Par
ses effectifs revendiqués à la date du 13 septembre 1944, le maquis
Duguesclin (ou maquis Jérôme, ou encore bataillon Schreiber) est la
plus importante unité FFI haut-marnaise. Un document officiel
précise qu'il rassemble 27 officiers, 71 sous-officiers et 425
hommes de troupe, soit 523 FFI, plus un sous-officier et 42 hommes en
réserve. Soit l'effectif d'un petit bataillon, organisé en quatre
compagnies. La présence, au sein de ce maquis, de nombreux officiers
d'active ou de réserve ne manquera d'ailleurs pas, plus tard, de
susciter l'étonnement d'autres résistants du département... C'est
l'histoire de cette unité que nous vous proposons ici dans ce récit
inédit.
L'origine
du maquis
Selon
le journal de marche de l'unité, rattachée au mouvement OCM
(Organisation civile et militaire), l'origine du maquis provient
d'une rencontre organisée, à Chaumont, les 18 et 19 juillet 1944.
Elle associe le commandant Jacques
Davout d'Auerstaedt, alias «Ovale», délégué militaire
régional adjoint pour la Région D, les membres du groupe de
Chaumont (capitaine René Schreiber,
lieutenant André Parcollet, lieutenant
Maurice Blanchot,
Me Robert Bocquillon) et Robert
Vauthier, président chaumontais du CDL. Cette réunion sera
suivie d'une prise de contact entre Parcollet,
le colonel «Michel» (Emmanuel de
Grouchy, chef départemental FFI) et son adjoint «Charles»
(capitaine Thierry Cruse). Prise de contact que l'historique
situe le 27 juillet 1944, à Chaumont.
Quelques-uns
de ces cadres étaient rattachés au service des Eaux et forêts et
du Génie rural : c'est le cas de Schreiber
et de Parcollet, employés dans la 31e
conservation des Eaux et forêts. Le premier est né en 1909 à
Besançon. Marié, père de famille, ce lieutenant d'active installé
à Chaumont s'était battu en 1940 avec le 21e RI
au sein duquel il commandait le peloton motocycliste puis la 1ère
compagnie. Avec Parcollet, un Langrois de 24 ans, Schreiber a permis
«de faire échapper plus de 200 jeunes gens à la déportation»,
c'est-à-dire le STO.
Avant
même la création du maquis, plusieurs groupes ont en effet été
organisés dans le sud-ouest haut-marnais. Selon une communication
d'anciens FFI adressée à la rédaction de La Haute-Marne
Libérée, il s'agit de
groupes constitués «pour la région comprise entre Arc et
Latrecey inclus» qui «se
mettaient en relation avec les maquis du Châtillonnais» et
commandés par :
.
l'adjudant-chef François Frey. Né dans les Vosges en 1897, le
sous-officier, contremaître dans des exploitations forestières à Arc-en-Barrois et semble-t-il alors domicilié à Montrot
(Arc-en-Barrois), a sous ses ordres 35 à 40 hommes,
armés par les soins du maquis Blonde (Côte-d'Or), implanté dans la
région de Recey-sur-Ource. «Le
groupe est formé par un chantier forestier dépendant du lieutenant
Parcollet depuis quatorze mois»,
précise l'historique du maquis Duguesclin.
.
l'adjudant Constant Brochard, garde forestier à Aubepierre-sur-Aube, a réuni 50 hommes de Coupray où il habite, Cour-l'Evêque, Créancey, Latrecey.
.
le caporal Tissut.
.
l'adjudant Desmaret, groupe organisé début août 1944 et
vraisemblablement incorporé dans le maquis Blonde.
Mais
en réalité, le premier groupe avec lequel les créateurs du groupe
de Chaumont entrent en contact est celui formé à Juzennecourt par
l'adjudant Dufour. C'était le 11 août 1944. Né à Meures en
1908, Pierre Dufour était
adjudant au 28e régiment d’artillerie de Chaumont.
Prisonnier jusqu’en 1941, le sous-officier était revenu en
Haute-Marne pour être employé au ravitaillement général à
Juzennecourt. C'est là qu'il a réuni 50 hommes qui prendront le
maquis le 20 août 1944.
Car
les événements s'accélèrent. Le 19 août, Schreiber,
Blanchot, Parcollet et le lieutenant
Claude Chaize se rendent
au PC du colonel «Michel» - de Grouchy - à la ferme de La Salle,
près d'Auberive, «où ordre leur fut donné de constituer un
maquis dans la région d'Arc-en-Barrois».
Quatre
jours plus tard, les lieutenants Parcollet et Henri
Bigorgne – celui-ci est né en 1915 à Saint-Dizier mais
s'est marié à Chaumont - installent les premiers éléments du
maquis à la ferme de Champlain-la-Forêt, distincte de la maison
forestière du même nom (à 6 km au sud-est d'Aubepierre-sur-Aube).
Le
24, les âmes du groupe et 22 sous-officiers se retrouvent à
Neuilly-sur-Suize, à la sortie de Chaumont en direction de Crenay.
Ils seront les cadres du maquis dont René Schreiber prend le
commandement. Figurent vraisemblablement, dans ce groupe, les
sergents-chefs Jean Dubois, 30 ans, passé par les 21e et
109e RI, retiré en 1943 à Nogent, et Charles Noirot, 30
ans, ancien sous-officier au 28e RA, domicilié à Crenay,
l'adjudant-chef d'artillerie Louis Tisserand, 36 ans (né à Crenay,
domicilié à Neuilly-sur-Suize), l'adjudant René Douillot, 34 ans,
de Chaumont...
Selon
une liste des cadres du maquis (dossier GR 19 P 52-13, Service
historique de la Défense), ont également rejoint le maquis, à la
date du 24 août 1944, les sous-officiers suivants : aspirant Pierre
Colin, adjudants-chefs Lucien Frequelin, François Sciaux, Jules
Roux, René Karr, Gilbert Tissier, Jean Prodhon, adjudants Roger
Bertrand, Sedon Desmet, André Dubosque, Roland Clément,
sergent-chef Victor Lesieux, sergents Pierre Deblaize, Jean Roy,
Fernand Bablon, Gay, Denis, Louis Pelletier, Bouchot...
Le
noyau du maquis est donc formé le lendemain par l'incorporation du
groupe Frey. Selon la communication des anciens FFI, Parcollet –
qui rencontrera le 26 août le commandant Le Charpentier («Yves»),
chef du secteur de Recey-sur-Ource – prend contact avec le
sous-officier bourguignon en lui disant : «Nous sommes venus nous
installer dans la région. Mais pour le moment nous n'avons pas
d'armes et pas d'hommes. Venez avec nous.»
Grâce
à ce groupe armé, les FFI pourront tendre, le 26 août, une
première embuscade sur la route entre Arc-en-Barrois et
Giey-sur-Aujon.
(A suivre).
Illustration
: le lieutenant (capitaine FFI) René Schreiber (1909-1944), ancien
officier au 21e RI. (Photo communiquée par la famille Schreiber).
Copyright club Mémoires 52, juillet 2020.
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