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Le monument du maquis Mauguet, à Chancenay. (Photo L. Fontaine). |
Parmi les noms gravés dans le marbre du monument aux morts du maquis Mauguet à Chancenay, figure celui de "Jimmy", originaire des Etats-Unis. Selon les souvenirs de René Triffaut, chef du maquis, il s'agissait d'un des deux prisonniers américains évadés qui ont rejoint son unité. Il avait été blessé au genou lors du combat de Chancenay. Pourquoi ses camarades français l'ont-ils cru mort de ses blessures ? Cette version, Jean-Marie Chirol, créateur du club Mémoires 52 et historien du maquis Mauguet, ne l'avait jamais admise. Mais encore fallait-il fallait retrouver la trace de ce "Jimmy", savoir qui il était, ce qu'il est devenu. Une quête que l'historien disparu en 2002 n'a pu mener à bien.
C'est la découverte, dans les Archives nationales américaines (Nara), par Didier Desnouvaux, du rapport d'évasion d'un soldat américain nommé Henry Huitink qui nous a permis, en 2022, d'exploiter une piste très sérieuse. Originaire de l'Iowa, âgé de 27 ans, le caporal Huitink servait dans la 3rd Armored Division. Il avait été fait prisonnier en juillet 1944 dans la région de Saint-Lô, en Normandie, comme des milliers de soldats américains. Dirigé sur Châlons-en-Champagne, à l'arrière du front, ce soldat est ensuite acheminé par le train jusqu'à un Stalag en Allemagne. Mais il réussit à s'évader pendant le trajet, en compagnie d'un compatriote, James Findlay, le 13 août 1944. Comment parviennent-ils aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne ? Nous l'ignorons précisément. Mais les deux évadés transitent par une ferme située entre Montiers-sur-Saulx et Chevillon, là où des aviateurs anglais ont également été recueillis. Dans cette vallée de la Marne, les deux Américains ont pour contact Jean Moitrot, de Rachecourt-sur-Marne, et comme ce jeune Français appartient au maquis Mauguet, c'est naturellement qu'ils se joignent à lui pour essayer de retrouver leurs lignes. L'occasion leur est donnée le 30 août 1944, lorsque les Américains attaquent Saint-Dizier et Chancenay. Henry Huitink ne cite pas le lieu exact de la blessure, mais indique que son ami Findlay est touché au genou lors de leur tentative.
Henry Huitink (1917-1999). Avec l'aimable autorisation de sa fille Barbara.
Un Américain prénommé James ("Jimmy" en est le dérivé), en relation avec le maquis Mauguet, blessé le 30 août 1944 au genou : il est donc établi que "Jimmy" correspond sans le moindre doute à James Findlay. Que savons-nous sur cet homme ? Ici encore, les Archives nationales américaines nous sont d'un grand secours pour connaître davantage la vie de celui dont on honore la mémoire depuis 1945 !
Pris huit jours après son arrivée en France
James C. Findlay est né à Cochran, dans le comté de Bleckley (Géorgie), le 26 octobre 1909. La première partie de sa vie active est militaire. Ayant hérité dans l'armée du numéro 6372642, il est affecté à Panama où il sert dans les années 30, d'abord comme soldat d'infanterie, puis comme sergent. Puis il revient à la vie civile. Alors qualifié de célibataire, exerçant la profession de charpentier, Findlay s'engage de nouveau dans l'armée, pour trois ans, le 15 octobre 1941, à Fort Jackson (Caroline du Sud). Il est affecté au 28th Infantry Regiment de la 8th Infantry Division. Promu Technical Sergeant (sergent de première classe) à compter du 21 septembre 1942, Findlay rejoint l'Angleterre puis débarque le 4 juillet 1944 sur la plage d'Utah Beach, en Normandie. Il sert alors dans la Company L du 3rd Battallion. L'unité est rapidement engagée dans les combats de Normandie, pendant la "bataille des haies". Le 12 juillet 1944, dans le secteur de Vesly (Manche), le bataillon est pris sous un violent feu de 88. "Dans la zone de la compagnie L, le lieutenant Becker a été touché et tué par un prisonnier, et les lieutenants Enswiller et Shull furent sérieusement blessés par le feu, écrit Harold E. MacGregor, auteur en 1946 d'une histoire du régiment. La compagnie fut désorganisée." Il faut l'intervention du lieutenant Kaufman, de la Company M, pour que la "A" reparte de l'avant. Mais les pertes ont été lourdes. Le 16 juillet 1944, le rapport quotidien annonce que Findlay est porté disparu depuis quatre jours. En réalité, il est prisonnier...
Le 6 octobre 1944, alors que le 28th Inf Regt opère au Luxembourg, sa compagnie* apprend que le T/S Findlay n'est plus disparu mais qu'il a été "légèrement blessé" un mois et demi plus tard et hospitalisé le 31 août 1944. Souffrant de la rotule et de la patella, le sous-officier passe par plusieurs établissements : le 104th General Hospital (à compter du 11 septembre 1944) et le 22nd (US) General Hospital (7 novembre 1944) en Angleterre, puis au Moore General Hospital (28 novembre 1944) aux Etats-Unis.
Titulaire de la Silver Star, de la Bronze Star, de la Purple Heart, James Christopher Findlay, qui était marié, décède le 23 juillet 1979 des suites d'un cancer. Il repose dans un cimetière de Caroline du Sud. Barbara, la fille de son camarade Henry Huitink se souvient être allée lui rendre visite, sur son lit d'hôpital, et avant de mourir, Findlay avait remis à son compagnon d'évasion le drapeau qu'il portait avec lui. Il n'a peut-être jamais su que chaque année, un village de France honorait sa mémoire... devant un monument aux morts.
Sources : Archives nationales américaines, rapport d'évasion de Henry Huitink, rapports du matin de l'armée américaine - Harold MacGREGOR, History of the 28th Infantry Regiment, 1946 - remerciements à Barbara Huitink, Didier Desnouvaux, Cyrille (du site Gnealomaniac).
* A la fin de la guerre en Europe, la Company L aura perdu 76 tués, dix disparus, 246 blessés.
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