mardi 25 août 2020

Maquis Duguesclin (3) : occasion manquée à Chaumont



Deux volontaires du maquis Duguesclin : Roger Olivier et Roger Laspoujas. (Collection R. Olivier).


31 août 1944

«Arc est occupé dans l'après-midi par la 1ère compagnie (lieutenant Heidet1). Le maquis comprend à ce moment deux compagnies (lieutenants Heidet et Chaize). Cinq nouveaux prisonniers sont faits. Dans la soirée, visite du commandant («Pic»), faisant connaître qu'un télégramme du GQG demande que dix FFI soient envoyés porteurs de renseignements auprès des alliés. Le sous-lieutenant Bocquillon se rend à Courcelles et rédige des renseignements dans la nuit, d'après les rapports faits chaque jour par les agents envoyés à Chaumont dans la vallée de la Marne pour surveiller l'activité ennemie, ainsi que les agents fixes recrutés dans chaque commune. A signaler l'activité inlassable et courageuse de Sommer dit «Finaud» et de Tissus (sic)».

Claude Chaize et Robert Bocquillon sont beaux-frères. Agé de 30 ans, le premier est originaire de la Loire. Comme l'adjudant Dufour, il a servi au 28e RAD de Chaumont, lui comme lieutenant, en 1940. Le lieutenant Chaize s'est investi dans la Résistance dans son département d'origine, avant de revenir à Laville-aux-Bois (village près de Chaumont) en 1943. Fils du lieutenant-colonel de réserve René Bocquillon, un avoué chaumontais, l'aspirant Bocquillon, qui s'est battu lui aussi en 1940, est avocat dans le chef-lieu haut-marnais. Dans l'organigramme des FFI de la Haute-Marne, il occupe la fonction de responsable du secteur de la ville de Chaumont.



1er septembre 1944

«A 8 h, quinze équipes de deux hommes, dont le sous-lieutenant Bocquillon, sont envoyés dans diverses directions, porteurs de renseignements écrits. Une embuscade est montée dans la vallée de l'Aujon, une autre dans la région de Coupray.

Le soir, le capitaine Schreiber décide que les deux compagnies feront mouvement en direction de Chaumont pour coopérer avec les alliés à la prise de la ville. Deux sections devaient être laissées à Arc et une au maquis».


La veille, les Américains ont libéré la moitié Nord de la Haute-Marne mais également Bar-sur-Aube. Devant la menace, les Allemands ont commencé à évacuer Chaumont, détruisant à l'explosif quelques arches du viaduc.

Ce même jour, des éléments de reconnaissance de l'armée Patton ont poussé jusqu'à Rimaucourt, suscitant une attaque - prématurée - de la petite garnison ennemie d'Andelot (à moins de 20 km de Chaumont) par les FFI du capitaine Jean ChâteL Le lendemain de cet échec (qui a coûté deux morts), un millier d'Allemands se réunissent dans le bourg.

Ces événements suggèrent une libération imminente du chef-lieu haut-marnais. Mais...

Ce jour-là, mais l'historique ne mentionne pas ce fait, un FFI, Georges Roussel, est blessé à Juzennecourt2.



2 septembre 1944

«A 5 h, le lieutenant Dubreuil, en liaison au PC du colonel, arrive au maquis porteur d'un ordre adressé au bataillon, qui devra se rendre à Auberive en renfort à la suite de l'attaque déclenchée par une colonne allemande sur le village occupé par le maquis de «Max». Les gazos sont aussitôt mis en route et le bataillon arrive sur les lieux au petit jour, quand les Allemands se replient».

Ce combat vient d'opposer dans la nuit le maquis du capitaine Carteron avec un convoi ennemi à l'entrée du village d'Auberive. Une douzaine de FFI ont été blessés.

«A 8 h, le maquis regagne Giey, complète son approvisionnement en munitions, puis traverse Arc et Richebourg, et s'installe définitivement à Semoutiers.»

Voilà donc le maquis Duguesclin se portant à moins de 15 km de Chaumont.

«A 12 h, le lieutenant Parcollet se porte au devant des colonnes allemandes, qu'il rencontre aux Côtes-d'Alun, mais la coordination ne peut être faite, ces colonnes se replient à 12 h 30 sur Bar-sur-Aube.

A 13 h, il rencontre le lieutenant Bocquillon qui avait remis la veille, à 17 h, des documents en sa possession à l'EM américain. Tous les agents envoyés en liaison avaient également accompli leur mission.

Isolé au milieu de l'ennemi, et à la suite d'une dénonciation, le bataillon se porte à Valdelancourt. Trois hommes restent à Semoutiers. L'un d'eux, fait prisonnier par les Allemands, sera relâché le lendemain. Deux sections restent à Arc et un détachement très peu armé garde le maquis de Giey, l'ensemble sous la direction du lieutenant Blanchot. Mission est donnée d'entourer les mouvements ennemis par des barrages».



3 septembre 1944

«Une compagnie est portée à Autreville pour parfaire son instruction (lieutenant Heidet). Dans la nuit, une embuscade est tendue sur la route Chaumont-Châteauvillain.

Le capitaine se rend à Bar-sur-Aube où il rencontre le capitaine «Jack» et le lieutenant «René» pour leur demander d'accélérer leurs livraisons d'armes». Jacques Taschereau et René Landreau sont deux officiers canadiens d'une mission SOE présente dans la région de Soulaines-Dhuys (Aube) depuis juin 1944. Cette précision démontre que le maquis prospecte tous azimuts auprès d'organisations parfois en concurrence pour obtenir des armes : l'état-major départemental FFI, la délégation militaire départementale, et donc ici les services spéciaux britanniques.

Un événement du jour que ne mentionne pas le journal de marche : au matin, les Allemands attaquent le groupe du sergent-chef Roger Petitot (3e section de l'adjudant-chef René Karr, 1ère compagnie) qui, depuis la veille au soir, occupait une maison forestière sur la route entre Arc-en-Barrois et Langres. "Le groupe se trouve dispersé et l'adjudant Brochard nous regroupe à [la ferme de] Sautreuil, se souvient le sergent-chef Petitot. Au cours de cette action, il fut blessé à une jambe". Atteint à la jambe gauche, Brochard, adjoint à la 1ère section (lieutenant Bigorgne) sera soigné puis transporté à Arc-en-Barrois par le cultivateur, Louis Bégin. 


4 septembre 1944

«Reconnaissance d'un emplacement de maquis. Embuscade sur la route de Villiers-le-Sec à Chaumont. Une 3e compagnie est formée par incorporation du groupe Dufour-Colin (sic) de Juzennecourt. Le lieutenant Collin en prend le commandement. Cette unité reste stationnée à Juzennecourt avec mission de contrôler la circulation dans cette région et faire des patrouilles dans la forêt de l'Etoile».

Né à Chambley (Meurthe-et-Moselle) en 1904, Maurice Colin était trésorier au centre d'administration de Chaumont. Dans sa compagnie, serviront notamment le sergent Robert Jeanmougin, né en 1918 en Haute-Saône, arrivé en Haute-Marne comme employé des PTT (après s'être engagé dans les zouaves) et demeurant à Sarcicourt3, le Chaumontais Charles Hourriez et son acolyte Henri Darré, Gilbert François (d'Euffigneix)...


C'est a priori ce jour-là que Jean Pujol situe un événement : «J'avais été chargé par nos officiers du maquis de conduire à Juzennecourt, à bicyclette, un prêtre en soutane agent de renseignement... Il ne connaissait pas la région. Pour plus de sécurité, j'ai choisi l'itinéraire Euffigneix-Gillancourt-Juzennecourt... Je n'avais, pour protéger le prêtre, qu'une simple mitraillette... C'est à Juzennecourt que j'ai eu mon premier contact avec les Américains. Je leur ai remis le prêtre....»


«Dans la nuit, des abattis sont faits sur la route de Châteauvillain pour entraver l'importante circulation ennemie entre Châteauvillain et Chaumont. Cette circulation était en permanence surveillée par le poste de Valdelancourt. Le lieutenant Parcollet revient de Bar-sur-Aube avec une vingtaine de fusils et un FM.

A Arc-en-Barrois, les sections forment des bouchons sur les routes. Un gendarme est arrêté par les Allemands et désarmé. Le groupe commandé par l'adjudant-chef Carré4 ouvre le feu sur une colonne allemande de 20 voitures. Il doit se replier sous bois après avoir essuyé le feu d'armes lourdes».



Deux FFI de la 3e compagnie parmi d'autres

Soldat dans la 1ère section de la 3e compagnie, Henri Darré, originaire de la Sologne, a déserté de l'armée de l'air le 1er avril 1944 et gagné Chaumont où résidaient ses frères. Par l'intermédiaire du brigadier-chef de police Lucien Dupin, il a rejoint la région de Juzennecourt pour servir aux cotés de Charles Hourriez.

Son camarade était chef de bureau à l'hospice de Chaumont. Né en 1921 dans le Pas-de-Calais, il s'est particulièrement investi dans la Résistance, selon son dossier de Combattant volontaire, à partir de la mi-1942, en devenant le «lieutenant Laurent 1416», en liaison avec les services spéciaux britanniques. Il a été arrêté le 3 septembre 1943 par les policiers rémois et interné à Chaumont jusqu'au 20 septembre.

Henri Darré racontera : avec Hourriez, «nous avons vécu dans la forêt dense, pas très loin de Colombey-les-Deux-Eglises, une forêt très humide où nous sommes restés quelques semaines, à coucher dans une cahute faite de bottes d'avoine... Notre activité s'est bornée, entre autres, à déboucher les chambres à mines que les Allemands avaient dû faire boucher à leur arrivée...»

Tout deux rejoindront donc le maquis Duguesclin, Hourriez comme deuxième classe. Le 1er septembre 1944, il remet à l'adjudant-chef Léon Remy, de la compagnie de Juzennecourt, 27 kg d'explosifs, 700 détonateurs, 120 grenades, huit pistolets-mitrailleurs et douze fusils anglais. Ici encore, cet apport n'est pas mentionné par le journal du maquis.

Après la libération de Chaumont, Henri Darré s'engagera, avec d'autres FFI du maquis (André Corne, Robert Guyot, etc.), dans le 1er régiment d'artillerie de la 1ère division française libre.



5 septembre 1944

«Une embuscade est envoyée de jour, sous les ordres de l'adjudant-chef Descamps, en bordure du terrain d'aviation de Semoutiers, où les éléments ennemis sont signalés.

A Juzennecourt, le lieutenant Carrol, du 2e bureau de la 3e armée, a, avec le capitaine, un entretien au cours duquel il lui exprime le désir de l'état-major américain de se mettre en rapport avec le colonel Michel. Le soir-même, une voiture se rend à Auberive pour transmettre cette invitation».

Depuis le 30 août, le colonel de Grouchy a en effet installé son état-major dans l'abbaye d'Auberive, aux côtés du maquis Max, de l'équipe jedburgh Bunny (celle du capitaine Geminel) et des parachutistes britanniques du 2nd Special air service (SAS) regiment.

«A Arc-en-Barrois, les sections se rendent dans la nuit sur le terrain de parachutage de Courcelles».

1Pierre Heidet, domicilié à Neuilly-sur-Suize, est né en 1906 au Pailly (Haute-Marne).

2Selon un document inédit conservé par le Service historique de la Défense et communiqué par Yves Martin.

3Il s'agit de «Pépé» Jeanmougin, fondateur du club de volley de l'ASPTT de Chaumont, qui fut président d'honneur du Chaumont volley-ball 52 Haute-Marne (club de Ligue A).

4N'est-ce pas plutôt l'adjudant-chef René Karr, né à Joinville en 1906 ? A rapprocher avec la dispersion du groupe Petitot survenu la veille. 


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