«Quelles
sont les causes des changements produits à la surface de la Lune ?
Qu'est-ce que cette tache rouge, plus large que la terre, apparue sur
Jupiter ? (…) Quels mondes, quelles humanités éclairent les
soleils de rubis, d'émeraude et de saphir qui constituent les
systèmes d'étoiles doubles ? Que de points à élucider encore !
Que les personnes, donc, qui veulent se rendre compte, sans fatigue,
de la constitution générale de l'Univers et comprendre ce que notre terre et ses habitants sont dans l'espace, vous suivent dans
votre audacieuse et féconde tentative, ô vous qui avez choisi pour
mission de les transporter à travers les magnifiques panoramas des
cieux...»
Ces
mots sont ceux d'un des plus illustres Haut-Marnais, l'astronome
Camille Flammarion. Ils figurent en préface des «Aventures
extraordinaires d'un savant russe» (1888), un ouvrage ayant pour
co-auteur un de ses compatriotes aujourd'hui bien oublié, en dépit
d'une oeuvre pléthorique : Henry de Graffigny. On lui attribue en
effet quelque 250 ouvrages (le premier écrit à l'âge de 17 ans), 3
000 articles...
Né
Raoul Marquis, le 28 septembre 1863, l'homme qui se qualifiait tantôt
d'ingénieur civil, tantôt de chargé de cours à la Faculté des
sciences de Paris, voire de «professeur d'automobilisme à
l'Association philotechnique» (sic), aura largement contribué, à
cheval sur les XIXe et XXe siècles, à expliquer les progrès de la
science auprès du grand public.
S'il a surtout écrit sur
l'aérostation et l'aviation (lui-même effectua 45 vols
scientifiques en ballon et collabora à la revue L'Aérophile, d'où est issue cette illustration méconnue), sur
l'électricité et l'automobile, il a également rédigé des manuels
de bricolage et de tapisserie, créé des pièces de théâtre de
Guignol, et il est même l'auteur d'un guide «pour se mettre
en ménage». Egalement romancier, Henry de Graffigny
prophétisa en 1909 l'émergence d'une «téléphonie sans
fil» et imagina un «véhicule astral» dans
«Voyage de cinq Américains dans les planètes».
Dans
cette œuvre abondante, celui qui a choisi le nom de son village
natal (Graffigny-Chemin) pour forger son pseudonyme n'oubliera
jamais le département qui l'a vu naître, bien qu'il semble l'avoir
quitté jeune. Ainsi, invité par le maire de Nogent, cousin de son
«illustre maître et ami» Flammarion, Raoul Marquis
tenta vainement, en 1882, de s'envoler en ballon, expérience
malheureuse évoquée dans ses «Récits d'un aéronaute». Publié entre autres par Albin Michel (encore un Haut-Marnais) ou Hachette, il baptisera
encore du nom d'Outremécourt – un village proche de Graffigny
– un héros de son «Tour de France en aéroplane». Henry de
Graffigny ne manquera pas enfin de louer les réalisations de
ses compatriotes, comme Philippe Lebon, de Brachay, le marquis
Jouffroy d'Abbans, de Roches-sur-Rognon, le pionnier de la
construction automobile Emile Roger, de Châteauvillain...
Chargé,
en dernier lieu, de la chronique scientifique du journal l'Ouest-Eclair,
Henry de Graffigny est décédé en juillet 1934 à Septeuil
(Yvelines). Deux ans plus tard, paraissait «Mort à crédit», œuvre
de Louis-Ferdinand Céline qui, pour imaginer son personnage de
Roger-Martin Courtial des Pereires, s'inspira du chroniqueur
scientifique haut-marnais, qu'il avait bien connu...
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