Pages d'histoire de l'est de la France en général et de la Haute-Marne en particulier (ex-blog du club Mémoires 52).
dimanche 4 octobre 2015
Brave et modeste : le général Delalain
A l'armée des Pyrénées-Occidentales (collection Sehri)
Il a fait son devoir, sans arrière pensée. Général à 45 ans, le Bragard Delalain, qui n'a pas démérité, aura vu sa carrière stoppée par une décision impitoyable des redoutables représentants du peuple. Portrait d'un officier distingué mais méconnu.
Alexandre Delalain naît le 10 mai 1748 à Saint-Dizier (Haute-Marne), fils d'Alexandre, avocat, et d'Anne-Marguerite Augier. Il a pour parrain Claude Fromond, conseiller du roi, procureur en le bailliage de Saint-Dizier.
En mai 1767 – il a tout juste 19 ans -, il rejoint, comme dragon, la Légion de Hainaut. Delalain opère, l'année suivante, en Corse. Maréchal des logis en 1770, il combat, en 1771, en Pologne. Début février 1772, la Légion de Lorraine – ex-Légion de Hainaut – s'empare, sous les ordres du lieutenant-colonel de Choisy, du château de Cracovie et le défend. Ses officiers sont capturés, et parmi eux, le lieutenant Delalain. En octobre de la même année, le Bragard, 24 ans, qui aurait été blessé d'un coup de feu au bras droit, fait partie des signataires d'un mémoire envoyé à M. d'Alembert.
Moins de trois ans plus tard, Delalain, capitaine de dragons de la Légion de Lorrraine, se marie, le 30 janvier 1775, à Eclaron, dans son terroir natal, avec Marie-Marguerite Becquey de Beaupré, fille de Joseph, avocat en parlement, et de Marie-Claire Deponthon. Onze enfants naîtront dans le bourg, dont six décédés en bas âge : Marie-Alexandrine en 1775, Alexandre en 1776 (mort à 1 an), Mélanie en 1778, Stanislas en 1779, Alexandre en 1780, Augustin en 1780 (mort à 2 ans), Stéphanie-Clotilde en 1782, Augustin en 1783 (mort à un mois), Marie-Félicité en 1785 (morte à trois mois), Madeleine-Henriette en 1788 (morte à deux ans), Marie-Henriette en 1791 (morte à cinq mois).
Passé au 14e régiment de chasseurs à cheval en 1779, chevalier de Saint-Louis deux ans plus tard, Delalain est lieutenant-colonel, commandant le 5e bataillon d'infanterie légère (où sert le futur maréchal Moncey) le 6 novembre 1791 – et où sera officier, en 1792, l'Eclaronnais Jean-Baptiste Pincemaille.
Le 7 mai 1793 (à 45 ans), il est promu général de brigade par les représentants du peuple auprès de l'armée des Pyrénées-Occidentales (Moncey, dont un frère vit alors en Haute-Marne, à Longeville-sur-la-Laines, lui succède à la tête de ce bataillon issu des «chasseurs de Cantabre»). Delalain est, avec Duprat, brigadier au sein de la division dite de Saint-Jean-Pied-de-Port, commandée par le général Dubouquet. Le 21 juillet 1793, il participe à une cérémonie civique.
Le 7 août, il conduit 1 800 hommes lors de l'expédition dite des Aldudes, commune française des Basses-Pyrénées. Dans son rapport, le Bragard précise qu'il a divisé ses troupes en trois colonnes, confiées au lieutenant-colonel Belet, commandant en second le 2e bataillon des Basses-Pyrénées, au capitaine Abadie, du 4e bataillon des Basses-Pyrénées, et au lieutenant-colonel Mauco, commandant du 4e bataillon des Basses-Pyrénées – et où l'on retrouve la compagnie basque Harispe.
La consigne du Bragard est claire : durant cette expédition, destinée à chasser les Espagnols du sol de France, «les soldats de la République ne doivent pas être des brigands». Mauco souffrant d'une ancienne blessure, Delalain prend le commandement de sa colonne. Il raconte : «Nous nous sommes avancés, le sabre à la main, le représentant (Ndlr : Feraud) et moi, avec toute notre colonne, hors 50 hommes» vers le camp de Berdaries et les quatre redoutes... «La charge ayant battu, l'Espagnol, après une décharge de mousqueterie a abandonné le camp et les redoutes où nous sommes entrés tous ensemble, en criant : Vive la République une et indivisible. J'ai fait encore détruire une très grande quantité de leurs retranchements et leurs redoutes. L'Espagnol a gagné la cime des monts, où il s'est encore reformé pour la quatrième fois... Les Espagnols ont disparu enfin du territoire de la République, et ont été poussés à plus de deux lieues sur leur territoire». Citant dans son rapport Belet, Mauco, Harispe, Delalain conclut : «Je m'applaudis d'avoir commandé de si braves hommes, je m'applaudis surtout d'avoir chassé du sol de la liberté les esclaves qui la flétrissaient», précisant qu'ont été pris 200 fusils, 22 hommes, et qu'a été tué «beaucoup de monde».
De son côté, le représentant du peuple, Féraud, se louera dans une lettre : «Je dois rendre public un fait que le général Delalain a tu par modestie, parce qu'il lui était trop personnel : nos troupes chargeant avec trop d'impétuosité l'ennemi qui fuyait vers des retranchements, où il était probable qu'il se rallierait, (Delalain) s'est mis à la tête avec moi et a poussé pendant plus d'une demi-heure, pieds nus, l'ennemi, à travers des précipices. Cette action n'est pas la seule qui honore ce général républicain».
Général de division à titre provisoire le 20 octobre 1793, toujours par la grâce de ces représentants du peuple, Delalain est pourtant suspendu le 14 avril 1794, après avoir ordonné une reconnaissance générale aux abords d'Orbaiceta (le 5 avril) à la tête de la division de gauche.
Il retourne en Haute-Marne et ne servira plus. Le général Delalain décède le 29 janvier 1814 à Eclaron, où il était conseiller municipal, deux jours après le passage de Napoléon dans la commune. Sa veuve lui survivra deux ans. Selon la Société des lettres de Saint-Dizier, un fils est tombé sous l'Empire. Qui était-ce ? Nous savons juste que Stanislas, né en 1779 à Eclaron, sera polytechnicien en 1796 puis ingénieur civil.
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