Des volontaires langrois du maquis Duguesclin. A droite, Marc Pleux. (Collection B. Voirin/CM 52).
6
septembre 1944
Journal de marche du maquis : «Le
colonel Michel arrive à Valdelancourt, accompagné du capitaine
Schreiber, des lieutenants Parcollet, Bocquillon et Collin, il se
rend à l'état-major de la 3e armée
(général Patton), où il a une entrevue avec le colonel Darvel,
chef du 2e bureau. Celui-ci lui demande
d'assurer la protection du flanc-droit de la 3e
armée et de continuer à le renseigner sur l'occupation, les travaux
et les mouvements de l'ennemi».
En
fait d'un certain Darvel, il s'agit plutôt du lieutenant-colonel
Robert L. Powell, chef du Special Force Detachment de l'armée
Patton. L'entrevue a eu lieu dans la Marne, sans doute à Reims.
Si
les Américains demandent l'aide des FFI, c'est qu'ils craignent que
leur flanc-droit, pour l'heure gardé par quelques éléments de
cavalerie appuyés par des maquisards, ne soit menacé par les
troupes allemandes en retraite depuis le Centre et le Sud de la
France.
«A
Valdelancourt, de nouveaux abattis sont faits de nuit par la section
Michaut1.
A
Arc-en-Barrois, une embuscade est montée contre une colonne
allemande signalée qui change brusquement d'itinéraire.
Un
parachutage a lieu à Courcelles, auquel participent les sections
d'Arc-en-Barrois (lieutenant Blanchot). Deux avions parachutent des
munitions et quelques armes individuelles».
Ce
terrain, «Versailles», est situé sur le territoire de la ferme de
La Rente-sur-Villiers. Relevant du BOA, il a été servi dans la nuit
du 5 au 6 septembre 1944.
7
septembre 1944
«De
retour de l'état-major de la 3e armée, le
colonel2
rend visite à Châlons-sur-Marne au Commissaire de la République et
à Saint-Dizier au préfet de la Haute-Marne3.
Contact est pris avec les FFI du nord du département.
Des
reconnaissances sont envoyées en direction des barrières de
Villiers-le-Sec pour tester l'importance des défenses ennemies
(lieutenant Chaize).
Dans
la nuit, une section se porte à Bologne pour assurer un parachutage
qui ne se produit pas».
8
septembre 1944
«Le
bataillon fait mouvement sur Lavilleneuve-au-Roi et laisse une
section en observation à Valdelancourt.»
Antoine
Simons : «On embarque de nuit sur de vieux camions à
gazogène servant au débardage forestier. L'on arrive à
Lavilleneuve-au-Roi, tout de suite affectation des cantonnements,
formation des groupes, des sections, quelques rudiments militaires,
pas encore d'armes mais ça commence à ressembler à quelque
chose...»
Journal de marche : «Visite
du commandant («Pic») qui arrive avec douze FM. Le lieutenant
Blanchot rapporte d'Arc-en-Barrois des armes et des munitions.
Le
lieutenant Heidet est envoyé à Arc pour prendre le commandement de
la compagnie et procéder sur place au recrutement de une ou deux
sections.
La
section de l'adjudant Holweg4
part en embuscade.
Dans la journée, le capitaine et
le sous-lieutenant Bocquillon se rendent à Bar-sur-Aube porter des
renseignements au capitaine «Jack», renseignements concernant
particulièrement les défenses de la ville de Chaumont».
C'est
sans doute lors du mouvement du maquis sur Lavilleneuve-au-Roi que
des volontaires rejoignent l'unité. Dans son témoignage5,
André Herdalot situe ainsi son incorporation à l'arrivée des FFI
dans ce village, s'enrôlant avec d'autres jeunes du village de
Veuxhaulles-sur-Aube (Côte-d'Or) où il est né en 1924. Pendant
l'Occupation, Herdalot jouait au football à Latrecey, ce qui
explique qu'il aura connaissance du maquis Duguesclin. Parmi les
volontaires, André Barrachin, qui a été STO du 11 novembre 1942 au
29 février 1944, s'était caché à Créancey puis chez une sœur
d'André Herdalot.
Employé
de ferme à Latrecey, Robert Guyot, de Froncles, appartient sans
doute à ce groupe : il se souvient qu'à l'heure de la messe, deux
camions de FFI sont passés à Latrecey pour demander des
volontaires, et qu'il a rejoint le camp de Lavilleneuve.
9
septembre 1944
«Instruction.
Quatre
prisonniers sont faits par une patrouille».
Jean
Pujol : «Il s'agissait de soldats de la Wehrmacht, qui ont
avoué carrément avoir déserté et cherché à se rendre aux
Américains en marchant vers le nord-ouest à travers champs et bois,
pour ne pas se faire repérer et reprendre par l'armée allemande...»
Journal de marche : «Dans
la soirée, une section se rend à Juzennecourt pour assurer un
parachutage. Trois avions parachutent des armes (30 tubes)».
Il s'agit soit du terrain SOE «Chicago» cité par le lieutenant
américain Hyde (message du terrain : «La bouilloire va éclater»),
soit plutôt de «Nicole» («Charles aime les blondes») où le même
officier signale une opération aérienne.
A noter que Robert Bocquillon penche
plutôt pour le site d'Annéville-la-Prairie comme terrain de
parachutage – alors qu'un autre se souviendra avoir participé à
deux opérations à Lavilleneuve-au-Roi...
«Dans la nuit, une section se
porte sur la route de Châteauvillain à Chaumont.
Visite
de Gérard du PC du colonel».
«Gérard» correspond au sous-lieutenant Jacques-Gérard Henriet,
élève aspirant né à Besançon en 1919, en poste à Chaumont où
il a grandi, responsable du 2e
bureau de l'état-major FFI, homologué sous-lieutenant le 13 octobre
1944 avant de rejoindre le II/21e
RIC.
L'évènement n'est pas mentionné
dans le journal, mais ce jour-là, le gendarme Lucien Macé, né en
1902 à Puteaux, en poste à Juzennecourt, qui a rejoint le maquis le
28 août avec le gendarme Gilbert Denizot (Andelot), aurait éclairé,
selon son témoignage, trois voitures transportant «des
officiers américains parachutés» de Lavilleneuve-au-Roi à
Arc-en-Barrois.
Par ailleurs, ce jour-là, un
officier FFI de Paris, le lieutenant Lefèvre, arrivé la veille à
Joinville avec trois autres résistants, dans le cadre d'une mission
de renseignements au profit de l’état-major national des FFI,
parvient dans l'après-midi dans le secteur du maquis. Via Vignory,
il gagne Lavilleneuve-au-Roi, «rencontre un sous-lieutenant de
renseignements6»
- vraisemblablement Bocquillon - «avec lequel il décide de se
rendre à Chaumont... Arrivée à Chaumont à 17
h 45». Les renseignements recueillis permettent de
noter qu'à La Maladière (lieu-dit à la sortie de la ville), deux
ponts sont minés et gardés «par des Russes», qu'au
carrefour des routes de Biesles et Andelot il y a des chars enterrés,
à la Croix-Coquillon dix pièces anti-chars, puis une pièce de 88
avec 200 hommes à la sortie de Chaumont en direction de Semoutiers,
et dans la ville une garison estimée de 2 700 à 3 000 hommes. Le
journal du maquis ne souffle mot de cette mission.
10
septembre 1944
«Visite
du lieutenant-colonel Bocquillon7.
Une section avec bazukas (sic) se
porte en embuscade sur la route de Chaumont à Villiers-le-Sec.
Dans la journée, arrivée du
commandant Julien, accompagné du capitaine Breda, du lieutenant
Menetrier et de nombreux gendarmes.
Dans la nuit, nouveau parachutage».
Volontaires
au sein de la section Dupré de la compagnie Angelot du maquis Henry
(Bussières-lès-Belmont), Henri Mourot et André Guillemin, de
Chalindrey, se sont vus confier, le 4 septembre 1944, par un officier
jedburgh britannique, la mission de recueillir des renseignements sur
les dispositifs ennemis dans le quadrilatère
Langres-Rolampont-Neuilly-l'Evêque-Rochetaillée.
Cinq
jours plus tard, les deux FFI arrivent dans le secteur du maquis
Duguesclin. Après avoir passé la nuit du 9 au 10 à Semoutiers, ils
arrivent à Valdelancourt. Henri Mourot raconte8
: «C'est alors que nous prîmes contact, d'une manière
inattendue, avec les groupements de résistance dont nous ignorions
la présence et qui occupaient les bois aux alentours... Nos
camarades du maquis nous tenaient pour rien moins que des miliciens
en quête d'aventure ou de renseignements !... Lorsque l'on répondit
négativement à toutes les explications que nous voulions donner,
que nous fûmes enfermés dans une pièce exigüe et gardée par une
sentinelle armée, nous estimâmes sincère, dans l'esprit de ceux
qui l'avait prononcée, l'accusation qui pesait sur nous... Vers 14
h, une automobile vint nous chercher et nous conduisit, sous la
constante menace d'une mitraillette, à Lavilleneuve-au-Roi où nous
fûmes traduits devant des officiers français
du 2e bureau».
«Nous
étions réellement suspectés et ce n'est qu'après un
interrogatoire qui dura près de deux heures (…) que nos
accusateurs jugèrent injustifiés les soupçons que nous avions
suscités. Ils nous muniront alors d'un laisser passer et nous
indiquèrent Juzennecourt comme point de stationnement des premiers
éléments alliés. Nous repartîmes vers 17 h et touchâmes enfin
vers 18 h 30 au but de notre mission où nous rencontrâmes le 121e
escadron de reconnaissance américain...»
11
septembre 1944
«Arrivée
des docteurs Bonnet, Huel et Lacassagne.
Instruction,
tir, visite du colonel Deleuze». Ce dernier, en fait
lieutenant-colonel, en provenance de l'armée française du général
de Lattre, vient d'être nommé commandant de la subdivision
militaire de la Haute-Marne. Né à Baccarat (Meurthe-et-Moselle) en
1907, le Dr Robert Huel, de Chaumont, sera député de la Haute-Marne
de 1951 à 1958. Beau-frère et ami du lieutenant Chaize, le Dr
Jean-François Bonnet donnera son nom à un établissement
hospitalier à Riaucourt.
«Embuscade
tendue sur le terrain d'aviation de Montsaon par la section du
sous-lieutenant Michaut.
Une autre section est encore envoyée
sur la route de Villiers-le-Sec à Chaumont pour tenter d'intercepter
une automitrailleuse qui ravitaillait les troupes ennemies
stationnées à la barrière de Villiers-le-Sec.
Le capitaine, avec son officier de
renseignements, lance un premier ultimatum à la garnison allemande
de Chaumont, lui demandant de capituler.
A Arc-en-Barrois, une section sous
les ordres du lieutenant Bigorgne fait une feu sur une colonne
allemande avec son FM».
Est-ce
ce jour, ou l'un des précédents, qu'Antoine Simons, qui se voit
prêter une carabine russe, part en embuscade ? «Un
fort poste allemand est embusqué sur la route Chaumont-Châtillon
dans le virage de la route neuve (emplacement actuel des silos)... Il
nous faut des prisonniers pour avoir connaissance des forces
allemandes qui restent à Chaumont... Nous devons tendre une
embuscade à la relève à l'endroit où la route est en tranchée à
5 ou 600 m du viaduc... Il fait nuit, les camions nous déchargent à
Valdelancourt. On contourne l'aérodrome... Je distingue la chapelle
Sainte-Anasthasie... L'on se met à couvert dans la forêt du
Corgebin. Au jour, on contourne sous bois la ferme du bois
Saint-Georges. On retraverse la route d'Arc dans les virages de la
Combe...» L'embuscade
se met en place. «Je
suis sur la partie gauche du dispositif. Thomas et son FM et l'autre
copain sont à une trentaine de mètres à ma gauche... Tout
au-dessus, là-haut, une sentinelle allemande fait les cent pas :
nous devons être discrets...»
Finalement, l'embuscade est démontée avant la nuit, le repli se
faisant par Villiers-le-Sec, Buxières-lès-Villiers puis, en
camions, Lavilleneuve. Dans la nuit, se souvient Antoine Simons, deux
capitaines FFI manquent d'en venir aux mains au sujet de la
répartition des armes du parachutage précédent !
1Sous-lieutenant
Pierre Michaut, né à Chaumont en 1913, fils du directeur du Petit
Haut-Marnais.
2De
Grouchy.
3Louis
Régnier, agent des PTT à Chaumont, qui vient de prendre part à la
libération de Paris.
4Agé
de 34 ans, Georges Holveck résidait à Langres.
5Recueilli
par Bernard Sanrey.
6Selon
le récit du chef de mission, le capitaine Chanot, retranscrit par
M. El Baze.
7René,
père de Robert Bocquillon, officier de réserve.
8Témoignage
inédit communiqué par M. Bertrand Châtel au club Mémoires 52.
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