Le lieutenant Louis G.-V. Hyde (collection André Grossetête).
Le rapport du réseau (circuit) Glover,
du Special Operations Executive, a été communiqué à Jean-Marie
Chirol en 2002. Le voici dans son intégralité. Nous l'avons assorti
de précisions et de corrections. Ce document est un utile complément
au rapport rédigé par le seul rescapé de l'équipe initiale, le
lieutenant Hyde.
Réseau Glover. Organisation du
lieutenant René Jean Guiraud («André»).
«Nuit 1er-2 juin 1944.
Le lieutenant R. J. Guiraud («André»), un officier américain
d'origine française, fut parachuté avec un opérateur radio, le
lieutenant Louis Gérard Varet Hyde («Frédéric»), près de
Chaumont, après deux faux départs. Le comité de réception
consistait en Hubert Aubry et deux autres hommes, dont un était
Suisse. Le reste de l'équipe ne jugea pas nécessaire de venir parce
qu'ils ne s'attendaient plus à recevoir un parachutage. Ils
ramassèrent huit containers et sept paquets. Seuls deux émetteurs
W/T au lieu des quatre promis furent trouvés, et sur les deux un
était hors de service. Toutes les batteries étaient détruites.
Avec l'aide d'un capitaine de l'armée française retraité, M.
Desnouveaux, de Leffonds-le-Haut, un maquis de quinze hommes fut
organisé. Ils campèrent dans une cabane près de la route
Bugnières-Leffonds et après dix jours, ils gagnèrent le bois de
Fays.» René Jean Guiraud était originaire de Chicago (Illinois).
Né aux Etats-Unis, Louis Gérard-Varet Hyde était le fils d'un
Américain et d'une Française. Coïncidence : son grand-père a été
enseignant à Chaumont, où est né un de ses oncles. Autre
coïncidence : «Glover» signifie gantier en anglais. Or Chaumont
était une des capitales internationales de la ganterie. Le rôle du
capitaine Desnouveaux n'a pas été mis en lumière dans l'ouvrage
d'André et Josette Grossetête consacré au maquis de Voisines. Quant au Suisse de l'équipe de réception, il s'agit de Japhet Lanz (tué un mois plus tard).
« 15 juin. Hubert
Aubry et une partie du maquis eurent un engagement avec sept
Allemands entrés dans la forêt et en tuèrent cinq pour la perte
d'un maquisard. Le groupe Aubry fusionna avec le maquis d'Ormancey
composé d'étudiants de Dijon.» Le maquisard tué au combat se
nommait Claude Penègre. Un autre, Raymond Gourlin, a été capturé
(il sera déporté à Neuengamme).
«28 juin. Le lieutenant
R. J. Guiraud fut arrêté. Les Allemands avaient interdit
l'utilisation de voitures et motos. Le même jour, Guiraud, Gaston
Simonet et un autre homme connu sous le nom de «Maurice» achetèrent
et essayèrent trois motocyclettes à Chalindrey. Ils furent arrêtés
devant la feldgendarmerie, rue Diderot à Langres. Guiraud avait une
importante somme d'argent sur lui, et «Maurice», en plus de porter
un revolver, avait sur lui des cartes et plans de la citadelle et du
réseau électrique de la Haute-Marne. Ils furent emmenés à la
Gestapo et sévèrement battus. Guiraud nia tout. Simonet prétendit
qu'il était sur une moto par hasard. Il simula plus tard une crise
d'appendicite, fut opéré et s'évada, avant que sa blessure ne soit
guérie, avec l'aide d'une corde de parachute, par la fenêtre du
troisième étage de l'hôpital. Mais «Maurice» parla et révéla
la nationalité et la mission de Guiraud. Immédiatement après avoir
appris cette arrestation, le lieutenant Louis Hyde partit et s'installa
avec deux compagnons à la ferme de la Dhuys, au sud-est d'Auberive,
appartenant à Maurice Robin. Deux heures après son départ, la
Gestapo guidée par «Maurice» chercha la maison qu'il venait de
quitter. Les Allemands, cependant, ne trouvèrent pas l'émetteur W/T
laissé derrière. Il le récupérera plus tard». Guiraud sera
déporté à Dachau où, seul citoyen américain interné dans ce
camp, il fut libéré par ses compatriotes. Simonet, originaire de
Langres, rejoindra le corps-franc du maquis Henry
(Bussières-lès-Belmont). Ce compte-rendu de mission charge
«Maurice», ou «Maurice le Troyen», alias Michel P., de Troyes.
Celui-ci sera également déporté. Après enquête, Josette et André
Grossetête considèrent également «Maurice» comme le dénonciateur
du maquis de Voisines.
«Les opérations
aériennes suivantes ont été organisées par Hyde, avec l'aide
d'Aubry, et plus tard ses successeurs.
Juin 1944 : une
opération, huit containers, six paquets.
Juillet : deux
opérations, 48 containers, un paquet.
Août : huit opérations,
349 containers, 41 paquets.
Septembre : 17
opérations, 699 containers, 156 paquets».
«30 juin. Après que
«Maurice» eut parlé, 800 Russo-Allemands attaquèrent le maquis
d'Aubry dans les bois entre Voisines et Vauxbons (au sud d'Ormancey).
Les 19 maquisards résistèrent de 10 h à 15 h. Aubry fut tué, deux
hommes s'échappèrent et les autres furent tués dans la cour de la
mairie de Vauxbons». En réalité, les quinze morts du maquis de
Voisines furent tués ou fusillés en forêt.
«Juillet. Après que le
lieutenant Hyde eut reçu son premier parachutage d'armes, «Max»
Carteron, sous les ordres du colonel Emmanuel de Grouchy, créa un
maquis à la ferme de La Salle (est d'Auberive). La force du maquis
monta jusqu'à 350 hommes, et il occupa Auberive. Les Allemands ne
l'attaquèrent jamais. Le colonel installa son PC à Auberive.
9 août. Un train
convoyant des troupes SS allemandes dérailla près de la ferme de
Souci (nord de Prauthoy). Les Allemands descendirent du train et
tuèrent 18 personnes dans la région, qui n'avaient rien à voir
avec le déraillement. La ferme fut incendiée.» Il s'agit de la
ferme de Suxy (et non Souci).
«Dans la partie Est de
l'arrondissement de Langres, près de Bussières, Henri Hutinet créa
un maquis comptant environ 400 hommes. Ils reçurent des armes sur le
terrain Arthur. «Petit Charles» (nom réel non enregistré) était
le responsable de la région de Montigny et il reçut de Hyde beaucoup de
matériels avec lesquels il arma quelques centaines d'hommes.
André Guignard avait un maquis près de Nogent. Il fut tué par les
Allemands à la fin du mois d'août. Le capitaine Schreiber prit le
commandement du secteur de Juzennecourt et également du terrain qui
avait été choisi par «Monceau» qui avait été arrêté après le
lieutenant R. J. Guiraud.» «Petit Charles» correspond à René
Henry, créateur du maquis «Charles» (Varennes). «Monceau» est le
pseudonyme de Claude Quilliard, de Villars-en-Azois, mort en
déportation.
«Courant août, le
maquis opérant autour de Semur-en-Auxois (Côte-d'Or) fut attaqué
par les Allemands pour une partie et la milice française pour
l'autre. Les maquisards se retirèrent habilement en laissant les
Allemands combattre la milice. Cependant, le chef du maquis, «Camp»,
fut tué, et ils perdirent beaucoup de matériels. Le lieutenant Hyde
organisa deux terrains de parachutage qui reçurent chacun deux
parachutages, après quoi le maquis se reforma et occupa Semur le 9
septembre.
1er septembre. Deuxième
mission : le lieutenant Dominique Armand Mendelsohn («Benjamin») a
été parachuté à 11 km au sud-est d'Auberive. Il a été dirigé
sur la Haute-Marne comme organisateur et il fut responsable de 17
réceptions successives de parachutages d'armes et de matériels. Il
instruisit dans l'usage d'explosifs le maquis de Romprey d'environ
100 hommes. Ils opérèrent par la suite des barrages sur les routes
jusqu'à Chaumont. Les voies ferrées étaient déjà presque hors
service.
9 septembre. Par un
parachutage sur le terrain Cherbourg, à 13 km au sud-est d'Auberive,
arrivèrent le lieutenant Alphonse Sybille («Squeaker») et «Fantin»
(nom réel non trouvé) avec instructions de rejoindre le lieutenant
Woerther dans la région de Nancy-Metz (voir le réseau Woodcutter).»
Sybille était Français. «Fantin» correspond en fait à Léon
Feldman.
«11 septembre. Le
lieutenant Curtenius Gillette («Giuseppe»), Américain, le
lieutenant D. J. Kitch («Carel»), Américain, et le lieutenant
Jacques-François Boissière («Bocace») ont été parachutés pour
aider les maquis de Mendelsohn dans la guérilla. Le lieutenant
Mendelsohn s'employa particulièrement à protéger les ponts de
Langres sur la Marne. Les Allemands en retraitant les avaient minés.
Des mesures ont été prises par la Résistance pour les sauver. Pour
deux ponts importants, on ne put pas les sauver mais les autres, que
les Allemands ont tenté d'endommager pendant leur retraite, ont été
bien protégés par le maquis.» Boissière était un ancien élève
de l'école des Cadets de la France libre.
«12 septembre. Le
lieutenant Mendelsohn et le lieutenant Hyde rencontrèrent
l'avant-garde du général de Lattre de Tassigny sous le commandement
du colonel Le Cocq, à qui ils donnèrent des informations précises
sur la localisation de l'artillerie allemande et sur la défense de
Langres, ainsi que d'autres renseignements utiles.» Lecoq commandait
le 2e régiment de spahis algériens de reconnaissance, qui établit
son PC à Longeau.
«13 septembre. Les
maquisards agirent comme tireurs d'élite (sic) pendant le combat entre les
chars alliés et les fortifications de la citadelle de Langres.
Pendant l'attaque à midi, le lieutenant Gillette a été blessé.
2 novembre. Le lieutenant
Mendelsohn retourna en Angleterre et fut décoré de la Military
Cross.
Le lieutenant Hyde
retourna en Angleterre et fut décoré de la MBE» (Most excellent
border of the Britisch Empire).
Liste des terrains de
parachutage utilisés par le réseau Glover (en Haute-Marne).
«Alger», 4 km SO de
Nogent, trois opérations, message BBC : «Le cassis coulera sous la
cloche».
«Arthur», 16,5 km NO-O
de Dampierre, trois opérations, message «La ficelle sera démêlée».
(Frettes).
«Berlin», 7,5 km SE
d'Auberive, première opération de Hyde, probablement en juillet,
message «Roger embrasse bien Gilberte». (ferme de La Salle).
«Charlotte», 6 km Nord
de Clefmont, deux opérations, message «Le grand chimpanzé est le
frère de la biquette».
«Cherbourg», 13 km SE
Auberive, deux opérations, message «Quatre cailles couvent au coin
d'un pont». (ferme de la Dhuys, Courcelles-Val-d'Esnoms).
«Félix», 11 km SE
d'Auberive, trois opérations (la deuxième correspond au parachutage
du lieutenant Mendelsohn), messages «La moutarde et le pain d'épices
seront distribués ce soir», «N'importe qui le ferait».
(Villiers-lès-Aprey).
«Lionel», 9 km N de
Bourbonne, une opération, message «La bicyclette est réparée ».
(Aigremont).
«Nicole», 1,5 km N de
Juzennecourt, une opération, message «Charles aime bien les
blondes».
«Riverside», 3 km NO de
Varennes, trois opérations, message «Souviens-toi bien du vase de
Soissons ». (Lavernoy).
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