vendredi 3 septembre 2010

Le récit d'un évadé du train de Neuengamme récemment identifié



La fausse carte d'identité d'Emmanuel Lalanne (document communiqué par la famille Sierra, que nous remercions bien sincèrement).


Notre article sur l’évasion de 45 déportés (pour Neuengamme) dans la Marne, entre Châlons-en-Champagne et Vitry-le-François, dans la nuit du 4 au 5 juin 1944, a suscité l’intérêt de Philippe et Régis Sierra. Et pour cause : leur grand-père a fait partie de ce groupe. Mieux : celui-ci a consigné par écrit un récit de cette évasion, paru en 1999 dans la gazette du Groupe cyclotouriste agenais. Ce témoignage, mis en forme par Philippe Sierra, s’ajoute aujourd’hui à ceux qu’avait pu recueillir Jean-Marie Chirol, avant la parution de son ouvrage en 1996. Le fondateur du club Mémoires 52 savait uniquement, à cette date, qu’un des évadés, le lieutenant Jocteur-Monrozier, avait sauté en compagnie de deux Agenais, Lalanne et Galand, et qu’il ignorait leur destin (lui-même étant allé rencontrer un prêtre de Vitry-le-François). Voici celui d’un d’entre eux…

Emmanuel Lalanne (1910-1992) a été arrêté le 30 janvier 1944, à l’occasion des obsèques d’un résistant du Lot-et-Garonne, Gérard Duverger, alias « Chevalier ». Emprisonné à la prison d’Agen où il a été torturé, transféré à la prison Saint-Michel à Toulouse, il a été ensuite dirigé sur Compiègne-Royallieu, anti-chambre de la Déportation.

Voilà ce qu’Emmanuel Lalanne rapporte des circonstances de son évasion : « Un officier allemand nous avertit que si nous tentons une évasion, nous serons repris et fusillés. Or, la veille, nous savions qu’il y aurait une tentative d’évasion, comme en avait décidé un prêtre de la région parsienne (mais une quarantaine de prisoniers le savaient seulement) (Note : l’abbé Le Meur). Au cours de la nuit, nous essayons donc de scier le plancher du wagon (pour y faire un trou pour pouvoir s’échapper). Mais nous devons vite nous arrêter, une poutre de fer apparaît qui ruine nos espérances. Alors nous nous attaquons au verrou de la porte (…). Le verrou cède. L’évasion peut commencer. Le train étant toujours en marche, nous devons sauter chacun notre tour. Nous avions convenu de nous retrouver par équipe de trois, le premier ayant sauté (s’il n’était pas blessé) devait avancer pour rejoindre le deuxième qu resterait sur place, le troisième revenant en arrière (rejoindre le deuxième). Pour ma part, il est convenu que je saute en second, cependant je saute à la place du premier car celui-ci prend peur et n’ose pas. Le train va vite, le jour commence à se lever, nous sommes les 5 juin. Pour sauter on doit s’allonger (sur le dos) sur la marche (le marche-pid), les pieds en avant et se laisser tomber en position horizontale afin d’amortir la chute. Cependant le temps presse et je me lance debout. Je roule sur quelques mètres au sol, sans trop me blesser. Je n’ai que quelques égratignures au visage et au genou gauche. J’attends que le dernier wagon du train me dépasse pour me relever afin de rejoindre celui qui a sauté après moi. Mais soudain, j’aperçois la silhouette d’une personne avec un fusil à la main, ce qui m’oblige à me cacher un instant dans un fossé, puis à abandonner la ligne de chemin de fer pour un talus bordé d’une petite route. Le jour levé, je vois un peu plus loin un panneau, m’indiquant la proximité de Vitry-le-François. Puis j’aperçois trois silhouettes en direction du village. Aussi, je me cache en contrebas de la route afin de les voir arriver ; soudain je reconnais l’une d’elles. C’est Galant, un évadé comme moi. »
Cet évadé semble correspondre à Georges Galan, recensé – sans plus de précision - par le Livre-mémorial de la Déportation, et au sujet duquel Jean-Marie Chirol ne possédait pas de renseignements.

« J’attends qu’ils m’aient légèrement dépassé, puis siffle pour les interpeller, poursuit Emmanuel Lalanne. Ils sont à Vitry afin d’y trouver assistance auprès du curé ou de l’instituteur (avec précaution). L’un d’eux va rester avec moi pour attendre du secours, les deux autres allant à la première messe et s’adressant au curé (Note : parmi eux, Jocteur-Monrozier, qui ne se souvient pas avoir été accompagné). Celui-ci leur indique une adresse où trouver de l’aide et en effet, ils se retrouvent abrités chez une dame. Deux ou trois heures après, deux cyclistes viennent nous trouver, nous apportant un petit-déjeuner. »
Selon M. Lalanne, c’est dans une ferme de Vitry-en-Perthois qu’il trouve d’abord asile, puis, après dénonciation, à Moncez-L’Abbaye (canton de Thiéblemont-Farémont), enfin à Donnement, dans l’Aube toute proche, où il reste jusqu’à la Libération. Parmi les patriotes qui lui ont porté secours, Emmanuel Lalanne se souvient des noms de M. Boyer et de Mme Doré. Aucun d’eux n’apparaît dans les travaux de Jean-Marie Chirol.

C’est ensuite à vélo qu’Emmanuel Lalanne regagne le Sud de la France, début septembre 1944.

Sources : témoignage de M. Lalanne recueilli et mis en forme par Philippe Sierra, aimablement communiqué (avec des documents) par Régis Sierra, de Poitiers ; « Sur les chemins de l’enfer », Jean-Marie Chirol, 1996 ; Livre-mémorial de la Déportation.

3 commentaires:

  1. super article !
    Selon ma mère, M.GALAN (sans D !) était bien établi à AGEN et se serait caché dans un moulin pendant longtemps après s'être évadé puis serait revenu à Agen (où elle l'a vu) où il tenait une boutique qui vendait des machines à écrire...etc.

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  2. A priori il était connu à Agen !

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