En juin 1994, pour le 50e anniversaire du débarquement en Normandie, le club Mémoires 52 publiait un numéro spécial consacré aux Haut-Marnais du Jour J.
Outre François Andriot, de Chaumont, et le sergent Jacques Sénée (inhumé à Champcourt), qui appartenaient au fameux commando Kieffer et à qui nous avons consacré un précédent chapitre, citons :
. Gilbert Mura, né dans les Vosges en 1922, qui habitera Arc-en-Barrois, alors quartier-maître à bord de la frégate « La Surprise » ;
. André Ribeiro, né à Reims, futur colonel domicilié à Langres, alors sergent navigateur au sein du groupe de bombardement « Lorraine », qui effectue deux missions sur les lieux du débarquement. Des extraits de son témoignage sont parus dans ce supplément. Retenons celui-ci : « A 6 h 13, nous arrivons à la pointe de Barfleur et nous longeons la côte d’assez près. La mer est grosse et les embruns viennent s’écraser sur le plexiglas du nez du Boston, réduisant momentanément la visibilité. Nous sommes maintenant à hauteur de la presqu’île, devant et sur notre gauche, mais beaucoup plus près de la côte que prévu, le spectacle est somptueux, fantastique, inoubliable. La mer est pleine de bateaux, encore des bateaux, des centaines, des milliers de toutes tailles, de tous gabarits. Ils dansent sur une mer très grosse en dessous de leurs barrages de ballons. C’est vraiment le Jour J. Parti de France depuis trois ans et demi, c’est le jour que j’attendais, doutant souvent de pouvoir l’atteindre et le voir. Un instant je me dis : « Tu peux maintenant te faire descendre, tu as vu le débarquement, il est en route, avec une opération d’une telle envergure, c’est gagné, ça ne peut que réussir… » A 6 h 21, l’écran de fumée était tendu par le Boston de Ribeiro sur Utah beach.
. Georges Caublot, de Laferté-sur-Amance, parachuté le 9 juin 1944, à 20 ans, dans les rangs du 4th Special air service, dans le cadre de l’opération « Samwest » (en Bretagne) ;
. Charles Husson, né dans les Vosges en 1921, domicilié à Chaumont, évadé de France fin 1942, soldat (comme Caublot) au 4th SAS, parachuté en Bretagne le 12 juin 1944, tué lors de la libération de Vannes ;
. le supplément cite par ailleurs Georges Bournoville, qui aurait été parachuté dans le secteur de Sainte-Mère-Eglise dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, et blessé le 7. Il était né à Saint-Maurice et était parachutiste. S’agissait-il d’un Français détaché auprès des troupes américaines ?
Concernant le commando Kieffer, François Andriot avait communiqué à Jean-Marie Chirol, en 1999, une copie de son témoignage. Nous avons choisi de publier ici les instants où il prend pied sur le sol de France, devant Ouistreham, sur la plage « Sword », dans les rangs de la section de mitrailleuses K-Guns : « Vers 7 h 30, ordre nous est donné de monter sur le pont en vue de mettre pied à terre et nous sommes prêts au moment où la coque racle le sable et la barge s’échoue. Nous sommes balayés par un feu d’armes automatiques et nous nous faisons le plus petit possible, à plat ventre ! Les marins lancent les échelles, mais personne ne peut débarquer car elles tombent à l’eau, peut-être touchées par le feu ennemi. L’autre barge transportant les Français vient près de nous et nous sautons dessus pour utiliser leurs échelles. Juste avant de m’engager, je vois un soldat blessé essayant de revenir à bord, couvert de sang. Chargés comme nous le sommes, il n’est pas aisé de descendre vers la mer et je saute dans l’eau, laquelle m’arrive à la taille, et ma K-Gun va au fond… Je la recherche et, accompagné de mon chargeur, Rossey, nous essayons de courir le plus vite possible vers le haut de la plage, dans des nuages de fumée. Nous passons entre des piquets de bois reliés entre eux et surmontés de mines et obus. C’est la raison pour laquelle nous avons débarqué à marée haute… Les nuages de fumée se déchirent, quand les bombes de mortier ou obus explosent, et le feu des armes automatiques est intense. Il est impossible de décrire le vacarme… Les Allemands ne sont pas morts et nous en donnent la preuve. Le quartier-maître en charge de ma mitrailleuse, mon chargeur et moi-même, courons vers la rive le plus vite que nous sommes à même de le faire, chargés comme nous le sommes, car nous sommes des cibles magnifiques pour les Boches et la vitesse est primordiale. Les balles de la mitrailleuse allemande d’une casemate sur notre gauche – cette casemate existe encore maintenant – passent devant nous dans le sable… Un gradé allemand en chemise blanche est debout sur l’ouvrage, balançant des grenades… Mais pas pour longtemps ! »
Pour le 1er bataillon de fusiliers-marins commandos, la journée sera rude. Après le regroupement dans les ruines de la colonie de vacances de Riva-Bella, la section de K-Guns progresse sous les mortiers et les balles sur la route côtière : le chef de pièce d’Andriot, Lemoigne, est tué. Puis c’est son chef de section, le lieutenant Hubert, qui tombe, ainsi que Labas. Après les fameux combats contre le casino d’Ouistreham transformé en blockhaus, les commandos poursuivent dans l’après-midi en direction des ponts de l’Orne tenus par les paras britanniques. « Avec l’envoi de quelques bombes fumigènes, raconte encore le Chaumontais, nous commençons à courir, le plus vite possible, et en balançant nos grenades fumigènes. Je reçois une brûlure sur la main droite, souvenir durable du 6 juin et ma seule égratignure pour toute la guerre. Je n’ai jamais couru aussi vite de ma vie, malgré tout ce que j’ai sur le dos ! Sac de 60 livres, linge de rechange, vivres, couverture, munitions (300 cartouches), un revolver Colt 45, des grenades, sans oublier la K-Gun assez lourde sur mon épaule… » Au soir, l’unité aura perdu dix tués et de nombreux blessés, dont son chef, Philippe Kieffer.
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