Deux volontaires du maquis Duguesclin : Roger Olivier et Roger Laspoujas. (Collection R. Olivier).
31
août 1944
«Arc
est occupé dans l'après-midi par la 1ère
compagnie (lieutenant Heidet1).
Le maquis comprend à ce moment deux compagnies (lieutenants Heidet
et Chaize). Cinq nouveaux prisonniers sont faits. Dans
la soirée, visite du commandant («Pic»), faisant connaître qu'un
télégramme du GQG demande que dix FFI soient envoyés porteurs de
renseignements auprès des alliés. Le
sous-lieutenant Bocquillon se rend à Courcelles et rédige des
renseignements dans la nuit, d'après les rapports faits chaque jour
par les agents envoyés à Chaumont dans la vallée de la Marne pour
surveiller l'activité ennemie, ainsi que les agents fixes recrutés
dans chaque commune. A signaler l'activité inlassable et courageuse
de Sommer dit «Finaud» et de Tissus (sic)».
Claude
Chaize et Robert Bocquillon sont beaux-frères. Agé de 30 ans, le
premier est originaire de la Loire. Comme l'adjudant Dufour, il a
servi au 28e RAD de Chaumont, lui comme lieutenant, en
1940. Le lieutenant Chaize s'est investi dans la Résistance dans son
département d'origine, avant de revenir à Laville-aux-Bois (village
près de Chaumont) en 1943. Fils du lieutenant-colonel de réserve
René Bocquillon, un avoué chaumontais, l'aspirant Bocquillon, qui
s'est battu lui aussi en 1940, est avocat dans le chef-lieu
haut-marnais. Dans l'organigramme des FFI de la Haute-Marne, il
occupe la fonction de responsable du secteur de la ville de Chaumont.
1er
septembre 1944
«A
8 h, quinze équipes de deux hommes, dont le sous-lieutenant
Bocquillon, sont envoyés dans diverses directions, porteurs de
renseignements écrits. Une
embuscade est montée dans la vallée de l'Aujon, une autre dans la
région de Coupray.
Le
soir, le capitaine Schreiber décide que les deux compagnies feront
mouvement en direction de Chaumont pour coopérer avec les alliés à
la prise de la ville. Deux
sections devaient être laissées à Arc et une au maquis».
La
veille, les Américains ont libéré la moitié Nord de la
Haute-Marne mais également Bar-sur-Aube. Devant la menace, les
Allemands ont commencé à évacuer Chaumont, détruisant à
l'explosif quelques arches du viaduc.
Ce
même jour, des éléments de reconnaissance de l'armée Patton ont
poussé jusqu'à Rimaucourt, suscitant une attaque - prématurée -
de la petite garnison ennemie d'Andelot (à moins de 20 km de
Chaumont) par les FFI du capitaine Jean ChâteL Le lendemain de cet
échec (qui a coûté deux morts), un millier d'Allemands se
réunissent dans le bourg.
Ces
événements suggèrent une libération imminente du chef-lieu
haut-marnais. Mais...
Ce
jour-là, mais l'historique ne mentionne pas ce fait, un FFI, Georges
Roussel, est blessé à Juzennecourt2.
2
septembre 1944
«A
5 h, le lieutenant Dubreuil, en liaison au PC du colonel, arrive au
maquis porteur d'un ordre adressé au bataillon, qui devra se rendre
à Auberive en renfort à la suite de l'attaque déclenchée par une
colonne allemande sur le village occupé par le maquis de «Max».
Les gazos sont aussitôt mis en route et le bataillon arrive sur les
lieux au petit jour, quand les Allemands se replient».
Ce
combat vient d'opposer dans la nuit le maquis du capitaine Carteron
avec un convoi ennemi à l'entrée du village d'Auberive. Une
douzaine de FFI ont été blessés.
«A
8 h, le maquis regagne Giey, complète son approvisionnement en
munitions, puis traverse Arc et Richebourg, et s'installe
définitivement à Semoutiers.»
Voilà donc le maquis Duguesclin se
portant à moins de 15 km de Chaumont.
«A 12 h, le lieutenant Parcollet
se porte au devant des colonnes allemandes, qu'il rencontre aux
Côtes-d'Alun, mais la coordination ne peut être faite, ces colonnes
se replient à 12 h 30 sur Bar-sur-Aube.
A
13 h, il rencontre le lieutenant Bocquillon qui avait remis la
veille, à 17 h, des documents en sa possession à l'EM américain.
Tous les agents envoyés en liaison avaient également accompli leur
mission.
Isolé au milieu de l'ennemi, et à
la suite d'une dénonciation, le bataillon se porte à Valdelancourt.
Trois hommes restent à Semoutiers. L'un d'eux, fait prisonnier par
les Allemands, sera relâché le lendemain. Deux sections restent à
Arc et un détachement très peu armé garde le maquis de Giey,
l'ensemble sous la direction du lieutenant Blanchot. Mission est
donnée d'entourer les mouvements ennemis par des barrages».
3
septembre 1944
«Une
compagnie est portée à Autreville pour parfaire son instruction
(lieutenant Heidet). Dans
la nuit, une embuscade est tendue sur la route
Chaumont-Châteauvillain.
Le
capitaine se rend à Bar-sur-Aube où il rencontre le capitaine
«Jack» et le lieutenant «René» pour leur demander d'accélérer
leurs livraisons d'armes».
Jacques Taschereau et René Landreau sont deux officiers canadiens
d'une mission SOE présente dans la région de Soulaines-Dhuys
(Aube) depuis juin 1944. Cette précision démontre que le maquis
prospecte tous azimuts auprès d'organisations parfois en concurrence
pour obtenir des armes : l'état-major départemental FFI, la
délégation militaire départementale, et donc ici les services
spéciaux britanniques.
Un événement du jour que ne mentionne pas le journal de marche : au matin, les Allemands attaquent le groupe du sergent-chef Roger Petitot (3e section de l'adjudant-chef René Karr, 1ère compagnie) qui, depuis la veille au soir, occupait une maison forestière sur la route entre Arc-en-Barrois et Langres. "Le groupe se trouve dispersé et l'adjudant Brochard nous regroupe à [la ferme de] Sautreuil, se souvient le sergent-chef Petitot. Au cours de cette action, il fut blessé à une jambe". Atteint à la jambe gauche, Brochard, adjoint à la 1ère section (lieutenant Bigorgne) sera soigné puis transporté à Arc-en-Barrois par le cultivateur, Louis Bégin.
4
septembre 1944
«Reconnaissance
d'un emplacement de maquis. Embuscade
sur la route de Villiers-le-Sec à Chaumont. Une
3e compagnie est formée par incorporation du groupe
Dufour-Colin (sic) de Juzennecourt. Le lieutenant Collin en prend le
commandement. Cette unité reste stationnée à Juzennecourt avec
mission de contrôler la circulation dans cette région et faire des
patrouilles dans la forêt de l'Etoile».
Né à Chambley (Meurthe-et-Moselle)
en 1904, Maurice Colin était trésorier au centre d'administration
de Chaumont. Dans sa compagnie, serviront notamment le sergent Robert
Jeanmougin, né en 1918 en Haute-Saône, arrivé en Haute-Marne comme
employé des PTT (après s'être engagé dans les zouaves) et
demeurant à Sarcicourt3,
le Chaumontais Charles Hourriez et son acolyte Henri Darré, Gilbert
François (d'Euffigneix)...
C'est
a priori ce jour-là que Jean Pujol situe un événement :
«J'avais été chargé par nos officiers du maquis de conduire
à Juzennecourt, à bicyclette, un prêtre en soutane agent de
renseignement... Il ne connaissait pas la région. Pour plus de
sécurité, j'ai choisi l'itinéraire
Euffigneix-Gillancourt-Juzennecourt... Je n'avais, pour protéger le
prêtre, qu'une simple mitraillette... C'est à Juzennecourt que j'ai
eu mon premier contact avec les Américains. Je leur ai remis le
prêtre....»
«Dans
la nuit, des abattis sont faits sur la route de Châteauvillain pour
entraver l'importante circulation ennemie entre Châteauvillain et
Chaumont. Cette circulation était en permanence surveillée par le
poste de Valdelancourt. Le
lieutenant Parcollet revient de Bar-sur-Aube avec une vingtaine de
fusils et un FM.
A
Arc-en-Barrois, les sections forment des bouchons sur les routes. Un
gendarme est arrêté par les Allemands et désarmé. Le groupe
commandé par l'adjudant-chef Carré4
ouvre le feu sur une colonne allemande de 20 voitures. Il doit se
replier sous bois après avoir essuyé le feu d'armes lourdes».
Deux FFI de la 3e
compagnie parmi d'autres
Soldat dans la 1ère
section de la 3e compagnie, Henri Darré, originaire de la
Sologne, a déserté de l'armée de l'air le 1er avril
1944 et gagné Chaumont où résidaient ses frères. Par
l'intermédiaire du brigadier-chef de police Lucien Dupin, il a
rejoint la région de Juzennecourt pour servir aux cotés de Charles
Hourriez.
Son camarade était chef de bureau à
l'hospice de Chaumont. Né en 1921 dans le Pas-de-Calais, il s'est
particulièrement investi dans la Résistance, selon son dossier de
Combattant volontaire, à partir de la mi-1942, en devenant le
«lieutenant Laurent 1416», en liaison avec les services spéciaux
britanniques. Il a été arrêté le 3 septembre 1943 par les
policiers rémois et interné à Chaumont jusqu'au 20 septembre.
Henri Darré racontera : avec
Hourriez, «nous avons vécu dans la forêt dense, pas très loin
de Colombey-les-Deux-Eglises, une forêt très humide où nous sommes
restés quelques semaines, à coucher dans une cahute faite de bottes
d'avoine... Notre activité s'est bornée, entre autres, à déboucher
les chambres à mines que les Allemands avaient dû faire boucher à
leur arrivée...»
Tout deux rejoindront donc le
maquis Duguesclin, Hourriez comme deuxième classe. Le 1er
septembre 1944, il remet à l'adjudant-chef Léon Remy, de la
compagnie de Juzennecourt, 27 kg d'explosifs, 700 détonateurs, 120
grenades, huit pistolets-mitrailleurs et douze fusils anglais. Ici
encore, cet apport n'est pas mentionné par le journal du maquis.
Après la libération de Chaumont,
Henri Darré s'engagera, avec d'autres FFI du maquis (André Corne,
Robert Guyot, etc.), dans le 1er régiment d'artillerie de
la 1ère division française libre.
5
septembre 1944
«Une
embuscade est envoyée de jour, sous les ordres de l'adjudant-chef
Descamps, en bordure du terrain d'aviation de Semoutiers, où les
éléments ennemis sont signalés.
A Juzennecourt, le lieutenant Carrol, du 2e bureau de la
3e armée, a, avec le capitaine, un entretien au cours
duquel il lui exprime le désir de l'état-major américain de se
mettre en rapport avec le colonel Michel. Le soir-même, une voiture
se rend à Auberive pour transmettre cette invitation».
Depuis
le 30 août, le colonel de Grouchy a en effet installé son
état-major dans l'abbaye d'Auberive, aux côtés du maquis Max, de
l'équipe jedburgh Bunny (celle du capitaine Geminel) et des
parachutistes britanniques du 2nd Special
air service (SAS) regiment.
«A
Arc-en-Barrois, les sections se rendent dans la nuit sur le terrain
de parachutage de Courcelles».
1Pierre
Heidet, domicilié à Neuilly-sur-Suize, est né en 1906 au Pailly
(Haute-Marne).
2Selon
un document inédit conservé par le Service historique de la
Défense et communiqué par Yves Martin.
3Il
s'agit de «Pépé» Jeanmougin, fondateur du club de volley de
l'ASPTT de Chaumont, qui fut président d'honneur du Chaumont
volley-ball 52 Haute-Marne (club de Ligue A).
4N'est-ce
pas plutôt l'adjudant-chef René Karr, né à Joinville en 1906 ? A rapprocher avec la dispersion du groupe Petitot survenu la veille.
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