de l’Intérieur de Vichy… La majorité des familles quitte le fort de Peigney entre fin décembre 1942 et janvier 1943… D’autres partent en avril et puis les derniers, en juillet… Le camp ferme à la mi-septembre 1943…
Nous ignorons si, parmi les « nomades » qui se trouvaient en Haute-Marne, des déportations vers des camps allemands ont été ou non opérés… »
Post scriptum : quelques mois après la publication de notre article mettant un terme à 60 ans de silence, la préfecture de la Haute-Marne organisait une cérémonie dans le fort de Peigney à la mémoire des nomades. Une manifestation du souvenir évidemment légitime. Dommage qu’à cette occasion, l’on ait « oublié » d’inviter celui qui a révélé cette page d’histoire : Jean-Marie Chirol, le président fondateur du club Mémoires 52…
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