Le 21 septembre 1944, deux hommes ont été retrouvés morts dans le bois de Saint-Roch, en lisière de Chaumont. L’un s’avérera correspondre à Martial Champied, né en 1909 à Troyes, arrêté le 22 août 1944 à Clairvaux, emprisonné à Chaumont et, selon L. Hutinet (« Livre d’or de la Résistance haut-marnaise »), exécuté le 26. L’autre est un homme d’une quarantaine d’années resté encore aujourd’hui inconnu.
Quelques semaines plus tôt, le 27 août, ce sont deux autres corps qui ont été découverts sur le territoire de Coupray : celui d’Antoine Papa, de La Courneuve, réfugié à Coupray, exécuté deux jours plus tôt, et celui d’un homme d’une trentaine d’années, vraisemblablement tué le même jour.
Nul n’a donc jamais su qui étaient les inconnus du bois de Saint-Roch et de Coupray.
A l’inverse, plusieurs résistants arrêtés par les Allemands en Haute-Marne n’ont jamais plus donné de nouvelles. C’est le cas de :
. Michel Chement, de Pressigny, porté disparu le 1er septembre 1944 lors du combat de la gare d’Andilly livré par le maquis de Varennes ;
. Raymond Chevalier, né le 6 mars 1914 à Saint-Blin, membre du groupe Siroco et porté disparu le 8 septembre 1944 près de Prez-sous-Lafauche. Il a été fait prisonnier avec Hubert Mayer, né à Frebécourt (Vosges) en 1925 et décédé en déportation le 1er février 1945.
Le cas qui nous préoccupe ici est celui d’André Guignard, chef du secteur Est de Chaumont des FFI, qui, avec Marc Bongrain (d’Illoud), chef du sous-secteur de Bourmont, est porté disparu le 23 août 1944 à Auberive, « à la suite d’une liaison avec le chef départemental (Note : le colonel Emmanuel de Grouchy, alias « Michel ») et les autres chefs de secteur », précisera Grouchy, qui a alors son PC à la ferme de La Salle. Nous savons que le FFI Robert Ingret, qui les accompagnait, a été abattu sur place par les troupes d’occupation qui ont intercepté leur véhicule. Quant à Guignard et Bongrain, l’auteur de la brochure consacrée au maquis d’Auberive dira : « Ils furent arrêtés, emmenés et jamais on ne put retrouver leur trace ».
Que sont-ils devenus ? La question hante encore leurs camarades, qui ne l’ont jamais résolue. Comme Maurice Noirot, de Noyers, l’un des derniers à avoir vu Guignard vivant (c’était le matin même à Nogent, au départ de leur mission).
Selon le dossier de déporté – car pour l’Etat, le chef du secteur Est de Chaumont est considéré comme décédé en déportation - de Guignard, Bongrain et lui-même ont été d’abord conduits dans l’abbaye d’Auberive, puis dirigés sur la prison de Langres. Or l’on sait que le 27 août, les captifs de cette prison ont été transférés en camion jusqu’à Chaumont, d’où ils sont partis le jour-même en train jusqu’à Belfort puis à Neuengamme. L’un de ces déportés, Raymond Gourlin, communiquera à Jean-Marie Chirol, président du CM 52, une liste de ses camarades de la prison de Langres : ni le nom de Guignard, qu’il a connu brièvement au maquis de Leffonds, ni celui de Bongrain n’y figurent. Ce qui n’exclut pas leur présence dans le train. La liste – reconstituée – des déportés du convoi du 29 août 1944 (Belfort – Neuengamme), publiée par la Fondation de la mémoire de la Déportation, comprend ainsi le nom de Bongrain, sans toutefois que son numéro de matricule à Neuengamme ne soit indiqué. Mais aucune trace du nom de Guignard, alias « Dédé ». Signalons toutefois que cette liste n’est pas exhaustive.
Guignard a-t-il été déporté et exécuté en tentant de s’évader du convoi entre Chaumont et Belfort ou entre Belfort et Neuengamme ? L’hypothèse n’est pas à exclure. D’ailleurs, un des déportés haut-marnais par ce train, décédé récemment, le pensait. Peut-être un lecteur de cet article, originaire des Vosges ou du Territoire de Belfort, deux départements situés sur le trajet du convoi, a-t-il connaissance de la découverte du corps d’un inconnu mort sur la voie ferrée, entre le 27 et le 29 août 1944…
Reste également une autre possibilité. A force de persévérance, Jean-Marie Chirol avait pu démontrer qu’un résistant porté disparu en juillet 1944, déporté précisément par ce même convoi du 27 août 1944, était en fait mort à Neuengamme… sous un nom d’emprunt. Or Guignard avait sur lui une fausse carte d’identité au nom d’André Legrand, né à Asfeld (Ardennes) – précision apportée par son épouse. Toutefois, la FMD ne mentionne aucun déporté de ce nom et originaire de cette commune parmi les dizaines de milliers de victimes qu’elle a recensées…
Rappelons brièvement qui était André Guignard. Né à Toulouse en 1912, sous-officier, il s’est marié en 1935 avec une Nogentaise (un fils est né de cette union). Etabli à Chaumont, il a intégré l’organisation du colonel de Grouchy en 1944, créant et dirigeant le secteur Est de Chaumont. Durant l’été, il a commandé des sabotages (30 juillet et 3 août 1944 entre Merrey et Lénizeul, 20 août au pont de La Pommeraie), réceptionné un parachutage (12 août entre Tronchoy et Rolampont) et conduit l’audacieuse opération qui a abouti à la libération du résistant Louis béchu. La disparition de Guignard est intervenue au moment-même où l’ordre de guérilla générale était donné aux FFI haut-marnais…
(Article publié dans le numéro 43 de « Dossier 52 »).
Est-il possible, selon vous, que ces cadavres restés sans nom puissent pour l'un ou l'autre correspondre à Michel Chement? J'effectue quelques recherches à ce sujet car j'appartiens, par alliance, à la famille Chement-Audat.
RépondreSupprimerCordialement