vendredi 2 septembre 2022

17 novembre 1942, à Consigny, un bombardier de la RAF est abattu

 Les 9 et 10 mai 1992, il y a 30 ans, la municipalité de Consigny (Haute-Marne), le club Mémoires 52 et le Souvenir français organisaient une manifestation du souvenir en hommage à sept aviateurs alliés. Une exposition et l'inauguration d'un monument ont marqué cet événement. A cette occasion, notre association éditait une plaquette du souvenir aujourd'hui épuisée et dont voici le texte.



Guy Grandjean, de Daillecourt, alors enfant, parmi les débris de l'avion. Jusqu'à son décès, il participait chaque 17 novembre à la cérémonie du souvenir.

Mardi 17 novembre 1942. Quinze appareils de la RAF prennent part au raid n°387 (mission de nuit). Ils appartiennent à divers squadrons des groupes 4 et 91, du Bomber Command. Deux Halifax MK II du N°158 Squadron (basé à Rufforth, Yorkshire), groupe 4, participent à la mission : le Halifax commandé par le sous-lieutenant A. Woolnough et le Halifax W 7863, code NP V, du commandant Paul Seymour. Woolnough doit faire un lancer de tracts sur Vichy et Clermont-Ferrand, Seymour sur Nancy et Strasbourg. Il s'agit d'un discours - traduit en français - de Winston Churchill, prononcé le 12 octobre 1942.

Les deux avions décollent de Rufforth vers Linton-on-Ouse, quartier général du groupe 4, de bonne heure, pour être chargés de paquets de tracts et redécoller de Linton, à 17 h 17 pour Woolnough, et 17 h 18 pour Seymour. Les quinze avions transportent, au total, plus de deux millions de ces tracts destinés à être lancés sur diverses régions de France. Les prévisions de la météo, pour la nuit à venir, indiquent une légère couverture nuageuse sur la France et une visibilité modérée.

Le Halifax W 7863 est relativement neuf. Il a été livré au squadron, le 24 septembre 1942. C'est sa septième sortie opérationnelle. Ses précédentes sorties comportent des bombardements sur Kiel, le 13 octobre, et sur Gênes, le 23 octobre.

Pour le raid sur Kiel, les archives du squadron mentionnent que l'appareil avait eu une panne de la commande de profondeur. Quant au raid sur Gênes, il s'est normalement déroulé.

La mission du 17 novembre est prévue avec l'équipage ci-après :

- pilote, commandant Paul de Grey Horatio Seymour,

- navigateur, lieutenant Leonard John Fairbairn (néo-zélandais), 30 ans.

- bombardier, capitaine Robert Tudor-Jones, 31 ans,

- radio, sous-lieutenant Gilbert Vincent Slide.

- mitrailleur dorsal, sergent Jack de la Warr Anstruther, 30 ans.

- mitrailleur arrière, sergent Cecil John Murray, 26 ans.

- mécanicien navigateur, sergent Richard Barton Greensmith, 35 ans. 

Cet équipage est composé d'hommes ayant une grande expérience : Seymour, commandant le Flight B du squadron, vole, comme officier de la RAF depuis plus de dix ans ; Tudor-Jones est le chef bombardier du squadron ; Fairbairn est l'un des chefs signalisateurs du squadron ; le sergent Greensmith vient d'être, depuis peu, proposé pour le grade d'officier ; Murray et Anstruther ont participé à de nombreux raids en territoire ennemi au cours des précédents mois.

D'après les archives du squadron, il ne semble pas que ces hommes aient volé ensemble avant la mission du 17 novembre 1942. Il est probable que cette dernière, considérée comme peu dangereuse  (...) par rapport aux raides de bombardement sur l'Allemagne, soit l'occasion pour entraîner ces hommes à voler ensemble au-dessus des territoires occupés. En plus de l'équipage normal de sept membres, le sergent George Johnson y est adjoint en qualité de co-pilote. Son nom n'apparaît pas dans les archives du squadron à ce moment-là. C'est sans doute une nouvelle recrue récemment arrivée, après son entraînement, accompagnant un équipage aguerri, pour lui permettre d'effectuer son premier vol en territoire occupé.

La disparition du W 7863

Des quinze appareils prenant part à l'opération de lancer de tracts dans la nuit du 17 au 18 novembre, tous, sauf le W 7863, accomplissent leur mission sans incident sérieux. Le rapport du Bomber Command, daté du 12 janvier 1943, confirme que le W 7863 a été abattu par un chasseur ennemi, à l'ouest de Nancy. (Selon des précisions apportées en 2003 par M. Frédéric Henoff, cette victoire est à mettre au crédit du hauptmann Heinrich Wohlers, de l'état-major de l'escadron de chasse n°4 ou NJG 4).

Le sort de l'appareil et de son équipage est confirmé par un télégramme du Comité de la Croix-Rouge internationale reçu par le Squadron 158 le 19 décembre 1942. Les autorités allemandes ont communiqué les renseignements suivants à la Croix-Rouge : "Slide, blessé et prisonnier ; Murray, Greensmith, Seymour et Anstruther tués". Il n'est pas fait mention de Fairbairn, Tudor-Jones et Johnson, mais les registres de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth indiquent que ces trois aviateurs sont inhumés dans une tombe commune. Ce fait suppose que les corps des trois victimes n'étaient pas identifiables. Ces renseignements sont tirés de documents adressés par Richard Doyle, Eric Barnard, H. N. Mottershead et Roy Bradley. La traduction a été faite par Claude Ambrazé.

Le Halifax W 7863 tombe sur le territoire de la commune de Consigny (canton d'Andelot), à 23 km de Chaumont. La chute des débris et des corps des victimes s'effectue au lieu-dit Combe la bosse, près du Kollot, ce mardi 17 novembre 1942, vers 21 h 30. Seul des huit membres de l'équipage, G. V. Slide parvient à sauter en parachute. Blessé et fait prisonnier, il est dirigé sur l'hôpital de Chaumont pour y être soigné avant de partir en Allemagne, interné au stalag Luft 3, à Sagan et Belaria. G. V. Slide est libéré par les troupes alliées et rejoint l'Angleterre en mai 1945. Le Halifax abattu à Consigny constitue la seule perte de la nuit pour la RAF. 

Le résumé des faits établi par le maire de Consigny, Robert J anny, en 1988 est le suivant, d'après les témoignages recueillis près de quelques habitants : "Vers 21 h/21 h 30, le 17 novembre 1942, les habitants du village entendent un bruit sourd venant de la direction du sud-ouest (Ageville). Sortant de leur demeure, ils aperçoivent une lueur rouge, entendent le crépitement d'une mitrailleuse, et voient une grande traînée de feu. C'est un avion en flammes qui s'écrase au lieu-dit Combe la bosse, près du Kollot. Le lendemain, des gens du village se rendent sur les lieux de la catastrophe et découvrent les corps éparpillés, mutilés et calcinés des aviateurs parmi les débris de l'avion et de lambeaux de parachute. Plusieurs agriculteurs de la commune, Paul Demongeot, Auguste Boucheseiche, Georges Petit, Auguste Petit, Louis Raclot, et l'instituteur Roger, à l'aide d'un tombereau, transportent les corps, placent ceux-ci dans des cercueils de bois blanc à l'intérieur de la chapelle (encore existante). La cérémonie d'enterrement se déroule dans la simplicité et le recueillement, puis l'inhumation a lieu dans le cimetière communal. Un poste de garde est établi par les Allemands autour des débris de l'avion jusqu'à ce que ces débris soient évacués sur la route de Clinchamp par les habitants de Consigny. Deux ans plus tard, un service religieux est célébré en l'église de Consigny par l'abbé Vieilhomme, curé de Bourdons, en présence d'un détachement de militaires, à la mémoire des sept aviateurs morts sur le territoire de la commune."

La gendarmerie française informe la préfecture de la Haute-Marne de l'événement dès le 17 novembre 1942 à 22 h 30. Elle le confirme par messages téléphonés le 18 novembre à 9 h 05, le 19 novembre à 14 h 30, le 20 novembre à 10 h 15, précisant ce jour-là : "Hier soir, trois autres cadavres ont été découverts sous les débris de l'avion anglais. Les quatre premiers corps ont été inhumés hier, par ordre des autorités allemandes, à Consigny. Les trois autres le seront ce jour à 15 h, également à Consigny. Des tracts dont été porteur cet avion ont été retrouvés épars dans la campagne. Ce sont les mêmes que ceux trouvés à Montier-en-Der". 

Le sergent C. J. Murray, un des sept aviateurs tués à Consigny. Photo adressée par Victor Murray, frère de la victime.



Le N°158 squadron

Le N°158 squadron avait été formé à Upper Heyford, le 4 septembre 1918, mais n'a pas été opérationnelle avant l'armistice. Elle fut dissoute au cours du mois de novembre 1918. Le 4 février 1942, cette unité fut reformée à partir du N°104 squadron, équipé de Wellington, à Driffield. De février à juin 1942, elle participe à des raids nocturnes. Elle est ensuite équipée d'avions Halifax pour le reste de la guerre. Elle est dissoute le 31 décembre 1945.

Le souvenir

Le seul survivant de l'équipage, Gilbert Vincent Slide, a été fait citoyen d'honneur de Consigny le 9 mai 1992. Il n'a pu être présent à la cérémonie du souvenir qui a connu un important succès d'audience et a reçu ce diplôme à son domicile.

Chaque 17 novembre, le Souvenir français et le club Mémoires 52 participent à un hommage solennel, devant la stèle inaugurée en 1992 puis dans le cimetière où reposent, depuis 80 ans, les sept aviateurs alliés.

Copyright club Mémoires 52 - mai 1992.


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