dimanche 30 mars 2025

La répression en Haute-Marne : arrestations, déportations, exécutions (1942)


Jean Mureau (1919-1945). Collection club Mémoires 52.

 Nombre de Haut-Marnais déportés en 1942, confirmés par la Fondation pour la mémoire de la Déportation (FMD) et le Mémorial de la Shoah : 70

Nombre de Haut-Marnais déportés en 1942, non recensés par la FMD : 5

Total des déportés en 1942 : 75

Nombre de personnes arrêtées en Haute-Marne en 1942 : au moins 110, dont Hartwing Goldschmidt et Moses Sturm (le 19 mars 1942 en gare de Joinville), déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz. 

Nombre de fusillés en 1942 : 1 (Alexis Valadon).


Notices biographiques 

Déportés nés en Haute-Marne (par date de déportation) : 32

HOURDILLIAT Georges (Saint-Dizier 7 décembre 1903 - 1979). Né au lieu-dit La Forge Neuve. Marié en 1925 à Saint-Denis (Seine). Déporté le 23 février 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Siegburg. Rentré en 1945.

ROBERT Maurice (Wassy 4 juin 1894 - 1948). Fils de boulanger. Prêtre à Epron (Calvados), fonde une institution en 1928. Arrêté en novembre 1941. Déporté le 23 février 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Hameln. Rentré en 1945. Décédé trois ans plus tard à Epron. 

VITREY Jules (Bourbonne-les-Bains 15 novembre 1902). Déporté le 2 juillet 1942 à Karlsruhe, Rheinbachsie, Siegburg. 

BEDET Louis, CABARTIER Auguste, COLLAS Adrien, COLLIGNON Robert, COLLIN Georges, DEMERLE Pierre, DUBOIS Camille, DUFAYS Alfred, DUSSELIER Louis, GENTIL Edmond, MARIVET Jean, MIGEOT Charles, MOUGEOT Paul, MUEL Louis, QUENARDEL Marc, ROUSSEL Maurice, THIERY Louis, THOMAS Yves : militants communistes déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz. Des notices détaillées sont à lire sur le site Mémoires Vives. 

ISAKOW Paulette (Chaumont 25 novembre 1925 - Auschwitz 1942). Domiciliée à Tours (Indre-et-Loire), elle est déportée en juillet 1942 à Auschwitz. Elle y décède, tout comme sa mère. 

COLLIN Marie-Emile (Joinville 26 juin 1906 - 1945). Menuisier, il est arrêté le 8 septembre 1941 à Poissons pour détention d'arme. Déporté le 3 août 1942 à Fribourg, Augsbourg, Kaisheim, Landsberg. Libéré le 27 avril 1945. Décédé quelques semaines plus tard, le 24 juin 1945, à Lyon.

LEOTIER André (Chaumont 25 mars 1911 - 1986). Manoeuvre, domicilié avenue des Etats-Unis, à Chaumont. Employé dans un service allemand dit de La Concentration, rue Decomble à Chaumont. Arrêté le 29 janvier 1942 sur son lieu de travail avec Chrétien Mohr pour "sabotage, propagande anti-allemande". Transféré le 28 mars 1942 à Clairvaux. Déporté le 3 août 1942 à Fribourg, Wolfenbuttel. Rentré le 5 mai 1945. Décédé à Chaumont. Source principale : 30 U 1, AD 21.

MARTIN Jean (Montier-en-Der 11 août 1921 - 1982). Domicilié à Marault, il est arrêté le 24 décembre 1941 par la brigade de gendarmerie de Vignory pour vol et détention d'armes (un mousqueton, un pistolet et deux bandes de mitrailleuses). Déporté le 3 août 1942 à Neuoffingen. Rentré le 11 mai 1945. Décédé à Saint-Dizier. Non recensé par la FMD. Sources : fonds Marcel Henriot et 342 W 302, AD 52.

GARNIER Camille (Bologne 5 novembre 1905 - 1974). Domicilié à Riaucourt, il est arrêté avec son frère dans le village le 20 août 1941 par la feldgendarmerie puis emprisonné à Chaumont. "Le lendemain, j'ai subi un interrogatoire tendant à me faire avouer être l'auteur d'un vol de 17 kg de poudre de dynamite et la détention à mon domicile d'armes à feu. Ces armes ayant été trouvées à mon domicile, j'ai dû avouer". Interné pendant six mois à Clairvaux, puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 12 mars 1942, il est déporté le 5 août 1942 en direction de la forteresse de Landsberg, puis à Neuoffingen. Rentré le 12 juin 1945. Décédé à Chaumont. Non recensé par la FMD. Source : 1623 W, AD 51. 

GERARD Eugène (Saint-Dizier 5 septembre 1914 - 1973). Marié, père d'un enfant. Domicilié à Saint-Dizier, 28, rue de l'Abattoir. Travaille avant guerre comme monteur sur métaux à la Haut-Marnaise de Joinville. Caporal au 21e régiment d'infanterie, il est blessé durant la Campagne de France (à l'oeil droit et au côté gauche). Fait prisonnier, réformé par les autorités militaires allemande et française et libéré. Employé comme bûcheron à Frampas, il est arrêté le 16 décembre 1941 par la Feldgendarmerie (dénoncé par un collègue, il était possesseur d'un revolver à barillet et de douze cartouches). Incarcéré le 2 février 1942 à la maison d'arrêt du Val-Barizien à Chaumont. Transféré le 5 février 1942 à la centrale de Clairvaux. Déporté à Neuoffingen en août 1942 (le 3, le 6 ou le 8 selon les sources). Libéré le 20 avril 1945. Décédé à Saint-Dizier. Non recensé par la FMD. Sources : 1623 W 18, 1571 W 40 et 342 W 302, AD 52.

KLEJMAN Jacqueline (Saint-Dizier 18 juillet 1937 - Auschwitz 1942). Arrêtée en juillet 1942 dans le 12e arrondissement de Paris. Déportée le 28 août 1942 de Drancy à Auschwitz, où elle décède à l'âge de 5 ans. 

FUSSINGER Jean (Vecqueville 18 juillet 1923). Domicilié à Commercy (Meuse), il est arrêté entre le 11 et le 13 septembre 1942 avec neuf autres habitants de la commune pour détention d'armes. Déporté le 5 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Emprisonné à Diez/Lahn, Breslau, Schweidnitz, Hirschberg. Libéré le 8 mai 1945.

FUSSINGER Louis (Vecqueville 27 décembre 1924). Frère du précédent. Domicilié à Commercy (Meuse), il est arrêté entre le 11 et le 13 septembre 1942 avec neuf autres habitants de la commune pour détention d'armes. Déporté le 5 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Emprisonné à Diez/Lahn, Breslau, Schweidnitz, Hirschberg. Libéré le 8 mai 1945.

DEMESY Emile (Louvemont 30 juillet 1904 - Sonneberg, Allemagne, 30 janvier 1944). Fils d'ouvrier mineur. Marié, ouvrier à l'Imprimerie nationale, domicilié à Villiers-sur-Marne, en région parisienne. Arrêté le 13 août 1942 selon l'Institut CGT d'histoire sociale du livre parisien. Son épouse, son frère Georges (fusillé), son neveu Gaston Béraut (fusillé) sont arrêtés avec lui. Déporté le 9 novembre 1942 à Karlsruhe, Sonneberg. Il ne revient pas de déportation. Plus de détails sur sa vie dans le dictionnaire Maitron. 

ROYER Germain (Laferté-sur-Aube 15 avril 1902 - Brieg, Allemagne, 19 décembre 1944). Elève mécanicien au dépôt SNCF de Troyes. Marié, domicilié à Troyes. Il est arrêté sur dénonciation le 9 juillet 1942 à Troyes pour "menées communistes". Ecroué à la maison d'arrêt de Troyes jusqu'au 1er octobre 1942. Déporté le 12 novembre 1942 de Paris à Hinzert. Assassiné "par le docteur SS boche, à Brieg, le 20 décembre 1944", selon son camarade Georges Pontet. "Il est mort courageusement en attendant sa piqûre", ajoute ce détenu. 


Déportés domiciliés en Haute-Marne (par date de déportation) : 44

FRYDEL Henri (Bourbonne), HERZ Isaac (Bourbonne), MAKOWSKI Benjamin (Bourbonne), SIMON Samuel (Montigny-le-Roi) : déportés juifs du 27 mars 1942 à Auschwitz.

MUREAU Jean (Sainte-Maure-de-Touraine, Indre-et-Loire, 20 décembre 1919 - Sachsenhausen 15 février 1945). Fils d'un pharmacien établi à Chalindrey au début des années 30. Etudes secondaires à Dijon. Etudiant à la faculté de médecine de Nancy. Arrêté le 28 mars 1942 à la Cité universitaire de Nancy. Emprisonné à Charles-III (Nancy). Déporté le 1er mai 1942 de Metz à Trêves. Passé par les prisons de Wittlich, Breslau, Sonneberg. En dépit de son état de santé dégradé, il est transféré à Sachsenhausen. Il y est déclaré décédé le 15 février 1945.

BRUET Jean. Capitaine de réserve, ingénieur, il est directeur commercial de la Société métallurgique de champagne à Marnaval. Domicilié à Saint-Dizier, au moins depuis 1936, il est marié et père de deux enfants. Il est arrêté le 29 mai 1942 par l'armée allemande pour "propagande". Immédiatement emprisonné à Sarrebrück, il est libéré le 18 ou 20 juin 1942. Non recensé par la FMD.

PELLUCH-CANET Bautista (Carcagente, Espagne, 29 janvier 1818). Ouvrier agricole aux Loges. Arrêté en mars 1942. Arrivé le 27 juin 1942 à Mauthausen. Transféré le 12 mars 1943 à Gusen, puis le 23 juillet 1943 au camp de Steyr-Münichholz. Transféré le 6 avril 1945 à Gusen.

BURTON Charles, CAMPION Léon, COLTEY Jean, FONTAINE Georges, GAZELOT Pierre, HACQUIN Bernard, LEDUC Eugène, QUERUEL Henri, VOILLEMIN Pierre : militants communistes déportés le 6 juillet 1942 à Auschwitz.

HAGUENAUER Jacques (Chaumont), déporté le 20 juillet 1942 à Auschwitz.

FRYDEL Esther (Bourbonne), GRUNDLAND* Rubin (Langres), KRAKAUER Iczek, Idessa, Mozek, Simon et Simone (Chaumont),  RABNER Hermann et Maryla (Chevillon), ROZEN Bayla et Mordka (Saint-Dizier), SKAUDA Maud (Valdelancourt), ZAKON Estelle (Saint-Dizier), déportés le 27 juillet 1942 à Auschwitz.

MOHR Chrétien (Metz, Moselle, 10 juillet 1898). Expulsé de Talange (Moselle) par les autorités allemandes le 17 avril 1941. Réfugié à Chaumont, où il réside au 19, place Aristide-Briand. Chef d'équipe et interprète au dépôt Lagerhaus der HUV dit dépôt La Concentration, rue Decomble à Chaumont. Dérobe avec André Léotier des fusils de chasse entreposés. Arrêté le 29 janvier 1942 par la feldgendarmerie et la GFP sur dénonciation sur son lieu de travail (leur collègue sera condamnée à la Libération). Condamné à trois ans et demi de prison en mars 1942 par le tribunal militaire allemand, réuni boulevard Barotte à Chaumont. Emprisonné à Chaumont le 9 mars 1942 puis transféré à Clairvaux le 28 mars 1942. Déporté le 3 août 1942 à Wolfenbuttel. Rentré le 23 avril 1945. Retrouve Talange. Source complémentaire : 30 U 1, AD 21.

GARNIER René (Pesmes, Haute-Saône, 20 avril 1902). Fils d'ajusteur. Frère de Camille Garnier. Domicilié à Riaucourt, il est arrêté avec son frère dans le village le 20 août 1941 par la feldgendarmerie puis emprisonné à Chaumont. Interné pendant six mois à Clairvaux, puis au fort de Villeneuve-Saint-Georges à compter du 12 mars 1942, il est déporté le 5 août 1942 en direction de la forteresse de Landsberg. Rentré le 23 mai 1945. Non recensé par la FMD. Source : 1623 W, AD 51. 

FRYDEL Israël (Bourbonne), déporté le 14 septembre 1942 à Auschwitz.

KAUFFMANN Léopold (Bourbonne), déporté le 21 septembre 1942 à Auschwitz.

EPHRAIM Félix (Bourbonne), déporté le 23 septembre 1942 à Auschwitz.

JABLONSKI Germaine (Chalvraines), POPIEL Marguerite (Cusey), MEYER Berthe (Bourbonne), WEIMBERGER Arnold et Louise (Valdelancourt), déportés le 3 novembre 1942 à Auschwitz.

KRAKAUER Paulette (Chaumont), ZAKON Gela, Israël et Nathan (Saint-Dizier), déportés le 4 novembre 1942 à Auschwitz. 


* Son épouse Rachel a été arrêtée avec lui. Le Mémorial de la Shoah ne la recense pas parmi les victimes.







mardi 11 mars 2025

Massacre sur la voie ferrée à Colombey-lès-Choiseul, 26 juillet 1944


La ligne Dijon - Neufchâteau à hauteur de Colombey-lès-Choiseul. (Photo L. Fontaine).

 Un mois avant le Train fantôme (25 août 1944), un autre transport de déportés passé par la Haute-Marne a connu un véritable périple pour atteindre sa destination : un Kommando du camp de Neuengamme. Qu'on en juge par l'itinéraire emprunté : Saint-Malo, Rennes, Tours, Vierzon, Dijon, Gray, Neufchâteau, Toul, etc. Particulièrement méconnu, ce convoi a pourtant été marqué par l'un des plus importants massacres de prisonniers sur le sol haut-marnais.

    25 juillet 1944. Le train 15 241 en provenance de Dole arrive vers 20 h 30 en gare d'Is-sur-Tille (Côte-d'Or). Il est passé par Gray (Haute-Saône) mais ne s'est pas dirigé sur Chalindrey. "La gare de Chalindrey ayant subi un bombardement le 13 juillet 1944, tout le trafic a été interrompu", précise le cheminot Marcel Cornier. D'une façon générale, les destructions opérées par l'aviation alliée et la Résistance sur les voies de communications expliquent ce long itinéraire. 

    Le convoi fait donc halte en gare d'Is. Il s'agit d'"un train de marchandises transportant des militaires anglais prisonniers", indique Georges Minot. A hauteur du passage à niveau de Marcilly-sur-Tille, un drapeau français apparaît à la fenêtre d'une maison. Ce qui n'est pas du goût de la garde allemande du train, qui arrête quatre jeunes de la région dont Georges, le fils de Georges Minot. Le jeune homme âgé de 21 ans veut prendre la fuite avec un de ses camarades. Les balles pleuvent sur eux. Touché d'un projectile en plein coeur, le Bourguignon meurt sur le coup. Puis, conduit par le mécanicien Adrien Bouvret, le convoi repart en direction de Langres, puis de Neufchâteau.

    26 juillet 1944, 23 h 30. Garde-barrière au lieu-dit Chapelot, commune de Colombey-lès-Choiseul, entre Merrey et Breuvannes-en-Bassigny, Rose Joly vient de se coucher. Mais son sommeil devait être rapidement interrompu. "J'ai perçu le crépitement d'une fusillade à proximité de ma demeure", témoigne-t-elle. Les coups de feu viennent du kilomètre 32 750, après la gare de Merrey que le train 15 241 a laissé derrière lui à 23 h 01. 

    Que s'est-il passé ? Les employés SNCF présents dans le train apportent des précisions sur l'origine de la fusillade. Adrien Bouvret, qui conduit la machine 57.1192 tractant 69 wagons "chargés de prisonniers et de déportés" (selon Marcel Cornier), explique : "Entre Merrey et Breuvannes, profitant du ralentissement* du train, des déportés se trouvant dans celui-ci ont probablement tenté de s'enfuir." Georges Renaud, chef de train : "J'ai bloqué mon train immédiatement et aussitôt l'arrêt, je suis descendu du fourgon pour mettre des pétards. [...] Les Allemands venant de la tête du train me traitèrent de terroriste." Georges Walter, autre cheminot présent dans la machine aux côtés d'un feldwebel (adjudant) et d'un interprète suisse : "Nous avons vu des balles traçantes passer au-dessus de la machine. Le convoi s'est arrêté quelques mètres plus loin par suite du fonctionnement d'un frein d'urgence (frein d'alarme). Le feldwebel [...] avait donné l'ordre de continuer la route." Manoeuvre impossible, à cause de l'utilisation du frein, ce qui sera une source de colère supplémentaire pour l'escorte allemande. 

    Des "passagers" du train ont donc pris la fuite, ainsi que l'expliquent les cheminots. Georges Walter : "Les Allemands ont organisé aussitôt la chasse des fuyards. Ils en ont pris un, que le feldwebel [...] a abattu d'un coup de revolver en plein front. [...] La chasse aux fugitifs a duré une bonne heure. Par la suite, ceux qui étaient partis à la recherche ont signalé que deux des évadés n'ont pas pu être retrouvés." Pour Georges Renaud, il n'y eut pas un mais deux prisonniers blessés : "Les Allemands parlementèrent et décidèrent d'achever les deux prisonniers, ce qui fut fait aussitôt, puis ils m'emmenèrent à hauteur du wagon où il restait 17 prisonniers. Le feldwebel monta dans le wagon et les tua à coups de revolver." Selon le mécanicien Bouvret, "les Allemands ont tiré des rafales de mitrailleuse dans le wagon duquel s'étaient enfuis les déportés".

    Puis le train repart. A 0 h 58, il est en gare de Neufchâteau (Vosges). Là, cheminots et Allemands rendent compte, chacun de leur côté, des événements à leur hiérarchie. Le convoi poursuit son chemin : d'abord Toul, puis Frouard, Pagny-sur-Moselle, Novéant, Sedan, la Belgique...

    Précisément, le cheminot André Marchand est à Toul : "J'ai remarqué les traces de sang et j'ai vu également les vêtements des détenus qui avaient été tués. Ceux-ci avaient été déshabillés avant d'être enterrés près du poste de transformation du dépôt de Toul."

    La fosse commune se trouve sur le territoire d'Ecrouves, "sur un terrain militaire qui s'étend entre la route de Toul à Paris et la voie ferrée [...], au lieu-dit La Concentration, précise l'inspecteur de police Georges Gillet. [...] Les corps étaient recouverts d'une couche de terre argileuse de 80 cm environ."

Un corps sur la voie 

    Revenons à l'origine et à la composition du convoi. Il transporte des déportés jusqu'alors affectés à des travaux dans les îles anglo-normandes (Aurigny, ou Alderney). Ces hommes sont essentiellement Russes, Polonais, Hongrois, Hollandais. Des Témoins de Jéhovah figurent parmi eux. Selon un précieux récit établi en 1950 par Kurt Hille et conservé par les archives Arolsen, ils sont 634 déportés issus d'Alderney (Aurigny), 430 "travailleurs civils", des prisonniers anglais et américains à être entassés dans les wagons, sous la garde de 59 SS, 20 parachutistes et 18 travailleurs de l'Organisation Todt. Ce transport correspond à la I. SS-Baubrigade, sous les ordres du SS-obersturmführer Werner Klebeck et du SS-hauptsturmführer Maximilian List. Le transport ferroviaire est parti de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) le 4 juillet 1944. Il est passé par la vallée de la Loire, l'Auvergne, la Bourgogne et la Franche-Comté. Entre-temps, les wagons de travailleurs civils et de prisonniers alliés auraient été séparés du convoi le 19 juillet 1944. A Is-sur-Tille, quinze détenus se seraient évadés - ou auraient tenté de s'évader -, un fait que n'évoque pas Georges Minot. 

    Puis une nouvelle tentative en Haute-Marne s'est soldée par un massacre. A son sujet, nous avons pris connaissance du témoignage des cheminots français. Que disent les déportés survivants ? Toujours d'après le récit établi en 1950 par Kurt Hille, c'est après Merrey que des prisonniers du wagon 12 se sont jetés sur un gardien allemand, lui ont pris son fusil et l'ont blessé. Immédiatement, huit déportés ont sauté du train : trois ont été abattus. Dans le wagon, quatorze autres déportés ont été tués - nous avons vu de quelle façon -, quatre blessés. Un autre témoignage conservé par les Archives Arolsen, livré par Erich Frost, un Témoin de Jéhovah allemand, présente une version légèrement différente : deux Polonais "ont poignardé un garde SS au cou", en représailles les Allemands ont tiré avec des mitraillettes dans le wagon et "tué sans discrimination des prisonniers innocents". Selon un autre déporté, Otto Spehr, auditionné le 23 septembre 1944**, l'auteur du crime serait un SS nommé Marian M., qui aurait auparavant exécuté d'autres prisonniers russes. Ce SS - Spehr parle d'hommes portant l'insigne Totenkopf - aurait été interné en Angleterre comme prisonnier de guerre. 

    Le forfait accompli, tous les corps ont été remontés ou laissés dans le wagon... sauf un seul. 

    Au matin du 27 juillet 1944, les gendarmes de Clefmont (Haute-Marne) qui se rendent sur les lieux de la fusillade constatent en effet la présence d'un cadavre au bord de la voie. Les gendarmes notent : "Il est vêtu d'une vareuse gris-vert, d'un pantalon à rayures bleues et blanches. Il est nu pieds. Sans coiffure. Le cadavre est à plat ventre, le visage repose sur les deux bras repliés. [...] Le visage est crispé [...] Les cheveux, châtains, sont tondus ras. [...] Sur le côté gauche de la vareuse, nous relevons le numéro suivant 17.120, surmonté d'un petit rectangle de tissus rouge." Le chef de gare de Merrey, Maurice Lombard, qui accompagne les gendarmes, voit également "un bras gauche, arraché à la clavicule", appartenant à une autre victime.

    Toujours non identifié

    Au 12 septembre 1944, à l'arrivée du convoi de la I. SS-Baubrigade à Sollstedt, 441 déportés sont enregistrés. D'après un survivant, plus de 40 déportés ont trouvé la mort durant le trajet.

    Combien sont décédés en Haute-Marne ? Erich Frost parle de 18 victimes enterrées à Toul. Le site Internet du camp de Neuengamme donne également le chiffre de 18 décès en juillet 1944 à Toul, dont 17 le 26 ou le 27 juillet. Ce sont les victimes du massacre. Il y a trois Allemands, deux Hollandais, deux Polonais, et onze Russes. Aucun d'entre eux ne porte le numéro 17.120 retrouvé à Colombey-lès-Choiseul. Il y aurait donc eu au total 19 victimes. Ce qui correspond aux informations données par les employés SNCF : deux évadés blessés et achevés, 17 déportés abattus dans le wagon. En 1946, la police française notera toutefois qu'ont été découverts à Toul 17 corps dont deux qui pourraient être ceux des "soldats allemands tués au cours de cette mutinerie".

    Qui est le déporté inconnu ? Si l'on se réfère à son numéro de matricule, son nom commence vraisemblablement par la lettre S, puisque le matricule 17.120 se situe entre 17.119 (Wilhelm Skora) et 17.121 (Gustav Slonewski). A ce jour, il n'a toujours pas été identifié.

Sources : 342 W 201, Archives départementales de la Haute-Marne ; 163 W (MM) 3157, Archives départementales de la Marne ; 102 W 23, Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle ; Archives Arolsen ; site Internet kz-gedenkstätte-neuengamme ; Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52.

* Un autre témoignage de cheminot parle plutôt d'une accélération. 

** Témoignage cité par Roman Alexandrovitch Firsov sur le forum Internet du mémorial OBD.


    Les victimes du massacre

(sources : site Internet Neuengamme et Arolsen Archives)

ANDREJENKO (Wassilij). Né le 14 janvier 1919. Russe. Matricule 16 582. Décédé en juillet 1944 à Toul selon le site Internet Neuengamme.

GOETTEL (Otto Hermann Willi). Né le 12 décembre 1904 à Rixford. Allemand. Matricule 16 741.

KLONZ (Richard). Né le 5 avril 1902. Allemand. Témoin de Jéhovah. Matricule 16 827.

KOLODJASCHYJ (Nikolaj). Né le 22 avril 1918. Russe. Matricule 16 830.

KUDRENKO (Nikolaj). Né le 5 mai 1923. Russe. Matricule 16 877.

LUBECKI (Wladyslaw). Né le 28 mai 1896 en Pologne. Matricule 16931 (Kommando d'Alderney, KZ Neuengamme). Il pourrait s'agir du déporté présent à Oranienburg, en 1941 (matricule 24 013).

LUKJANEZ (Grigorij). Né le 10 septembre 1914 à Suchowska. Russe. Domicilié à Hersfeld, en 1942 (matricule 8 258). Matricule 16 914.

MOROZ (Jefim). Né le 19 octobre 1914 à Krasnyj Kutok, près de Koursk. Russe (Ukrainien). Déporté politique. A Buchenwald (en provenance de Halle) le 15 octobre 1942, puis à Neuengamme le 22 février 1943. Matricule 16 977.

OEVER (van den) (Cornelis). Né le 30 septembre 1897 à Ablasserdam. Hollandais. Evangéliste. Domicilié à Den Haag. Arrêté en 1941. Déporté à Oranienburg, puis Neuengamme. Matricule 17 004.

PAWLENKO (Iwan). Né le 1er janvier 1924. Russe. Matricule 17 053.

SCHIRTUJEW (Aleksandr). Né le 5 mars 1914 à Schabowska. Russe (Ukrainien). Est à Dachau, en 1942. Puis à Sachsenhausen (matricule 35 610). Matricule 17 117.

SERGEJEW (Pjotr). Né le 22 juin 1916. Russe. Matricule 17 138.

SUKOLENOW (Pjotr). Né le 20 août 1914. Russe. Matricule 11 079.

TROTZKYJ (Nikolaj). Né le 18 mai 1920. Russe. Matricule 17 209.

WAJS (Sigismund). Né le 26 janvier 1920 à Marchocica (Pologne). Déporté à Sachsenhausen (matricule 23 276), en 1941. A Dachau. A Neuengamme (matricule 17 264).

WULDER (Grosse). Né le 13 janvier 1919 à Amsterdam. Hollandais. Témoin de Jéhovah. Arrêté le 15 mars 1941. Déporté à Sachsenhausen. Matricule 17 277. Acte de décès dressé le 5 septembre 1944. 

WUNDERLICH (Fritz Albin Rudolf). Né le 4 avril 1897 à Buchholz (Saxe). Allemand. Matricule 17 257. Acte de décès dressé le 4 septembre 1944.

Un recensement des Russes inhumés à Toul mentionne également le nom d'Ivan Jamisch ou Amisch, 22 ans.




    



    

samedi 1 mars 2025

Présence militaire allemande en Haute-Marne, 1940-1944


Des prisonniers allemands, vraisemblablement à Prez-sous-Lafauche. (Photo DR).


 Quelles étaient les unités militaires allemandes ayant stationné ou opéré en Haute-Marne sous l'Occupation ? Quels étaient leurs officiers ? Qui sont les soldats ayant trouvé la mort dans le département ? Essai de recensement à partir d'archives à notre disposition.

Services et unités militaires

Feldkommandantur 563 (dissoute en février 1942) puis Feldkommandantur 769 (créée en 1943)

    Feldkommandant :     général Martini, en 1940, dont major Winterfeld

                                        oberstleutnant Fischer, ... octobre 1940 - janvier 1942

                                        oberst Wolf, 1942

                                        oberst Karl Luyken, 17 déc. 1942 - janvier 1944

                                        general-major Manfred Müller-Arles, janvier - juin 1944

                                        oberst Werner Kleffel (1883-1944), tué 7/9/1944 à Hennezel (Vosges),

                                            dont oberstleutnant Kratchowill

    Kreiskommandantur de Chaumont : 

                                        hauptmann Lauter Wagner, sept. 1940 - juin 1941

    Kreiskommandantur I/563 de Saint-Dizier : 

                                        hauptmann Von Dewitz, dont hautpmann Bertram et Dubiel

                                        sonderfürhrer Simrog ou Simrock

                                        sonderfürhrer Ege

                                        hauptmann Mentzer

                                        hauptmann Constaple

                                        hauptmann Werner Mohraens 

        Officiers : leutnant Kluck (feldgendarmerie), leutnant Berg (feldgendarmerie), leutnant Bourhotz


79. Infanterie-Division. Elle est stationnée en Haute-Marne de juillet 1940 à avril 1941, assurant notamment la garde de la ligne de démarcation entre Zone occupée et Zone interdite. L'Infanterie-Regiment 212 est cantonné entre Saint-Dizier et Wassy ; la 4e compagnie est à Donjeux et la 5e compagnie à Gudmont, en décembre 1940 ; le leutnant Wittram appartient à la 6e compagnie. Cantonné avec son régiment (IR 226) à Joinville, l'oberst Andreas von Aulock (1893-1968) est le futur commandant de la forteresse de Saint-Malo.

SS-regiment Der Fürher. La présence en Haute-Marne d'éléments de la future 2. SS-panzerdivision Das Reich restait à confirmer. Elle l'est désormais grâce au témoignage du soldat Herbert Anton. Ce dernier appartenait à la 5e compagnie du 2e bataillon du SS-regiment Der Führer, cantonnée à Pierrefaites du 15 décembre 1940 au 31 mars 1941. Ayant séjourné en Hollande après la Campagne de France, la SS-division Reich (future Das Reich) a en effet cantonné en Haute-Saône, avant d'être appelée à combattre dans les Balkans. Ce qui explique que de nombreuses localités du sud-est-haut-marnais ont accueilli, à la même période (décembre 1940-mars 1941), des unités allemandes appartenant très vraisemblablement à cette division : Bussières-lès-Belmont, Chaudenay, Corgirnon, Coublanc, Fayl-Billot, Genevrières, Gilley, Grenant, Hortes, Vicq, etc. Le chef du 2e bataillon, Fritz von Scholz, trouvera la mort sur le front Est comme général SS en 1944. Le commandant de la 5e compagnie, le hauptsturmführer Sylvester Stadler, lui succédera à la tête du bataillon. Stadler commandait le régiment Der Fürher au moment du massacre d'Oradour-sur-Glane (642 victimes le 10 juin 1944) puis sera un des plus jeunes généraux SS, à l'âge de 34 ans. Il n'a jamais été jugé pour le massacre d'Oradour. 

Infanterie-Ersatz-Bataillon 483. Il est à Chaumont du 26 avril au 20 juillet 1942. Il pourrait s'agir du Landeschutzen-Bataillon (numéro non connu) de 450 hommes cantonné à la caserne Damrémont, commandé par un capitaine et parti en novembre 1942 pour le Languedoc. 

Landeschutzen-Bataillon 654. Chef de corps : major (ou hauptmann) Georg Major. Composé de soldats russes, il est cantonné dans le quartier Foch (caserne Adolf-Hitler) à Chaumont. Son chef loge au 86 bis, avenue de la République, du 19 décembre 1943 à février 1944, selon le témoignage de la propriétaire du logement. Parti pour Châlon-sur-Saône, il s'agit de l'ost-bataillon engagé contre les maquis de la Nièvre et de Côte-d'Or en 1944. Georg Major sera condamné à 20 ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Dijon.

II/Sicherungs-Regiment 199. Il est situé à Chaumont en 1944.

Eléments de la Freiwilligen-Stamm-Division. Cette division a été mise sur pied avec des prisonniers de guerre soviétique. Des éléments arrivent à Chaumont mi-février 1944, ainsi qu'à Langres. Ils participent à la répression des maquis du Jura en juillet 1944. Ils sont encore présents en Haute-Marne jusqu'au 1er septembre1944.

    Parmi ses unités : le Freiwilligen (Kosaken)-Stamm-Regiment 5. Le rittmeister Felix Kupper y est officier (il commande vraisemblablement le 1. Reiter-Abteilung ou groupe d'escadrons). Logé à partir de février 1944 au 86 bis, avenue de la République à Chaumont, l'officier est notamment accusé d'avoir participé aux massacres de Voisines (30 juin 1944) et de Châteauvillain (24 août 1944).

    Luftnachrichten-Ausbildungs-Regiment 302. Plusieurs éléments de ce régiment spécialisé dans la détection aérienne sont présents en Haute-Marne. La 2e compagnie (leutnant Holler) est cantonnée à Condes, au 11 septembre 1944. La 3e compagnie (hauptmann Koch) qui quitte Chaumont pour Bourbonne-les-Bains le 13 septembre 1944 et qui est impliquée ce jour-là dans le massacre d'Essey-les-Eaux appartient vraisemblablement à ce régiment. 

    Luftnachrichten-Regiment 203. Présent à Saint-Dizier, au 1er octobre 1942, parti de Haute-Marne le 29 août 1944.


Unités en retraite ayant opéré en Haute-Marne (août-septembre 1944)

    15. Panzer-Grenadier-Division. Grande unité venue du front italien et se repliant depuis la Bourgogne (Côte-d'Or, Yonne) et l'Aube. Elle est commandée par le generalleutnant Eberhardt Rodt. Selon Roger Bruge (Le Temps des massacres, Albin-Michel, 1994), seul le Panzer-Grenadier-Regiment 104, dont le 2e bataillon était commandé par le hauptmann Hunger et qui est arrivé le 23 août 1944 à Semur-en-Auxois (Côte-d'Or), aurait été concerné par ces opérations. En réalité, d'autres éléments de la division sont bien présents en Champagne. C'est le cas du Panzer-Grenadier-Regiment 115, auquel appartient le soldat Erwin Lattwein, qui sert dans la Stabskompanie de l'oberleutnant Joachim Arendt, et de l'Artillerie-Regiment 33. 

    Le 26 août 1944, une force allemande de la 15. Pz-Gren-Div, évaluée à environ 600 hommes par le lieutenant FTP Meleki, se heurte à la Compagnie Rouget de l'Isle à Tonnerre (Yonne). Elle capture le lieutenant FTP Tardy de Montravel. Le 27, après le départ des Allemands, Tonnerre est réoccupée. Le 28, le soldat allemand Lattwein est blessé par des résistants à Saint-Martin près de Tonnerre. Le 29, le lieutenant FTP capturé trois jours plus tôt est exécuté à Anglus (Haute-Marne). Cette colonne est passée par Vendeuvre-sur-Barse, Lévigny, Soulaines, et se dirige sur Montier-en-Der.

    A Montier-en-Der, en tout début de matinée du 30 août 1944, une colonne de la division se scinde en deux. Une partie part sur Wassy puis Joinville, puis vraisemblablement dans la Meuse. L'autre pousse sur Saint-Dizier. Toujours le 30 août 1944 au matin, un soldat de l'Artillerie-Regiment 33 meurt à Braucourt, entre Montier-en-Der et Saint-Dizier. Un élément de la division (appartenant sans doute au Panzer-Grenadier-Regiment 104, selon les précisions apportées par la commune de Chancenay qui parle d'une Panzer-Grenadier-Batterie 104), se bat à Chancenay le même jour.  On sait qu'il s'agit de l'unité passée par Lusigny-sur-Barse (Aube) parce que des effets personnels d'habitants de cette commune ont été retrouvés dans ce village haut-marnais. 

    La trace de cette division avait également été relevée à Tanlay le 27 août 1944, à Bar-sur-Seine le 28 août 1944, aux Bourguignons les 28 et 29 août 1944, à Lusigny-sur-Barse, le 29 août 1944.

    3. Panzer-Grenadier-Division. General Horst Eckert. Comme la 15. Pz-Gren-Div, elle vient d'Italie via l'Allemagne. Son arrivée dans la région de Saint-Dizier est annoncée à la Résistance haut-marnaise (la Compagnie du Val exécute des sabotages de voies ferrées sur la ligne Saint-Dizier - Revigny-sur-Ornain, commune de Baudonvilliers, les 23 et 27 août 1944). Des éléments de la 3. Pz-Gren-Div sont présents à Saint-Dizier à la date du 26 août 1944, où contact est pris avec un officier de la SS-Panzer-Brigade 51 qui s'est battue à Troyes. Le 29 août 1944, le Panzer-Grenadier-Regiment 29 commet les massacres de la vallée de la Saulx (une centaine de victimes dans la Meuse et la Marne). La division se bat par la suite dans la Meuse, en Meurthe-et-Moselle et en Moselle. 

    Sicherungs-Bataillon 671. Selon l'audition du prisonnier de guerre Peter Hofmann, il est formé à Fontainebleau. Parti en avril 1944 à Dijon, le bataillon y reste jusqu'au 10 septembre 1944, puis se replie en direction des Vosges. Son chef, le major Teudesmann, est fait prisonnier le 11 septembre 1944 lors du combat de Belmont contre le 1er régiment de France. La 1ère compagnie est sous les ordres du capitaine Jacobitz, "tué près de Belfort", la 4e compagnie est commandée par le capitaine Linsebach. Le lieutenant Wenzel est officier au bataillon.

    Ost-Bataillon 615. "Mon unité se composait presque exclusivement d'Ukrainiens et de Russes", précise le feldwebel (adjudant) Rudolf Bloedt. Le major Friedrich Schrade, d'Elbing, commande le bataillon. Selon Bloedt, les compagnies sont sous les ordres du lieutenant Popotribko (1ère), du lieutenant en premier Gorvaco (2e), du lieutenant Eberhardt Harr, de Neckarwestheim (3e). Ce bataillon est à Auxerre (Yonne) à partir du 8 juin 1944, puis à Nanges, à Plaines (il y est le 2 août 1944 au moment d'une prise d'otages), à Mussy-sur-Seine, à Châtillon-sur-Seine. Rudolf Bloedt et le caporal-chef Walter Schuddekopf, tous deux de la 3e compagnie, nient que leur unité ait commis des exactions en Côte-d'Or et dans l'Aube. Le 11 septembre 1944, l'Ost-Bataillon 615 est présent à Saulles où au moins quatre femmes sont violées et où trois infirmières FFI sont assassinées (avec deux FFI). Le lieutenant Harr est fait prisonnier le 16 septembre 1944 à Preigney (Haute-Saône) avec le feldwebel Fritz Leiner, les caporaux-chefs Autor, Schuddekopf, Engels et quatorze Russes. Le lieutenant Edgar Kroner, le feldwebel Franz Horn, le caporal-chef Alwin Huebler (chauffeur du major Schrade) appartiennent au bataillon. Walter Schuddekopf sait que son chef Schrade a été exécuté par des FFI (à Saulles).

    Artillerie-Regiment 338 (Infanterie-Division 338). Selon le témoignage du feldwebel Heinrich Trimbusch, le régiment est commandé par l'oberst Pirker, la 4e batterie (la sienne) est commandée par le leutnant Diehl, la 6e batterie par le hauptmann Kargel. L'AR 338 qui est entre Arles et Marseille embarque en train le 13 août 1944. Il doit gagner la région de Troyes mais est débarqué avant cette ville vers le 21 août 1944. Par la route, le régiment gagne Saint-Florentin puis Châtillon-sur-Seine. La 4e batterie se dirigeait sur Tonnerre puis Dijon quand le major Schrade, commandant l'Ost-Bataillon 615, a pris l'unité sous ses ordres. Le feldwebel Trimbusch est fait prisonnier avec sept camarades le 15 septembre 1944 à Cintrey (Haute-Saône). C'est au camp 61 de Langres qu'il apprend, par une affiche, l'exécution de Friedrich Schrade "pour un motif ignoré de moi".

    Unité de Pionier correspondant au feldpostnummer 18031. Elle est présente le 4 septembre 1944 à Chalindrey où deux civils sont tués. Le hauptmann und kommandant Tredder, le leutnant Fritsch appartiendraient à cette unité. Il s'agit peut-être du 28. Pionier-Bataillon, impliqué dans la mort du FFI Marcel Maignien en Haute-Saône le 3 septembre 1944.

    Artillerie-Regiment 1708. Présent le 4 septembre 1944 à Chalindrey où deux civils sont tués. Le lieutnant Flin commande la batterie hors rang du régiment. Présent également à Andelot où il déplore plusieurs tués.

    Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44. Unité d'observation commandée par le major Portmann et arrivée en Haute-Marne en août 1944. Deux hommes sont tués le 26 août 1944 à Donjeux. L'unité est à Andelot le jour de l'attaque FFI du 1er septembre 1944. Elle forme l'ossature du kampfgruppe de l'oberstleutnant Ludwig Wienkoop et est anéantie le 12 septembre 1944.

    2e bataillon, Sicherungs-Regiment 95. Bataillon commandé par le hauptmann Reichmann lorsqu'il se trouvait en Corrèze. Présent en Haute-Marne dans le cadre du kampfgruppe Ottenbacher. Se porte le 11 septembre 1944 de Chaumont à Andelot. Perd trois officiers à Andelot le 12 septembre 1944.

    SS-Polizei-Regiment 19. Régiment présent dans le Limousin, en Auvergne et à Lyon. Le major Kaboth puis le hauptmann Engelbrecht commandent le 2e bataillon, le major Otremba le 3e. Ils appartiennent au kampfgruppe du general Ernst Ottenbacher. Selon Jérémy Gérard, les 9e et 12e compagnies du III/SS-Polizei-Reg 19 se battent à Andelot. Le leutnant Schmid commandait la 9e compagnie durant l'été 1944. Source : Bernard Reveriego, Fusillés et morts au combat en Dordogne (1940-1944), Les Editions Secrets de pays, 2023.

    Sicherungs-Regiment 200. Un élément appartient à la date du 11 septembre 1944 à un groupe réunissant un Sicherungs-Bataillon (sans doute le SR 671), l'Ost-Bataillon 615, une compagnie de pionniers et deux batteries d'artillerie, entre Châtenay-Macheron et Champlitte (Haute-Saône).

    16. Infanterie-Division. Elle se replie depuis le sud de la France. Elle est composée des Grenadier-Regiment 221, 223 et 225, de l'Artillerie-Regiment 1316. Les majors Klamp et Köster commandent deux kampfgruppe de cette division, qui, passée par Langres, défend Chaumont - la garnison retraite le 13 septembre 1944 en direction de Bourbonne-les-Bains - et Prez-sous-Lafauche.


Militaires allemands tués en Haute-Marne

    Cette liste de 150 morts identifiés ou inconnus tués lors de la Libération de la Haute-Marne est basée sur des documents d'archives fournis par les municipalités. Elle n'est évidemment pas exhaustive (exemple : les données manquent pour Saint-Dizier et Langres). Pour établir cet essai de recensement, nous ne nous sommes pas appuyés sur les chiffres donnés par les journaux de marche de différents maquis, exemple le maquis Charles (Varennes-sur-Amance) qui revendique au moins 86 morts allemands entre le 24 août et le 15 septembre 1944, dont 18 prisonniers cosaques fusillés les 31 août et 14 septembre 1944. En gras, les officiers. 

25 août 1944. Willi Steinfeld et un militaire prénommé Fritz tués à Orbigny-au-Mont.

26 août 1944. Ignacz Eisele, 34 ans, et Christoph Fuhry, 21 ans, de la 3e Kompanie, Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44, à Donjeux. 

30 août 1944. Edwin Hoffmann, 22 ans, de l'Artillerie-Regiment 33 (15. Pz-Gren-Div), tué à Braucourt sur la route de Saint-Dizier (par l'explosion d'une mine posée par les FFI).

30 août 1944. Sept soldats allemands du Luftgau-Nachrichten-Regiment 7 à Villiers-en-Lieu, dont le radio Horst Margier et le radio Manfred Spiecker, 18 ans.

30 août 1944. Cinq soldats allemands à Chancenay, appartenant à la 15. Panzer-Grenadier-Division (vraisemblablement au Panzer-Grenadier-Regiment 104), dont le leutenant Otto Probst, 32 ans, et le gefreiter Siegried Schaefer, 37 ans.

31 août 1944. Obergefreiter Karl Hupka, 39 ans, et soldat Erich Leifert, issus du Landeschutzen-Ersatz-Bataillon 8, à Chevillon.

31 août 1944. Major Karl Maner, du Luftgau-Paris, et hauptmann Liebieghre, à Nomécourt.

1er septembre 1944. Un tué à Andilly-en-Bassigny (brûlé dans son véhicule). Mais le maquis Charles revendique environ 40 tués ce jour-là !

1-12 septembre 1944. Combats d'Andelot (liste communiquée par Daniel Guérain) : Franz Schneeweiss (Reserve-Beobachtungs-Abteilung 44), Heinrich Baskschat (AR 1708), Willi Walter (id), Wilhelm Cierpinski (id), obergefreiter Erich Knoch, hauptfeldwebel Lorenz Wapler (II/Sicherungs-Regiment 95), un inconnu, leutnant Kurt Hofmann (II/SR 95), hauptmann und kommandant Johan Klose (II/SR 95), un inconnu, Kurt Weideneauer (RBA 44), gefreiter Pichel (AR 1708), Alfred Seybold (RBA 44), Joseph Farkas (id), Felix Matt, Ernst Bley, leutnant Kaufmann, Herbert Krüger, obergefreiter Ludwig Wlodarczak, leutnant Heinz Krueger, leutnant Kurt Zensinger (AR 1708), Hermann Lohmeter, gefreiter Suecke, leutnant Herbert Erfmann, Wilhelm Kahre, gefreiter Schaefer, obergefreiter Eduard Richter (AR 1708), un inconnu, Oskar Schinke, Willi Kaiser, Hermann Nankemann, Joseph Mach, Wilhelm Radermacher, un inconnu, obergefreiter Friedrich Knaup, unteroffiizier Alain Büscher, gefreiter Paul Huhdorf, Alfred Haas (reserve beobachtungs 44), Gottfried Kleindienst (id), un inconnu, Kurt Adelhart (reserve beobachtung 44), obergefreiter Alfred Beck, gefreiter Gerhard Baensch, oberleutnant Heinrich Mönkenmöller, Johann Ritzmüller (reserve beobachtung 44), Erich Knop, gefreiter Helmut Theodor, gefreiter Karl Steinweg, Karl Kosak (reserve beobachtung 44), Reilis (id), Jos Sinko (id), obergefreiter Heinz Günth Strieber (id), Johann Hofmann (id), Fritz Trowall (id), gefreiter Helmuth Kötter (id), Erich Muriol (id), gefreiter Anton Starkl. Liste complémentaire fournie par le Service des sépultures allemandes : Emil Dracke, aspirant Ludwig Elfgang, Wilhelm Lücke (SR 95). Une autre liste complémentaire dans l'ouvrage de Jérémy Gérard (Andelot dans la tourmente. 1940-1944, 2020), qui cite au total 72 noms de victimes allemandes.

Début septembre 1944. Ywan Baschmakov, 27 ans, déserteur d'un régiment de cosaques, tué à Enfonvelle. 

4 septembre 1944. Gefreiter Alfred Flegel, 19 ans, de l'Artillerie-Regiment 1708, tué à Chalindrey.

4 septembre 1944. Cinq soldats allemands (dont un unteroffizier, le chauffeur et trois passagers d'une voiture Ford V8) tués sur la RN 19 à hauteur de Rosoy-sur-Amance.

11 septembre 1944. Stalsurz, au lieu-dit La Folie (Broncourt).

11 septembre 1944. Heinrich Ruland, 37 ans, de l'Organisation Todt (ou décédé le 1er septembre 1944, selon sa tombe du cimetière d'Andilly en Meurthe-et-Moselle).

11-14 septembre 1944. Au moins 18 soldats inhumés à Belmont, dont le hauptmann G. Müller, Strobl, A. Buchner, E. Brumann.

12 septembre 1944. Un militaire décédé de ses blessures à Bettaincourt-sur-Rognon.

12 septembre 1944. Quatre soldats allemands inhumés en forêt de Guyonvelle.

12 septembre 1944. Un soldat allemand qui aurait été tué sur la route de Contrexéville et déposé à Joinville par des soldats américains.

13 septembre 1944. Un soldat allemand inhumé en forêt de Guyonvelle.

13 septembre 1944. Friedrich Meireff, au lieu-dit La Folie (Broncourt).

13 septembre 1944. Dix soldats dont peut-être un officier tués dans la côte de l'Abondance, près d'Essey-les-Eaux. 

13 septembre 1944. Deux soldats tués - l'un par une balle dans la tête, l'autre dans la poitrine - à Colombey-lès-Choiseul par des FFI des Vosges.

14 septembre 1944. Hans Müller, 18 ans, de la Luftwaffe, tué à Frécourt.

15 septembre 1944. Arno Schameitis, 18 ans, à Briaucourt, touché par balle.

15 septembre 1944. Funker Heinz Steiner, 18 ans, du Luftgau-Nachrichten-Regiment 7 (Luftwaffe), et Alphonse Spitz, portant l'uniforme d'aviateur, à Neuilly-l'Evêque.

Septembre 1944. FW (feldwebel ?) Zung et H. Specht, au lieu-dit La Folie (Broncourt). 

Sources : 15 W 74, AD 52 ; série 163 W 3156-3181, AD 51 ; geneanet (relevé des tombes du cimetière allemand d'Andilly, en Meurthe-et-Moselle).