mercredi 21 novembre 2018

Coloniaux haut-marnais sous la IIIe République



Le capitaine Félix Bablon (1874-1909), de Chaumont, tué en Mauritanie.
(Photo "La Dépêche coloniale")

Entre la guerre de 1870 et le premier conflit mondial, c'est hors d'Europe, dans l'Empire colonial essentiellement, mais pas seulement (ainsi en Chine), que les militaires français ont servi la Troisième République. Parmi les officiers haut-marnais, beaucoup se sont retrouvés au cœur d'événements ayant frappé l'opinion française et internationale. En voici quelques exemples, qui montrent que nos compatriotes ont joué un rôle particulièrement actif dans ces opérations au cours desquelles plusieurs ont perdu la vie.

1864. "Excursion" du sous-lieutenant Alexandre André (né à Manois en 1840), du bataillon de tirailleurs sénégalais, de Médine à Koniakary (aujourd'hui au Mali). Ce Saint-Syrien décède le 23 septembre 1867 au Sénégal, après avoir été promu lieutenant (11 août 1865) et commandant du cercle de Matam. Son frère, le capitaine Joseph André (Manois 1835), officier d'infanterie de marine, est, toujours en 1864, le chef d'état-major de la colonne Laprade qui part de Gorée pour construire le fort de Thiès (Sénégal). Lui commandera la place de Bakel.

1875. Combat de Boundou (Sénégal) livré contre les troupes du prophète Amahdou Cheilou. Le capitaine Camille Lambert (Breuvannes-en-Bassigny 1843), du 1er régiment d'infanterie de marine, est blessé d'un coup de feu au pied gauche. Il avait servi auparavant en Cochinchine (1866-1867).

1885-1886. Campagne du lieutenant-colonel Frey dans le Haut-Sénégal et le Haut-Niger pour combattre le chef de guerre Samory Touré et «pacifier» Guoye, le Kamera et le Guidimaka, provinces soulevées «à la voix du prophète Mahmadou Lamine». Le capitaine d'artillerie Pierre Ridde (Donjeux 1851), qui sert au Sénégal et au Soudan de 1882 à 1887, est officier dans la colonne qui obtiendra la signature d'un premier traité de paix avec Samory au printemps 1886.

1891. Prise de Bissandougou, capitale de Samory (9 avril). Ce fait d'armes est à mettre à l'actif du capitaine Hugueny, de Châteauvillain, commandant une colonne volante ayant lutté avec succès contre le chef de guerre africain (qui a incendié la ville avec son palais).

1892. Expédition du Dahomey contre le roi Behenzin. Le lieutenant Paul Jacquin (Wassy 1861) commande la 3e section d'artillerie de montagne au sein du corps expéditionnaire du colonel Dodds. Il sera promu capitaine de 2e classe par décret du 4 novembre 1892. Son camarade Alfred Michel (Bourmont 1868), lieutenant commandant la 2e section d'artillerie, est mortellement blessé le 20 octobre à Apka. L'abbé Vathelet (1843-1893), de Maizières-sur-Amance, était l'aumônier du corps expéditionnaire. Il sera fait officier de la Légion d'honneur le 14 décembre. 

1893. Prise de Tombouctou (12 décembre). Le lieutenant de vaisseau Gaston Boiteux (1863-1897), dont les parents se sont mariés à Meures (son père était lieutenant de gendarmerie à Chaumont, sa mère est née dans ce village), fait son entrée dans la célèbre cité, en dépit des ordres reçus, avec seulement 25 hommes. Il y est assiégé. La marche d'une colonne (lieutenant-colonel Bonnier) permet de le délivrer en janvier 1894 (mort par suicide, Boiteux repose à Meures, où un monument est érigé en sa mémoire).

1894. Anéantissement de la colonne Bonnier à Doingoï (15 janvier). Ce jour-là, le lieutenant-colonel Eugène Bonnier trouve la mort au bivouac de Doukouria assailli par surprise par des touaregs. Parmi les officiers tués également, figurent deux Haut-Marnais : le commandant François Hugueny (Châteauvillain 1847), de Dammartin-sur-Meuse, chef du bataillon de tirailleurs soudanais, et le capitaine Jean-Baptiste Tassard (Andelot 1857), qui commande sa 5e compagnie. Tous deux donneront leur nom à des rues – voisines - de Chaumont.

1895. Combat de Mapa, en Guyane (15 mai). Débarqué à la tête de 24 marins, l'enseigne de vaisseau Raoul Martin d'Escrienne (Langres 1869 – Paris 1932), qui sera propriétaire du château de Chaudenay, est grièvement blessé au visage par un coup de feu, tandis que le capitaine Lunier, chef du détachement, est abattu. Le Langrois sera fait chevalier de la Légion d'honneur le 3 juillet.
1895-1896. Expédition de Madagascar, à laquelle participent notamment les lieutenants Paul Mathieu (Ormancey 1868), du bataillon de tirailleurs haoussas, Jules Guillaumet (Brachay 1860), du régiment colonial - tous deux tomberont, chefs de bataillon, pendant la Grande Guerre.

1898. Le capitaine Claude Germain (Saint-Urbain 1852), chef du 1er escadron de spahis sahariens, relève, avec le célèbre capitaine Laperrine, 660 km d'itinéraires nouveaux dans le Sahara, entre Fort Mac Mahon et In Salah.
1898. «Incident» diplomatique franco-britannique de Fachoda (Soudan), impliquant la mission Congo-Nil du capitaine Marchand (septembre-novembre). A l'époque, le lieutenant Emile Poinsel (Bize 1867) servait dans la 10e compagnie (Oubanghi) du régiment de tirailleurs sénégalais, tandis que son compatriote Félix Bablon (Chaumont 1874) était lieutenant dans la 5e compagnie. En septembre 1898, Poinsel appartenait à la garnison de Fachoda, au moment où les troupes anglaises y arrivent.
1898. Capture de Samory Touré par la colonne du capitaine Gouraud (29 septembre). C'est un sous-officier servant sous les ordres du sous-lieutenant Gaston Jacquin (frère de Paul), né à Wassy en 1871, qui s'empare au Soudan du chef de guerre africain et le remet à son supérieur. Sous-lieutenant d'artillerie de marine, Jacquin servait alors dans une compagnie auxiliaire d'ouvriers. Le fait d'armes sera immortalisé par le Petit Journal, et le Wasseyen sera fait chevalier de la Légion d'honneur un mois plus tard, à l'âge de 27 ans.

1899. Le lieutenant Poinsel s'était joint à Bangui à la colonne du capitaine Roulet qui marchait vers le Nil. Ils occupent successivement le fort Desaix, le fort Hossinger, puis plantent le drapeau français le 20 mars 1899, à 350 km au sud de Fachoda. 

1900. Combat de Deghamcha, dans le Sahara (5 janvier). Assurant, à distance, la protection de la mission Flamant, le capitaine Germain affronte, avec ses 60 spahis et les goumiers du capitaine Pein (futur colonel de la Légion étangère), 1 500 touaregs. «Grâce à Dieu, nous leur avons infligé une défaite complète, écrira le Haut-Marnais à sa mère. Le combat a commencé à 7 h 30 du matin et a duré jusqu'à 10 h 20.» Selon Germain, l'ennemi a laissé 150 tués, près de 200 blessés, un drapeau, les Français ne déplorant qu'un spahi tué et six blessés. Colonel de spahis, commandeur de la Légion d'honneur, Germain se retire dans son village natal, où il décède en 1933.

1900-1901-1902. Expédition de Chine. Le capitaine du génie Charles Lindecker, de Chaumont, commande une section d'observation. Il a l'occasion de survoler Pékin en ballon. Le capitaine d'infanterie coloniale Arthur Geoffroy (Biesles 1870) participe également à ces opérations.

1902. Le capitaine Bablon, commandant la 4e compagnie de la colonne Tétart, se distingue à Bir Alali, aujourd'hui au Tchad (20 janvier), puis repousse les Touaregs en ce même lieu rebaptisé Fort-Pradié (1er juin). «Le capitaine Bablon les mit facilement en déroute», dira une relation.

1904. Le capitaine Bablon, ami de Mangin, commande le cercle militaire du Kanem (près du lac Tchad). Il sert alors au régiment indigène du Congo depuis le 30 décembre 1903.

1905. Le lieutenant-colonel Gouraud fait prendre les armes à la garnison de Fort Millot et remet la Légion d'honneur au capitaine Bablon (16 janvier).


1906. Le capitaine Antoine Auvigne (Vesoul 1874), fils d'un enseignant originaire de Maatz, est fait chevalier de la Légion d'honneur après avoir pris M'Balasso et M'Baléma avec le lieutenant Bouet (2-3 août). Officier au 1er RTS, il rejoindra le bataillon de la Guinée avant d'être blessé à Boussédou le 18 février 1907 (il se battra en France comme chef de bataillon d'infanterie coloniale).

1908. Bablon commande le poste d'Akjoujt (Mauritanie), puis la 3e compagnie du bataillon de Mauritanie de la colonne de l'Adra (colonel Gouraud).


1908. Le capitaine Louis Mongin (Biesles 1874), commandant la 3e compagnie du bataillon du Chari (territoire militaire du Tchad), conduit une colonne qui impose au sultan Mohammed es Senoussi, à la tête d'un empire dont la capitale est N'Délé, un nouveau traité avec la France (15 – 30 janvier).


1909. Le capitaine Bablon est tué au combat du camp de Rasseremt par des Talibés (nuit du 27 au 28 avril). Il a reçu une balle dans la cuisse, une dans l'aine, une dans la tête. Comme Hugueny et Tassard, son nom a été donné à une rue de Chaumont. 


1911. Lourdes pertes pour le peloton méhariste de Kiffa à Moulenha, dans le Haut-Sénégal, attaqué par des pillards (12 mai). Son chef, le lieutenant Georges Demassez (Laneuville-au-Bois 1876, puis domicilié à Osne-le-Val), du 2e régiment de tirailleurs sénégalais, est tué avec neuf de ses hommes.

1912. Adjoint du colonel Laperrine, le capitaine Joseph Nieger (1874-1951), d'Eclaron, dirige la mission d'études du chemin de fer transafricain entre Oran et le lac Tchad, qui participa à une meilleure connaissance du Sahara (janvier -novembre).

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