lundi 7 juin 2021

La fin d'un mystère autour d'un résistant arrêté près de Montier-en-Der

Entre 1986 et 1995, Jean-Marie Chirol, fondateur du club Mémoires 52, a mené une enquête très fouillée sur l'évasion de 45 internés du camp de Compiègne déportés en direction de Neuengamme, dans la nuit du 4 au 5 juin 1944, dans la Marne. Elle est parue sous le titre «Sur les chemins de l'enfer» (club Mémoires 52, 1996).


Quatre de ces évadés ont été recueillis à Couvrot, dont le lieutenant Raymond Krugell et le sergent Maurice Cousteau. Né le 8 novembre 1923 à Montesquieu (Tarn-et-Garonne), le sous-officier « appartient à un maquis de Corrèze. Il est arrêté par la Gestapo, pour faits de résistance fin mars, et incarcéré à la prison Saint-Michel de Toulouse. Le 27 avril, il fait la connaissance de Raymond Krugell (alias Jean Rehm) lorsque celui-ci arrive dans cette prison. Le 12 mai, ils partent ensemble, en convoi, au camp de Royallieu. » Le 30 juin, après leur évasion, Krugell et Cousteau sont contactés par les responsables du Front national de Saint-Dizier et prennent le commandement de deux groupes dans la région dervoise. Krugell les quittera le 22 juillet. Auparavant, Cousteau a été arrêté « le 20 juillet 1944, lors d'un contrôle de feldgendarmes, entre Giffaumont et Montier-en-Der », écrit l'historien. Qu'est-il devenu ? Dans un article du journal L'Union, paru le 12 juin 1974, il est écrit : "Après un séjour à la prison de Châlons, il fut porté disparu. Sa famille ignore ce qu'il est devenu." Jean-Marie Chirol va donc chercher à le savoir.


L'on sait que grâce à des fonctionnaires de la préfecture de Châlons, Marcel Reiss, de Couvrot, a pu obtenir des cartes d'identité pour Krugell, qui devient « Raymond Fontaine », et Maurice Cousteau, « Maurice Delmas ».

« Ces précisions vont être utiles, très utiles même, pour la suite de ma nouvelle enquête commencée le 22 août 1996, raconte Jean-Marie Chirol. Jusqu'en juillet 1996 – parution de l'ouvrage « Sur les chemins de l'enfer » - à défaut d'autres informations, j'en reste au fait que Maurice Cousteau : arrêté en Haute-Marne, le 20 juillet 1944, conduit à la prison de Chaumont, puis transféré à celle de Châlons, a quitté cette dernière pour être emmené vers l'Allemagne probablement et porté disparu après Nancy.

Le 22 septembre 1990, je fais connaissance de Raymond Gourlin à l'occasion d'une manifestation à Coole (Marne). (Une) lettre m'est adressée suite à cette rencontre (…) » Or, parmi les noms, cités par M. Gourlin, des détenus de la prison de Langres dirigés le 27 août 1944 sur Belfort puis déportés le 29 de Belfort pour Neuengamme, figure le nom de Maurice Delmas.

Quelques semaines plus tard, M. Chirol découvre en effet, dans le Mémorial des Français et Françaises déportés à Neuengamme, paru en 1994, le nom de Maurice Delmas, né à Châlons-sur-Marne le 2 février 1925, convoi arrivé le 1er septembre 1944 à Neuengamme, matricule 43 963, décédé le 9 janvier 1945 au kommando de Wilhelmshaven.


Maurice Delmas étant la fausse identité de Maurice Cousteau, l'historien va donc chercher confirmation de son hypothèse. Toujours en août 1996, Jean-Marie Chirol obtient une réponse écrite de l'état civil de Châlons précisant « qu'il n'y a pas d'acte applicable » d'une naissance d'un nommé Maurice Delmas dans la cité à la date du 2 février 1925.

« Le 25 août 1996, ajoute-t-il, j'écris au maire de Montesquieu (82200) pour obtenir la photocopie de l'acte de naissance de Maurice Cousteau. Réponses reçues le 23 septembre 1996 : confirmation du lieu et de la date de naissance de M. Cousteau », fils de Jean Cousteau, propriétaire cultivateur, et de Léonie Berthe Vidal, mention marginale : décédé au cours du mois de juillet 1944 (jugement du tribunal civil de Moissac du 1er avril 1952, « mort pour la France », mention faite le 12 mai 1952) ».

Enfin, Jean-Marie Chirol apprendra de Raymond Gourlin que Maurice Delmas est inhumé au Struthof, section K, deuxième rangée, tombe n°38. Pour lui, il s'agit bien du lieu d'inhumation de Maurice Cousteau.


Respectant le vœu de la sœur du résistant, qu'il a contactée et qui ne souhaitait pas connaître les résultats de cette enquête, Jean-Marie Chirol, décédé en 2002, ne l'a pas publiée. Aujourd'hui, cette parente nous a quittés. Nous avons donc jugé utile, pour la parfaite connaissance du parcours de Maurice Cousteau, de la rendre publique, 76 ans après son décès.

Illustration collection Jean-Marie Chirol/Club Mémoires 52.


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