Affichage des articles dont le libellé est Neuengamme. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Neuengamme. Afficher tous les articles

samedi 23 août 2025

Le massacre de Châteauvillain, la déportation à Neuengamme : le témoignage inédit de Roger Cheppe (1923-2009)

Roger Cheppe (1923-2009). Source : Arolsen Archives. 


    Le Parisien Roger Cheppe était le seul survivant parmi les cinq otages de Châteauvillain déportés le 29 août 1944 à Neuengamme. Recueilli par une employée de la Délégation parisienne du Service de recherche des crimes de guerre ennemis (SRCGE), son témoignage - inédit - porte tout à la fois sur le déroulement du massacre, les circonstances de son arrestation comme sur les conditions de sa déportation. Précisons qu'il s'agit d'une déposition faite devant la justice, avec des précisions glaçantes, et non d'un récit destiné à passer à la postérité.

    "Convoqué pour le STO en octobre 1943, je ne me rendis pas à cette convocation et partis dans la Nièvre où je séjournai très peu de temps, et j'arrivai à Châteauvillain (Haute-Marne) en février 1944. Un de mes camarades réfractaires du STO m'avait indiqué cette adresse où un gros marchand de bois (Société des bois et forêts) embauchait du personnel, sans m'inquiéter de sa provenance et sans demander les papiers d'identité habituels.

    Je travaillai donc comme bûcheron de février 1944 jusqu'au 24 août 1944 [...]. La cantine de notre société se trouvait à Châteauvillain et nous descendions chaque soir pour y prendre le repas du soir, celui de midi étant pris en forêt. J'ai quitté le bois vers [17 h] avec un autre de mes camarades qui se faisait appeler Maurice Stassen (ce nom était d'ailleurs une identité fausse car il était évadé d'un camp de prisonniers de guerre). Le couvre-feu à Châteauvillain était fixé par les troupes allemandes de passage à [20 h]. Je pris mon repas vers [18 h 15] et en compagnie d'autres camarades, je me rendis 40, rue des Récollets chez Mme Pradat où j'avais ma chambre.

    En cours de route, j'entendis des coups de feu et des grenades éclater. Je me suis pressé ; en arrivant, mes hôtes me conseillèrent de descendre à la cave avec eux. [...] A notre arrivée dans la cave, les trois fillettes Pradat, âgées d'environ 10 à 12 ans, se mirent à pleurer. Des Allemands qui se trouvaient dans la ruelle entendirent ces pleurs et voulurent ouvrir la porte ; comme elle résistait, ils arrosèrent le seuil d'essence et y mirent le feu. Nous remontâmes précipitamment et sortîmes de la maison qui flambait. Nous nous rendîmes chez M. Fiez-[Vandal], voisin des époux Pradat, mais comme le feu gagnait, nous nous réfugiâmes chez la boulangère [...]. Nous étions arrivés depuis à peine cinq minutes chez la boulangère (où se trouvaient déjà le fils d'Henri Morin qui fut fusillé, Paul Drut et un Italien nommé Zanzoni [...]), presqu'aussitôt deux Allemands arrivèrent. [...]

    Nous partîmes donc, Paul Drut, Morin fils, Zanzoni et moi-même en direction du parc de Châteauvaillain qui servait de lieu de rassemblement aux Allemands. Durant le trajet, nous entendîmes de nombreux coups de feu et des grenades éclater. Le village brûlait par endroit. Il y avait à ce moment trois gros foyers d'incendie. Dans la rue, je vis également le cadavre d'un homme dont je ne connais pas l'identité qui avait été abattu d'un coup de feu, le sang lui sortait de la bouche.

    En arrivant au parc, je vis une douzaine de cadavres entassés les uns sur les autres, parmi lesquels je reconnus Gabriel Rose, exploitant forestier. En retournant à Châteauvillain en août 1945, j'ai su qu'un homme [Michel Devillers] qui se trouvait sur le tas de cadavres avait [simulé] la mort mais n'avait été atteint que d'une balle dans la cuisse et en était réchappé. Zanzoni parlementa à son arrivée avec les Allemands, partit avec lui, j'ai su qu'il avait été libéré.

    Les Allemands qui nous conduisaient (revêtus de capotes de camouflage [...]) nous firent mettre à genoux et nous restâmes dans cette position environ une heure ou une heure et demi. Pendant ce temps, les habitants de Châteauvillain (hommes et femmes) arrivaient par paquets, encadrés par des Allemands. Les jeunes et les vieux devaient également se mettre à genoux. Paul Drut qui connaissait la langue allemande me dit à un certain moment "si tu es croyant, tu peux faire ta prière, car ils viennent de donner l'ordre de nous fusiller". A ce moment un officier SS [sic] en tenue brune s'approcha de De[s]vaux, hôtelier, propriétaire d'un hôtel La Providence, et de [Tallet] René, les interrogea, reprocha à De[s]vaux de ne pas avoir donné de boisson à ses troupes, leur envoya des coups de pied dans le ventre, puis s'en fut un peu plus loin parler avec d'autres Allemands et nous fit montrer nos papiers d'identité. A Paul Drut qui présentait une carte d'identité de Paris, il montra le tas de fusillés. Après vérification de nos papiers d'identité, nous étions mis soit d'un côté et d'un autre et nous montâmes dans deux camions où nous restâmes peut-être une demi-heure. Ensuite des Allemands vinrent faire descendre les trois premiers [...] du camion dans lequel je me trouvais et qui étaient : Desvaux, [Tallet] et un autre dont j'ignore le nom. Une rafale de mitraillette les abattit aussitôt qu'ils furent à terre. [Tallet] qui n'était pas mort fut achevé. [...].

A la prison de Chaumont

    Notre [camion] partit en direction de Chaumont où nous avons stoppé avant la gendarmerie qui servait de Kommandantur aux Allemands. Nos gardiens allemands, au nombre de dix environ, descendirent aux ordres. On fit monter dans notre camion Morin fils, qui avait été déposé vraisemblablement par le premier camion en compagnie d'autres hommes arrêtés également à Châteauvillain. Nous fûmes emmenés à la prison de Chaumont où on nous prit nos papiers et nous passâmes le reste de la nuit dans deux cellules.

    Le lendemain matin, je fus changé de cellule et j'en partageai une autre avec Prévost Germain, Belan Gabriel, Drut Paul, [Pierre] Weber, fermier suisse qui fut relâché ensuite, et un peintre de Châteauvillain qui fut également libéré le 25 août.

    Le 25 août, dans l'après-midi, nous subîmes, Belan, Prévost, Drut et moi-même, des interrogatoires en présence d'Allemands appartenant vraisemblablement à la Feldgendarmerie, un sous-officier et un officier. Comme nous ne disions rien, on nous avisa que nous n'avions plus que quelques heures à vivre, puis on nous remit en cellule à l'exception de Paul Drut qui fut mis dans une cellule spéciale. 

    Nous pensions qu'il avait été libéré, mais le dimanche 27, les Allemands vinrent nous chercher pour nous conduire à la gare et à ce moment nous retrouvâmes Paul Drut. Les Allemands évacuaient la prison. Nous fûmes embarqués à la gare de Chaumont dans des wagons à bestiaux où je me suis trouvé avec 34 autres camarades, dans une moitié de wagon, l'autre moitié étant réservée à cinq Russes qui, au service de l'Allemagne, avaient dû commettre des délits. Parmi mes 34 camarades se trouvaient Chapitre Georges, Prévost Germain, Belan Gabriel, Drut Paul, le lieutenant [Jean Chassagne], le maire de [Clairvaux] [Jean Millerat], [Pillemont] Pierre, d'autres prénommés Henri (propriétaire d'une épicerie buvette à Wassy) [Couturier ou Grandcolas, mais ni l'un ni l'autre n'était épicier], Pierrot (bijoutier à Wassy) [Malarmé].

Au camp de Neuengamme

    Nous arrivâmes au camp de Neuengamme le 1er septembre après avoir traversé Belfort où nous descendîmes pour faire nos besoins. Un service civil français nous remit un peu de pain d'épices, une boîte de sardines, de [patte ?] de fruits. Nous subîmes les formalités habituelles d'entrée au camp (douche, tonte, remise des objets particuliers et de l'argent), puis nous fûmes mis dans une baraque où nous couchions trois par lit.

    Le 4 septembre 1944 je fus dirigé sur un kommando de travail, à [Wilhelmshaven] avec Chapitre, Prévost, [lieutenant] Chassagne, le maire de [Clairvaux], Henri [Couturier ou Grandcolas], Pierrot [Malarmé], Pierre [Pillemont). Belan Gabriel et Drut Paul furent laissés à Neuengamme et je ne sais pas ce qu'ils sont devenus [Note : aucun n'est revenu de Neuengamme). Je note, en passant, que Paul Drut, le 4 septembre, souffrait déjà de dysenterie. Il se trouvait du reste au moment de son arrestation dans la Haute-Marne en convalescence.

    En arrivant à [Wilhelmshaven], je fus affecté à l'Arsenal de la Marine de guerre avec Chapitre et Prévost et tous les autres. Je travaillais pendant un certain temps avec Chapitre à la forge, puis je fus affecté à la ferblanterie. Prévost était affecté, lui, aux tours. A la suite de bombardements, je fus affecté à un kommando chargé du déblaiement, je ne vis plus Chapitre ni Prévost et, malgré les recherches que je fis, je ne pus jamais savoir ce qu'ils étaient devenus. [Note : eux aussi sont décédés]."

    Parmi les 26 déportés de Haute-Marne (sur 35) formellement identifiés dans ce convoi parti le 29 août 1944, seuls quatre survécurent : Roger Cheppe, Raymond Gourlin, Pierre Pillemont et Marcel Vaisse.

    De retour en France, Roger Cheppe, né le 26 avril 1923 à Malakoff, matricule 43 965 à Neuengamme, s'installa comme électricien. Il est décédé en 2009.

    Sources : enquêtes sur les crimes de guerre, série 163 W, Archives départementales de la Marne ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52, 2022 ; Arolsen Archives.





























 

mardi 11 mars 2025

Massacre sur la voie ferrée à Colombey-lès-Choiseul, 26 juillet 1944


La ligne Dijon - Neufchâteau à hauteur de Colombey-lès-Choiseul. (Photo L. Fontaine).

 Un mois avant le Train fantôme (25 août 1944), un autre transport de déportés passé par la Haute-Marne a connu un véritable périple pour atteindre sa destination : un Kommando du camp de Neuengamme. Qu'on en juge par l'itinéraire emprunté : Saint-Malo, Rennes, Tours, Vierzon, Dijon, Gray, Neufchâteau, Toul, etc. Particulièrement méconnu, ce convoi a pourtant été marqué par l'un des plus importants massacres de prisonniers sur le sol haut-marnais.

    25 juillet 1944. Le train 15 241 en provenance de Dole arrive vers 20 h 30 en gare d'Is-sur-Tille (Côte-d'Or). Il est passé par Gray (Haute-Saône) mais ne s'est pas dirigé sur Chalindrey. "La gare de Chalindrey ayant subi un bombardement le 13 juillet 1944, tout le trafic a été interrompu", précise le cheminot Marcel Cornier. D'une façon générale, les destructions opérées par l'aviation alliée et la Résistance sur les voies de communications expliquent ce long itinéraire. 

    Le convoi fait donc halte en gare d'Is. Il s'agit d'"un train de marchandises transportant des militaires anglais prisonniers", indique Georges Minot. A hauteur du passage à niveau de Marcilly-sur-Tille, un drapeau français apparaît à la fenêtre d'une maison. Ce qui n'est pas du goût de la garde allemande du train, qui arrête quatre jeunes de la région dont Georges, le fils de Georges Minot. Le jeune homme âgé de 21 ans veut prendre la fuite avec un de ses camarades. Les balles pleuvent sur eux. Touché d'un projectile en plein coeur, le Bourguignon meurt sur le coup. Puis, conduit par le mécanicien Adrien Bouvret, le convoi repart en direction de Langres, puis de Neufchâteau.

    26 juillet 1944, 23 h 30. Garde-barrière au lieu-dit Chapelot, commune de Colombey-lès-Choiseul, entre Merrey et Breuvannes-en-Bassigny, Rose Joly vient de se coucher. Mais son sommeil devait être rapidement interrompu. "J'ai perçu le crépitement d'une fusillade à proximité de ma demeure", témoigne-t-elle. Les coups de feu viennent du kilomètre 32 750, après la gare de Merrey que le train 15 241 a laissé derrière lui à 23 h 01. 

    Que s'est-il passé ? Les employés SNCF présents dans le train apportent des précisions sur l'origine de la fusillade. Adrien Bouvret, qui conduit la machine 57.1192 tractant 69 wagons "chargés de prisonniers et de déportés" (selon Marcel Cornier), explique : "Entre Merrey et Breuvannes, profitant du ralentissement* du train, des déportés se trouvant dans celui-ci ont probablement tenté de s'enfuir." Georges Renaud, chef de train : "J'ai bloqué mon train immédiatement et aussitôt l'arrêt, je suis descendu du fourgon pour mettre des pétards. [...] Les Allemands venant de la tête du train me traitèrent de terroriste." Georges Walter, autre cheminot présent dans la machine aux côtés d'un feldwebel (adjudant) et d'un interprète suisse : "Nous avons vu des balles traçantes passer au-dessus de la machine. Le convoi s'est arrêté quelques mètres plus loin par suite du fonctionnement d'un frein d'urgence (frein d'alarme). Le feldwebel [...] avait donné l'ordre de continuer la route." Manoeuvre impossible, à cause de l'utilisation du frein, ce qui sera une source de colère supplémentaire pour l'escorte allemande. 

    Des "passagers" du train ont donc pris la fuite, ainsi que l'expliquent les cheminots. Georges Walter : "Les Allemands ont organisé aussitôt la chasse des fuyards. Ils en ont pris un, que le feldwebel [...] a abattu d'un coup de revolver en plein front. [...] La chasse aux fugitifs a duré une bonne heure. Par la suite, ceux qui étaient partis à la recherche ont signalé que deux des évadés n'ont pas pu être retrouvés." Pour Georges Renaud, il n'y eut pas un mais deux prisonniers blessés : "Les Allemands parlementèrent et décidèrent d'achever les deux prisonniers, ce qui fut fait aussitôt, puis ils m'emmenèrent à hauteur du wagon où il restait 17 prisonniers. Le feldwebel monta dans le wagon et les tua à coups de revolver." Selon le mécanicien Bouvret, "les Allemands ont tiré des rafales de mitrailleuse dans le wagon duquel s'étaient enfuis les déportés".

    Puis le train repart. A 0 h 58, il est en gare de Neufchâteau (Vosges). Là, cheminots et Allemands rendent compte, chacun de leur côté, des événements à leur hiérarchie. Le convoi poursuit son chemin : d'abord Toul, puis Frouard, Pagny-sur-Moselle, Novéant, Sedan, la Belgique...

    Précisément, le cheminot André Marchand est à Toul : "J'ai remarqué les traces de sang et j'ai vu également les vêtements des détenus qui avaient été tués. Ceux-ci avaient été déshabillés avant d'être enterrés près du poste de transformation du dépôt de Toul."

    La fosse commune se trouve sur le territoire d'Ecrouves, "sur un terrain militaire qui s'étend entre la route de Toul à Paris et la voie ferrée [...], au lieu-dit La Concentration, précise l'inspecteur de police Georges Gillet. [...] Les corps étaient recouverts d'une couche de terre argileuse de 80 cm environ."

Un corps sur la voie 

    Revenons à l'origine et à la composition du convoi. Il transporte des déportés jusqu'alors affectés à des travaux dans les îles anglo-normandes (Aurigny, ou Alderney). Ces hommes sont essentiellement Russes, Polonais, Hongrois, Hollandais. Des Témoins de Jéhovah figurent parmi eux. Selon un précieux récit établi en 1950 par Kurt Hille et conservé par les archives Arolsen, ils sont 634 déportés issus d'Alderney (Aurigny), 430 "travailleurs civils", des prisonniers anglais et américains à être entassés dans les wagons, sous la garde de 59 SS, 20 parachutistes et 18 travailleurs de l'Organisation Todt. Ce transport correspond à la I. SS-Baubrigade, sous les ordres du SS-obersturmführer Werner Klebeck et du SS-hauptsturmführer Maximilian List. Le transport ferroviaire est parti de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) le 4 juillet 1944. Il est passé par la vallée de la Loire, l'Auvergne, la Bourgogne et la Franche-Comté. Entre-temps, les wagons de travailleurs civils et de prisonniers alliés auraient été séparés du convoi le 19 juillet 1944. A Is-sur-Tille, quinze détenus se seraient évadés - ou auraient tenté de s'évader -, un fait que n'évoque pas Georges Minot. 

    Puis une nouvelle tentative en Haute-Marne s'est soldée par un massacre. A son sujet, nous avons pris connaissance du témoignage des cheminots français. Que disent les déportés survivants ? Toujours d'après le récit établi en 1950 par Kurt Hille, c'est après Merrey que des prisonniers du wagon 12 se sont jetés sur un gardien allemand, lui ont pris son fusil et l'ont blessé. Immédiatement, huit déportés ont sauté du train : trois ont été abattus. Dans le wagon, quatorze autres déportés ont été tués - nous avons vu de quelle façon -, quatre blessés. Un autre témoignage conservé par les Archives Arolsen, livré par Erich Frost, un Témoin de Jéhovah allemand, présente une version légèrement différente : deux Polonais "ont poignardé un garde SS au cou", en représailles les Allemands ont tiré avec des mitraillettes dans le wagon et "tué sans discrimination des prisonniers innocents". Selon un autre déporté, Otto Spehr, auditionné le 23 septembre 1944**, l'auteur du crime serait un SS nommé Marian M., qui aurait auparavant exécuté d'autres prisonniers russes. Ce SS - Spehr parle d'hommes portant l'insigne Totenkopf - aurait été interné en Angleterre comme prisonnier de guerre. 

    Le forfait accompli, tous les corps ont été remontés ou laissés dans le wagon... sauf un seul. 

    Au matin du 27 juillet 1944, les gendarmes de Clefmont (Haute-Marne) qui se rendent sur les lieux de la fusillade constatent en effet la présence d'un cadavre au bord de la voie. Les gendarmes notent : "Il est vêtu d'une vareuse gris-vert, d'un pantalon à rayures bleues et blanches. Il est nu pieds. Sans coiffure. Le cadavre est à plat ventre, le visage repose sur les deux bras repliés. [...] Le visage est crispé [...] Les cheveux, châtains, sont tondus ras. [...] Sur le côté gauche de la vareuse, nous relevons le numéro suivant 17.120, surmonté d'un petit rectangle de tissus rouge." Le chef de gare de Merrey, Maurice Lombard, qui accompagne les gendarmes, voit également "un bras gauche, arraché à la clavicule", appartenant à une autre victime.

    Toujours non identifié

    Au 12 septembre 1944, à l'arrivée du convoi de la I. SS-Baubrigade à Sollstedt, 441 déportés sont enregistrés. D'après un survivant, plus de 40 déportés ont trouvé la mort durant le trajet.

    Combien sont décédés en Haute-Marne ? Erich Frost parle de 18 victimes enterrées à Toul. Le site Internet du camp de Neuengamme donne également le chiffre de 18 décès en juillet 1944 à Toul, dont 17 le 26 ou le 27 juillet. Ce sont les victimes du massacre. Il y a trois Allemands, deux Hollandais, deux Polonais, et onze Russes. Aucun d'entre eux ne porte le numéro 17.120 retrouvé à Colombey-lès-Choiseul. Il y aurait donc eu au total 19 victimes. Ce qui correspond aux informations données par les employés SNCF : deux évadés blessés et achevés, 17 déportés abattus dans le wagon. En 1946, la police française notera toutefois qu'ont été découverts à Toul 17 corps dont deux qui pourraient être ceux des "soldats allemands tués au cours de cette mutinerie".

    Qui est le déporté inconnu ? Si l'on se réfère à son numéro de matricule, son nom commence vraisemblablement par la lettre S, puisque le matricule 17.120 se situe entre 17.119 (Wilhelm Skora) et 17.121 (Gustav Slonewski). A ce jour, il n'a toujours pas été identifié.

Sources : 342 W 201, Archives départementales de la Haute-Marne ; 163 W (MM) 3157, Archives départementales de la Marne ; 102 W 23, Archives départementales de la Meurthe-et-Moselle ; Archives Arolsen ; site Internet kz-gedenkstätte-neuengamme ; Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora ; La Haute-Marne et les Haut-Marnais durant la Seconde Guerre mondiale, club Mémoires 52.

* Un autre témoignage de cheminot parle plutôt d'une accélération. 

** Témoignage cité par Roman Alexandrovitch Firsov sur le forum Internet du mémorial OBD.


    Les victimes du massacre

(sources : site Internet Neuengamme et Arolsen Archives)

ANDREJENKO (Wassilij). Né le 14 janvier 1919. Russe. Matricule 16 582. Décédé en juillet 1944 à Toul selon le site Internet Neuengamme.

GOETTEL (Otto Hermann Willi). Né le 12 décembre 1904 à Rixford. Allemand. Matricule 16 741.

KLONZ (Richard). Né le 5 avril 1902. Allemand. Témoin de Jéhovah. Matricule 16 827.

KOLODJASCHYJ (Nikolaj). Né le 22 avril 1918. Russe. Matricule 16 830.

KUDRENKO (Nikolaj). Né le 5 mai 1923. Russe. Matricule 16 877.

LUBECKI (Wladyslaw). Né le 28 mai 1896 en Pologne. Matricule 16931 (Kommando d'Alderney, KZ Neuengamme). Il pourrait s'agir du déporté présent à Oranienburg, en 1941 (matricule 24 013).

LUKJANEZ (Grigorij). Né le 10 septembre 1914 à Suchowska. Russe. Domicilié à Hersfeld, en 1942 (matricule 8 258). Matricule 16 914.

MOROZ (Jefim). Né le 19 octobre 1914 à Krasnyj Kutok, près de Koursk. Russe (Ukrainien). Déporté politique. A Buchenwald (en provenance de Halle) le 15 octobre 1942, puis à Neuengamme le 22 février 1943. Matricule 16 977.

OEVER (van den) (Cornelis). Né le 30 septembre 1897 à Ablasserdam. Hollandais. Evangéliste. Domicilié à Den Haag. Arrêté en 1941. Déporté à Oranienburg, puis Neuengamme. Matricule 17 004.

PAWLENKO (Iwan). Né le 1er janvier 1924. Russe. Matricule 17 053.

SCHIRTUJEW (Aleksandr). Né le 5 mars 1914 à Schabowska. Russe (Ukrainien). Est à Dachau, en 1942. Puis à Sachsenhausen (matricule 35 610). Matricule 17 117.

SERGEJEW (Pjotr). Né le 22 juin 1916. Russe. Matricule 17 138.

SUKOLENOW (Pjotr). Né le 20 août 1914. Russe. Matricule 11 079.

TROTZKYJ (Nikolaj). Né le 18 mai 1920. Russe. Matricule 17 209.

WAJS (Sigismund). Né le 26 janvier 1920 à Marchocica (Pologne). Déporté à Sachsenhausen (matricule 23 276), en 1941. A Dachau. A Neuengamme (matricule 17 264).

WULDER (Grosse). Né le 13 janvier 1919 à Amsterdam. Hollandais. Témoin de Jéhovah. Arrêté le 15 mars 1941. Déporté à Sachsenhausen. Matricule 17 277. Acte de décès dressé le 5 septembre 1944. 

WUNDERLICH (Fritz Albin Rudolf). Né le 4 avril 1897 à Buchholz (Saxe). Allemand. Matricule 17 257. Acte de décès dressé le 4 septembre 1944.

Un recensement des Russes inhumés à Toul mentionne également le nom d'Ivan Jamisch ou Amisch, 22 ans.