dimanche 14 octobre 2018

Henry de Graffigny, la tête dans les étoiles, le coeur en Haute-Marne



«Quelles sont les causes des changements produits à la surface de la Lune ? Qu'est-ce que cette tache rouge, plus large que la terre, apparue sur Jupiter ? (…) Quels mondes, quelles humanités éclairent les soleils de rubis, d'émeraude et de saphir qui constituent les systèmes d'étoiles doubles ? Que de points à élucider encore ! Que les personnes, donc, qui veulent se rendre compte, sans fatigue, de la constitution générale de l'Univers et comprendre ce que notre terre et ses habitants sont dans l'espace, vous suivent dans votre audacieuse et féconde tentative, ô vous qui avez choisi pour mission de les transporter à travers les magnifiques panoramas des cieux...»

Ces mots sont ceux d'un des plus illustres Haut-Marnais, l'astronome Camille Flammarion. Ils figurent en préface des «Aventures extraordinaires d'un savant russe» (1888), un ouvrage ayant pour co-auteur un de ses compatriotes aujourd'hui bien oublié, en dépit d'une oeuvre pléthorique : Henry de Graffigny. On lui attribue en effet quelque 250 ouvrages (le premier écrit à l'âge de 17 ans), 3 000 articles...

Né Raoul Marquis, le 28 septembre 1863, l'homme qui se qualifiait tantôt d'ingénieur civil, tantôt de chargé de cours à la Faculté des sciences de Paris, voire de «professeur d'automobilisme à l'Association philotechnique» (sic), aura largement contribué, à cheval sur les XIXe et XXe siècles, à expliquer les progrès de la science auprès du grand public. 
S'il a surtout écrit sur l'aérostation et l'aviation (lui-même effectua 45 vols scientifiques en ballon et collabora à la revue L'Aérophile, d'où est issue cette illustration méconnue), sur l'électricité et l'automobile, il a également rédigé des manuels de bricolage et de tapisserie, créé des pièces de théâtre de Guignol, et il est même l'auteur d'un guide «pour se mettre en ménage». Egalement romancier, Henry de Graffigny prophétisa en 1909 l'émergence d'une «téléphonie sans fil» et imagina un «véhicule astral» dans «Voyage de cinq Américains dans les planètes».

Dans cette œuvre abondante, celui qui a choisi le nom de son village natal (Graffigny-Chemin) pour forger son pseudonyme n'oubliera jamais le département qui l'a vu naître, bien qu'il semble l'avoir quitté jeune. Ainsi, invité par le maire de Nogent, cousin de son «illustre maître et ami» Flammarion, Raoul Marquis tenta vainement, en 1882, de s'envoler en ballon, expérience malheureuse évoquée dans ses «Récits d'un aéronaute». Publié entre autres par Albin Michel (encore un Haut-Marnais) ou Hachette, il baptisera encore du nom d'Outremécourt – un village proche de Graffigny – un héros de son «Tour de France en aéroplane». Henry de Graffigny ne manquera pas enfin de louer les réalisations de ses compatriotes, comme Philippe Lebon, de Brachay, le marquis Jouffroy d'Abbans, de Roches-sur-Rognon, le pionnier de la construction automobile Emile Roger, de Châteauvillain...

Chargé, en dernier lieu, de la chronique scientifique du journal l'Ouest-Eclair, Henry de Graffigny est décédé en juillet 1934 à Septeuil (Yvelines). Deux ans plus tard, paraissait «Mort à crédit», œuvre de Louis-Ferdinand Céline qui, pour imaginer son personnage de Roger-Martin Courtial des Pereires, s'inspira du chroniqueur scientifique haut-marnais, qu'il avait bien connu...

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